A l’occasion du soixantième anniversaire de notre indépendance, allons-nous, enfin, nous résoudre à honorer notre histoire contemporaine, pour la restituer dans son intégralité, préservant ainsi son intégrité? Dans cette perspective, il faut lui conférer ce qu’il faut d’espace et de profondeur pour accorder à Tahar Ben Ammar suffisamment de champ et lui restituer son passé, de chef politique et d’homme d’Etat.
Il y a un temps pour les crispations. Et, elles furent nombreuses, dans l’histoire du mouvement national. Toutefois et en bonne logique, il doit lui succéder un temps pour la réconciliation. Soixante ans après notre indépendance, il faut se résoudre à faire défiler notre histoire en conformité avec son déroulement réel. Et dans cette perspective, il convient de contribuer à regarnir la galerie des portraits de ses auteurs, chacun à la mesure de ses faits d’armes ainsi que de ses états de service. C’est un exercice sain pour la démocratie et salutaire pour notre unité nationale. Envers les grands hommes, la nation doit être reconnaissante. Mais, équitable, également. A chacun, sa juste dimension. Jusque-là, l’histoire officielle a été exclusive. La rendre plurielle ne fera que la valoriser et l’ennoblir.
Tahar Ben Ammar, un parcours injustement occulté
Ce 20 mars 2016, nous souhaitons ne plus revoir cette version furtive de la signature des accords de l’indépendance. Et le commentaire décharné qui se contente de rappeler que Tahar Ben Ammar a signé le protocole de l’indépendance, au nom de la Tunisie.
Il serait tout à notre honneur d’intégrer le long parcours de cette figure prestigieuse dans notre patrimoine historique. Qu’est-ce qui empêche de reprendre le fil de sa trajectoire patriotique, de faire revivre son statut de chef historique et de sa position d’homme d’Etat? L’histoire officielle l’en a privé pendant longtemps.
Un ouvrage récent lui a été consacré. Il est écrit par son fils Chedly*. Le livre a été salué par la communauté académique et la classe politique, pour son authenticité et son objectivité. Désormais, on dispose d’une base matérielle et factuelle pour réhabiliter l’œuvre de Tahar Ben Ammar dans toute son étendue.
Le combat d’un homme, le destin d’une nation
La discrimination programmée, qui perdure depuis soixante ans, n’appelle-t-elle pas une réhabilitation résolue et volontaire? Cet exercice nous paraît incontournable et urgent. Oui, la dynamique ambiante de réconciliation doit pouvoir le permettre. De toute façon, la mémoire populaire n’a jamais rejeté ce leader politique et patriotique. Il a bien été le centre de ralliement unanime des principales forces politiques et syndicales de notre pays, à ce moment déterminant de notre mouvement national.
Tahar Ben Ammar a vu son combat patriotique couronné par cette mission historique. Et elle se décompose en trois épisodes fondateurs pour l’avènement de l’Etat de l’indépendance. Son accession à la présidence du conseil, a été démocratiquement imposée par toutes les composantes de l’échiquier politique de l’époque.
C’est lui qui a conduit de bout en bout, et finalisé, les négociations avec la puissance coloniale. Et une fois l’indépendance acquise, c’est lui qui, sans plus tarder, a cautionné Habib Bourguiba auprès de Lamine Bey encore hésitant.
Le peuple tunisien va-t-il se résoudre à replacer chacun des nombreux artisans de notre indépendance à la place qui lui revient sans prendre à l’un pour donner à l’autre? L’opération est d’une extrême simplicité.