A la veille de la célébration de la fête de l’indépendance, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a accordé une interview au journal américain The Washington Post.
Entre autres, Caïd Essebsi a souligné que le concept “printemps arabe” est une invention occidentale, plus précisément européenne. Il préfère donc “printemps tunisien”. «La première fois que j’ai entendu parler de ce printemps (arabe) c’était lors de la réunion du G8 à Deauville, en France, en 2011».
Liberté et dignité…
Ensuite, en réponse à une question sur les attentes des Tunisiens cinq ans après la révolution, le chef de l’Etat a indiqué que le peuple a fait une révolution pour la liberté et la dignité. “Une dignité qui signifie que tout le monde a un emploi. Elle signifie aussi la réduction de la pauvreté, la croissance économique dans les régions défavorisées et marginalisées et le droit de participer pleinement à la gestion des affaires publiques”.
Abordant le volet coopération, le président de la République a estimé que “les aides provenant des Etats-Unis et des pays européens sont insuffisantes. Mais la Tunisie ne peut pas vivre en mendiant». Et d’ajouter que «si nos amis sont prêts à nous aider, nous serons heureux. Nous ne pouvons pas les obliger à nous aider s’ils ne peuvent pas se le permettre».
Parmi les besoins les plus urgents pour la Tunisie, Caïd Essebsi évoque les domaines militaire et économique. “Comme toute success-story, l’expérience tunisienne est en danger. La Tunisie a plusieurs faiblesses économiques et si nous ne pouvons pas offrir des emplois, l’expérience sera menacée. En outre, si nous ne pouvons pas rétablir la sécurité, surtout à nos frontières, bien sûr, l’expérience sera mise en danger».
“La Tunisie se défend seule son territoire”
Abordant la menace terroriste, Béji Caïd Essebsi a indiqué que la Tunisie, dans sa lutte contre le terrorisme, fait barrage à l’expansion du terrorisme en Europe. Il a ajouté que la lutte contre le terrorisme est un effort mondial qui demande une stratégie commune pour le combattre. «Mais sur le plan pratique, il n’existe pas de stratégie. La Tunisie est en train de défendre son territoire pratiquement seule».
Toujours dans ce chapitre, le président de la République a rappelé qu’il n’y a pas de liberté sans sécurité. “Nous avons besoin de sécurité pour protéger la liberté et sans sécurité, c’est le chaos”. Cependant, “la Tunisie peut, effectivement, résister aux menaces du terrorisme sans renoncer aux libertés et aux réformes auxquelles aspiraient les citoyens qui sont descendus dans la rue il y a cinq ans… Nous devons protéger les libertés, et ma mission personnelle est de sauvegarder la liberté pour tous les Tunisiens, même pour ceux qui m’insultent tous les jours”.
Démocratie et développement économique sont liés
Sur les Tunisiens qui ont rejoint Daech ou Al-Qaida dans les foyers de tension et qui sont aujourd’hui de retour dans le pays, Caïd Essebsi a assuré qu’ils ne seront condamnés qu’en cas de violation de la loi. «Nous avons des lois qui préservent les droits et la liberté de chaque individu. Nous ne pouvons pas les empêcher de revenir au pays. Ce sont des Tunisiens après tout. Cependant, il existe un risque que certains d’entre eux restent nuisibles. Nous allons les surveiller».
Caïd Essebsi pointe, à cet égard, la précarité économique de ces jeunes. “Nous avons 618.000 chômeurs; parmi eux, 240.000 diplômés chômeurs. Ils n’ont pas trouvé un emploi depuis la Révolution. Par conséquent, ces personnes sont une cible facile. Ils peuvent être manipulés par les islamistes et les extrémistes. Il existe des organisations spécialisées dans le recrutement de ces jeunes gens désespérés. Nous devons offrir des emplois aux chômeurs. Voilà pourquoi je dis que le succès de la démocratie est lié au développement économique”.
“Les USA n’ont pas besoin de base militaire en Tunisie”
Sur la crise libyenne, le président de la République estimé que la Tunisie est la mieux placée pour comprendre le problème libyen étant donné les relations très anciennes entre les deux pays. C’est pourquoi “nous avons pris l’initiative de convoquer tous les pays voisins de la Libye. Nous aurons un dialogue sur le moyen de parvenir à une solution permanente et durable”.
La Tunisie permettrait-elle l’installation d’une base militaire américaine pour des vols de surveillance en Libye? Béji Caïd Essebsi a répondu que les Etats-Unis d’Amérique ne veulent pas de base. «Ils n’en ont pas besoin. Ils ont la sixième flotte en Méditerranée. J’ai visité cette flotte avec à son bord 5.000 soldats. Ils n’ont pas besoin de plus de soldats en Tunisie.