Abdoulaye Sy, économiste en chef de la Banque mondiale pour la Tunisie, a apporté, dans une interview accordée à l’agence TAP, à l’occasion de la visite du président de la BM dans le pays, des éclairages sur les réformes préconisées par l’institution mondiale pour booster la croissance et sur les perspectives économiques de la Tunisie.
Interrogé sur ce que recommande la Banque mondiale en matière de réformes spécifiques pour booster la croissance en Tunisie, Abdoulaye Sy a d’abord rappelé que “la Banque mondiale a accompagné les gouvernements tunisiens successifs depuis la révolution, dans leurs efforts de réforme économique pour booster la croissance, réaliser une meilleure gouvernance et stimuler la création d’emplois durables par le secteur privé. Cet appui s’est fait à travers une série de programmes d’appuis budgétaires entre 2011 et 2015. En 2016, suite à une requête du gouvernement, nous sommes en train de préparer un nouvel appui budgétaire pour poursuivre et accompagner les réformes déjà engagées et discuter de nouvelles réformes”.
Ensuite, l’expert de la BM a souligné certaines réformes ont été lancées depuis la révolution, “mais qui n’ont pas encore abouti, soit parce que les changements législatifs nécessaires n’ont pas été approuvés, soit parce que les nouveaux textes législatifs ne sont pas mis en oeuvre”.
Parmi ces réformes, M. Sy cite le code d’investissement et ses textes d’application, la loi sur la faillite et encore la loi sur la concurrence, approuvée depuis septembre 2015, mais dont les textes d’application sont encore, en cours de préparation. “Ces chantiers de réforme sont très importants à notre avis. Car, ils vont permettre d’appuyer le secteur privé et l’aider à devenir un réel moteur de croissance”, explique-t-il. Et de poursuivre: “Nous envisageons de continuer à appuyer le gouvernement pour parachever ces réformes et se concentrer sur la mise en oeuvre effective de ces lois, pour que leur impact soit vraiment ressenti par le secteur privé”.
A propos de la réforme pour un meilleur ciblage des subventions, Abdoulaye Sy a tenu à souligner que “dans le contexte actuel où les prix du pétrole sont en baisse spectaculaire, passant de 110 dollars le baril, il y a 2 à 3 ans, à environ 30 et 35 dollars/baril, la Tunisie en tant qu’importateur net de produits pétroliers a énormément bénéficié de cette chute. Nous estimons que le contexte est favorable pour que le pays saisisse l’opportunité et poursuive les réformes des subventions énergétiques déjà entamées”.
Il s’agit en premier lieu, de faire en sorte que les prix domestiques, notamment à la pompe, pour l’essence et le diesel, soient plus en adéquation avec les prix internationaux, actuellement très bas et que cet alignement des prix domestiques et internationaux soit maintenu dans le temps et suffisamment vulgarisés et expliqués.
Ensuite, concernant les autres produits énergétiques tels que l’électricité et le gaz lampant, l’analyste de la BM suggère “la mise en place d’un filet social basé sur un système de ciblage efficace et transparent pour protéger les familles les plus pauvres et vulnérables est un prérequis essentiel à toute réforme des prix…”.
Sur la problématique “croissance économique et satisfaction des requêtes sociales”, M. Sy reconnaît que “les demandes sociales en termes d’accès à des emplois durables et de bonne qualité sont importantes. La population tunisienne ressent que les fruits de la révolution ne se sont pas encore matérialisés”. Il estime cependant que “la Tunisie l’a déjà prouvé que les différentes composantes de la société sont en mesure de se rapprocher d’un consensus sur le fait que l’emploi public ne peut pas être la seule et principale réponse à ces demandes et qu’un espace plus grand doit être ouvert au secteur privé, notamment aux petites et moyennes entreprises, afin qu’il puisse jouer son rôle de moteur de la croissance et de la création d’emplois”.
Concernant les perspectives économiques de la Tunisie au cours des prochaines années, Abdoulaye Sy pense que notre pays pourra réaliser “une croissance de 1,8% pour 2016, dans la mesure où la production de phosphate et de produits dérivés reprend après sa forte baisse lors des mouvements sociaux de 2015 et début 2016 et le secteur manufacturier rebondit graduellement”. Il est plus optimiste pour 2017 et 2016, avec une accélération de la croissance, de l’ordre de 2,5% et 3% respectivement…
A la question de savoir sur quelles bases la Tunisie doit fonder son nouveau modèle économique, il a répondu que notre pays possède “un capital humain de grande qualité, beaucoup de talents, une jeunesse innovante et férue de nouvelles technologies, une situation géographique enviable et une société ouverte, autant de bases qui peuvent fonder un modèle économique à succès…”