«De l’intox. Ce sont des informations qui n’ont rien à voir avec la réalité», s’est étonné Hédi Dahman, directeur général à la CNRPS quand on lui a demandé des précisions relatives aux informations selon lesquelles 3 MDT ont été déboursés de la Caisse de protection sociale à des personnes décédées. «C’est absurde pour la simple raison que notre système d’information est aujourd’hui reliée automatiquement à celui des municipalités. Nous sommes avisés en temps réel de la mort d’une ou d’un pensionné et nous procédons automatiquement à la suspension de sa pension. Il y a quelques exceptions où suite à une erreur on continue à dispenser les pensions pour un ou deux mois mais c’est vraiment exceptionnel».
Pour M. Dahman, ce genre d’incident est du menu fretin par rapport à l’essentiel et qui se rapporte principalement à la manière dont sont gérées aujourd’hui les caisses sociales. Ce qui pourrait mener à leur faillite définitive.
«Le déficit structurel de la CNRPS ne date pas d’aujourd’hui, cela fait des années que nous en parlons et pour des raisons objectives. Tout d’abord d’ordre démographique, une espérance de vie plus longue et une limitation des naissances. A l’orée de l’indépendance, il y avait 7 Tunisiens actifs pour un retraité, aujourd’hui, nous en sommes à 2,5 personnes actives pour un seul retraité. Ce n’est pas suffisant pour couvrir les dépenses des pensionnés et ce sont les futures générations qui en souffriront. Il y a aussi, et quoiqu’on en dise, le recul des recrutements réellement productifs dans la fonction publique. Pour 23.000 recrutements par an, il y a 18.000 départs à la retraite».
Le peuple paye pour des salariés chômeurs et dédommagés!
Pire, ces dernières années, l’âge des personnes recrutées dans le cadre de la loi de l’amnistie générale dépasse de loin l’âge maximal d’embauche dans la fonction publique. Ils ont entre 42 et 55 ans et dès leur prise de fonction, ils bénéficient de l’arrêté Ali Larayedh qui a chargé des commissions ministérielles de procéder à la reconstitution «des carrières des agents publics bénéficiant de l’amnistie générale relevant des services centraux et des établissements publics à caractère administratif rattachés au ministère des Affaires sociales et des établissements publics à caractère non administratif et des entreprises publiques sous sa tutelle».
Nous avons donc, dans le cas de l’espèce, affaire à des commis de l’Etat pour la plupart re-parachutés dans des postes clés mais sans compétences réelles, inefficaces dans leurs postes qui ont récupéré leurs «droits», qui ont bénéficié des dédommagements et qui ne sont pas productifs pour le pays car ne répondant pas aux besoins de l’Administration. Et en la matière, les caisses sociales qui calculent les retraites sur la base d’au moins 30 ans de travail, doivent revoir leurs comptes pour pouvoir satisfaire aux besoins de milliers de nouvelles recrues amnistiées. Le contribuable paye pour des salariés chômeurs et dédommagés!
«Si l’Etat tunisien tient à sauver les caisses sociales de la faillite, il va falloir qu’il suive de nouvelles pistes en adoptant un plan de redressement ou des réformes profondes adossées à une vision qui s’inscrit dans la continuité. On ne change pas de vision et de programme d’action parce qu’il y a eu changement de ministres. Les moyens dont nous disposons aujourd’hui et notre marge de manœuvre sont très limités, d’où l’importance de l’audace dans la prise de décisions», estime M. Dahman.
Grands temps pour que le gouvernement ose prendre des mesures douloureuses pour sauver et les caisses et sociales et les générations futures qui risquent de trouver leur avenir hypothéqué à cause des mauvaises politiques adoptées à ce jour en la matière.
«Notre système de protection sociale souffre, bien que la loi promulguée en 1985 comporte des points positifs; elle n’est pas dépourvue d’incohérences qui font que les risques sur la survie des caisses sociales sont sérieux. Pour l’instant, c’est la CNRPS qui est la plus touchée, très bientôt, ça sera la CNSS, rejointe par la CNAM aujourd’hui excédentaire mais qui risque d’avoir des difficultés financières dans les toutes prochaines années. Il est impensable que les pensions accordées par la CNRPS ne soient pas plafonnées, c’est une aberration qui n’existe dans aucun pays au monde. Le système de péréquation doit changer de mode de fonctionnement».
En Tunisie, une veuve perçoit 75% de son défunt mari, et 10% pour chacun de ses enfants mineurs, le montant peut atteindre les 100% si elle a trois enfants. Pareil pour le veuf.
Précisons que la péréquation reflète l’évolution de la rémunération globale des actifs. En Tunisie, grâce au régime de péréquation, on indexe automatiquement les augmentations de salaires chez les affiliés en exercice à celles des pensionnés. «La dernière augmentation coûtera à l’Etat 15 MDT au profit des retraités. C’est un gouffre financier. Le retraité peut percevoir une rémunération plus élevée que celle du salarié qui a le même grade que lui et appartient à la même catégorie socioprofessionnelle». Le montant des pensions s’élève à 290 MDT chaque mois et ira croissant avec des départs à la retraites de plus en plus importants.
Aujourd’hui le déficit de la caisse sociale s’élève à 1 milliard de dinars et ce n’est pas le report de l’âge de la retraite de 2 à 5 ans qui remédiera à ce déficit mais plutôt la révision des mesures en faveur des retraitées. «Mesures qui doivent prendre compte du déséquilibre entre l’affilié actif et celui pensionné et de la nécessité de prévoir un fonds dans le budget de l’Etat consacré à l’approvisionnement de la CNRPS car un simple calcul mathématique prouve que de facto le mode de fonctionnement même de notre régime de protection sociale en fait un régime déficitaire».
La Tunisie pourrait peut-être adopter le système des corbeilles à l’instar des pays européens qui stipule que chaque pension de retraite ou de survie doit être rattachée à une corbeille bien définie, les pensions d’une même corbeille sont péréquatées de manière automatique, au terme de chaque période de référence de deux ans, à concurrence d’un certain pourcentage et non pas indexées automatiquement sur les augmentations des salaires des affiliés actifs.
Une piste à creuser d’autant plus que les caisses sociales n’ont plus de ressources extérieures comme auparavant lorsqu’elles pouvaient accorder des prêts voitures, de consommation ou de logement.
L’Etat doit arrêter de faire du surplace et de jouer au sapeur-pompier. Il doit assurer en préservant les caisses de sécurité sociale et en protégeant les droits des générations futures à être couverts socialement aussi bien que leurs prédécesseurs.