Draghi n’exclut pas de faire pleuvoir des billets sur l’Europe… par hélicoptère !

Draghi n’exclut pas de faire pleuvoir des billets sur l’Europe… par hélicoptère !

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Jeter des billets de banque par hélicoptère pour que l’homme de la rue en profite directement: une idée «très intéressante» selon Mario Draghi. Seule objection pratique: il faudrait que les gens remboursent ensuite…

La question a été posée jeudi dernier 10 mars à Mario Draghi. «Pour relancer l’inflation et l’activité économique, la meilleure solution ne serait-elle pas de distribuer directement de l’argent à l’ensemble de la population de la zone euro, comme si on lançait des tombereaux de billets d’un hélicoptère?» Et loin de rejeter cette suggestion comme totalement saugrenue, le président de la Banque centrale européenne a répondu le plus simplement du monde: «C’est une idée intéressante… mais nous ne l’avons pas encore réellement examinée».

L’image de l’«helicopter money», de monnaie lancée du haut d’un hélicoptère qui survole les rues d’une grande ville, est en réalité une idée classique chez les économistes et plus encore parmi les banquiers centraux. La paternité en revient à Milton Friedman qui en a parlé des 1969. Le prix Nobel d’Économie, grand théoricien de la politique monétaire, considère en effet que l’inflation dépend de la quantité de monnaie en circulation. Plus les consommateurs ont de moyens de paiement en poche, et plus les prix des produits montent dans les magasins. C’est la loi de l’offre et de la demande. Si on voulait par exemple doubler les prix de l’ensemble des produits, il suffirait de doubler la masse de monnaie. La recette serait particulièrement justifiée lorsque l’économie est en déflation, comme dans les années 1930, où les prix ne cessaient de baisser les uns les autres par contagion. Et lorsqu’on demanda à Friedman comment s’y prendre, il répondit par cette boutade de «l’hélicoptère». Il exprimait ainsi la détermination implacable dont devraient faire montre les responsables de la politique économique dans une situation très difficile.

La BCE inonde les marchés financiers de liquidités depuis un an et demi

Les risques de déflation, n’est-ce pas la crainte actuelle de la zone euro et de la BCE qui se désespère de voir l’inflation rester proche de zéro? C’est d’ailleurs la raison pour laquelle depuis un an et demi elle inonde les marchés financiers de liquidités, en achetant des titres de dette des États avec l’argent qu’elle crée elle-même, et qui ne lui coûte rien. Elle fait tourner la planche à billets, comme on dit, ce qu’on appelle aujourd’hui d’un terme technique le «quantitative easing», l’assouplissement quantitatif.

Mais finalement ne serait-il pas plus astucieux et plus efficace de donner directement de l’argent à Monsieur Tout le Monde? Nombre de consommateurs se privent faute de moyens monétaires! Voilà une idée populaire s’il en est.

L’hélicoptère n’est bien sûr qu’une image. «Techniquement il suffirait d’alimenter directement les comptes de dépôt de chaque client des banques, ou de leur faire un chèque», admet un banquier central. L’idée a été étudiée dès novembre 2014 par l’économiste britannique John Muellbauer, qui l’a intitulée «quantitative easing for the people», l’assouplissement quantitatif pour le peuple. Il a ainsi suggéré que la BCE distribue 500 euros à chacun des 275 millions d’Européens, la population adulte de la zone euro, soit au total 137, 5 milliards d’euros. Une grande partie de ces fonds serait immédiatement dépensée, l’effet de relance sur l’économie serait bien réel.

Techniquement difficile

L’étude de John Muellbauer a été lue attentivement à la BCE dès sa parution. Si cette idée, certes très hétérodoxe, elle n’a pourtant pas été retenue, c’est uniquement pour une question juridique fondamentale. À la limite rien n’interdit à la BCE de prêter directement aux gens, au lieu de passer par les banques. En revanche ce qui est rigoureusement impossible c’est de donner de l’argent sans retour. La BCE prête, mais elle ne donne jamais, ses statuts le lui interdisent. Quand elle avance des liquidités à une banque, elle prend des garanties pour être sûre d’être remboursée. Elle pourrait certes prêter aux 275 millions d’adultes, censés responsables, mais il faudrait qu’ils lui retournent un jour cet argent. Et pour cela il serait nécessaire que la BCE prenne des gages, ce qui ne serait techniquement difficile.

La monnaie tombant des hélicoptères vombrissant, comme dans le film Apocalypse Now où ils lançaient du napalm, semble donc peu réaliste. Même sous la forme de chèques adressés au domicile de chaque Européen.

Pourquoi alors Mario Draghi n’a-t-il pas rejeté le principe a priori dans sa conférence de presse? Au contraire il a tenu à laisser planer l’espoir que le patron de la BCE puisse un jour sauter d’hélicoptère comme Batman volant au secours des consommateurs européens déprimés par leur manque d’argent.

Ce faisant, le message qu’il a voulu faire passer est simple. Comme le note Jonathan Loynes, chef économiste de Capital Economics, il est dans l’intérêt de la BCE de montrer qu’«elle n’est pas à bout de munitions, et c’est dans son intérêt de laisser planer l’idée». Mario Draghi joue avec l’hélicoptère comme les enfants avec leurs modèles réduits. Pour rêver et faire rêver. Il laisse imaginer qu’il a d’autres instruments dans sa manche pour relancer l’économie et le crédit. Hélas des moyens bien plus compliqués que l’hélicoptère lâchant des sacs de billets, mais qui n’en existent pas moins selon lui. Super Mario, comme on appelle Draghi, ne baissera jamais les bras, qu’on se le dise!

 

AFP