Un mois après sa démission de son poste de directeur du cabinet présidentiel, Ridha Belhaj est de retour sur le devant de la scène politique. L’ancien bras droit du président Béji Caïd Essebsi effectue son comeback par le biais de Nidaa Tounes, dont il veut éviter la totale déliquescence. Pour ce faire,
M. Belhaj veut, ainsi qu’il l’a clamé dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien Echourouk (édition du mercredi 2 mars 20216), “unifier et rassembler”.
Se positionnant en rassembleur, il déclare tendre la main à tous sans exclusive car “divisions, luttes intestines et ambitions n’ont pas de sens”. Visiblement, M. Belhaj veut mener cette mission avec l’aval et la bénédiction du président de la République. Il pourrait même être en service commandé par l’hôte de Carthage pour lui enlever du pied une épine qui lui fait de plus en plus de mal sur le plan politique.
D’ailleurs, Ridha Belhaj, officiellement démissionnaire mais en réalité “démissionné”, donne l’impression de renouveller/confirmer son allégeance à BCE de manière très subtile, en lui prêtant au détour d’une phrase le souci de “faire prévaloir l’intérêt général sur les ambitions personnelles” dans le règlement de la crise de Nidaa Tounes. Ce geste ne risque pas de lui attirer les foudres d’autres responsables du parti, mêmes les plus critiques de la manière dont BCE a géré la crise de Nidaa Tounes, puisque tout le monde a décidé de ménager le fondateur et ancien président du parti et actuel chef de l’Etat, à la fois pour sa fonction et son âge.
Par contre, ce que Ridha Belhaj dit au sujet de Hafedh Caïd Essebsi a peu de chances de plaire aux dissidents avec lesquels il affirme avoir déjà noué un dialogue et vouloir convaincre de rentrer au bercail.
Ce dialogue devrait, selon M. Belhaj, déboucher sur la tenue d’un congrès électif pour doter Nidaa Tounes de nouvelles instances et direction. Pour en garantir le bon déroulement, M. Belhaj voudrait en confier la supervision à “une commission nationale totalement indépendante de l’Instance politique” et qui se fera aider dans cette tâche par des “associations de la société civile spécialisées dans la conduite des processus électoraux”.
Afin de “réparer ce que les luttes intestines ont endommagé par le passé”, le président de l’Instance politique de Nidaa suggère de mettre en place un mode de prise de décision collectif, en se fondant sur “les principes sur lesquels le parti a été créé”.
Tout cela est bien beau. Mais quid du cœur du problème, de la question qui a fâché et continue de fâcher bon nombre de dirigeants et de cadres de Nidaa Tounes, en l’occurrence celle de la position dominante de Hafedh Caïd Essebsi et dont beaucoup au sein du parti du parti en contestent la légitimité, ouvertement ou en catimini? Comment Ridha Belhaj pense-t-il surmonter cet obstacle?
Sur ce point crucial, il n’apporte rien de nouveau qui puisse désarmer les critiques et ramener les dissidents. Lorsqu’on lui demande comment il pense surmonter le problème que pose le fils du chef de l’Etat et responsable de ses structures, le président de l’Instance politique de Nidaa Tounes botte en touche: “quel intérêt y a-t-il à continuer à parler de la crise du parti et de la position d’untel et untel”, se demande-t-il; et décerne dans la foulée un satisfecit à HCE en affirmant que “de toute façon, M. Hafedh Caïd Essebsi travaille comme les autres dirigeants du parti avec un sens de la responsabilité et dans le cadre de la cohésion collective”.
Avant de conclure en affirmant qu’il ne croît pas qu’il y ait “quelqu’un qui pense être capable à lui seul de dépasser une crise dont les causes sont collectives et complexes et dont la sortie est claire aux yeux de tous”.
En somme, ce que le président de l’Instance politique de Nidaa Tounes offre à ceux qui l’ont quitté c’est de rentrer au bercail en renonçant tous simplement à leurs griefs, sans concession digne de ce nom en échange, et, partant, en acceptant aujourd’hui ce qu’ils ont rejeté hier: que Hafedh Caïd Essebsi était, est et resterait le vrai chef du parti.
Le président de l’Instance politique de Nidaa Tounes, dont des sources proches assurent qu’il impute son limogeage non pas au chef de l’Etat mais à certains membres de sa famille, dont M. Hafedh Caïd Essebsi, peut-il oublier cela et accepter de coexister avec ce dernier en sachant qu’il est, du moins pour l’instant, l’homme fort de Nidaa Tounes? Ou n’est-il pas, comme son ex-ami Mohsen Marzouk, après sa propre sortie du Palais de Carthage, qu’en “escale” avant d’aller
lui aussi voir ailleurs? Autant de questions auxquelles seul l’avenir proche ou lointain peut apporter une réponse.