Faut-il accepter le yuan comme monnaie de réserve? Oui, dit la Banque centrale de Tunisie. Sous réserve de monnayer, cette reconnaissance, par une coopération financière, préalable. Ce serait une preuve de bonne volonté et de test de vérité. La Tunisie peut–elle toréer face à la Chine? Même si elle n’en a pas les moyens, elle en a le discours.
Entre Etats, c’est du donnant-donnant, c’est la règle. Tel semblait être le rappel fait par le gouverneur de la BCT à l’offensive de charme -et de puissance- lancée par la Chine. L’Empire du Milieu est dans une dynamique d’émancipation de sa monnaie.
Grisé par le coup de pouce du FMI qui intègre le yuan au panier des “Droits de Tirage Spéciaux“ (DTS), depuis novembre 2015, l’Empire du Milieu veut sauter le dernier pas qui lui reste. Le FMI lui reconnaîtrait (au yuan), un statut de devise internationale si les échanges, libellés en yuan, progressaient rapidement d’ici l’automne 2016, date du prochain Conseil du Fonds. La Chine se trouve dans une course contre la montre et lance des contacts, tous azimuts, en Afrique et ailleurs pour doper sa monnaie (Lire: Chine – Afrique : Le yuan chinois a désormais cours légal en Angola).
Dans ce cadre, Liu Minghzi, représentant pour l’Afrique de la Banque populaire de Chine, est venu proposer officiellement à la Tunisie de mettre en parité le dinar et le Rinminbi*, cette “monnaie du peuple“, plus connue du marché sous son appellation yuan. C’était dans cet esprit que le Conseil de coopération tuniso-chinois, présidé par Dr Sahbi Basli, a organisé un déjeuner-débat, mardi 29 mars 2016, à Tunis.
Un casse-tête chinois!
Rien, en l’état actuel des choses, ne plaide en faveur de l’offre de parité dinar-yuan. Le déficit commercial avec la Chine prend des proportions abyssales. La déferlante du meccano manufacturier et marchand chinois lamine les entreprises tunisiennes en leur raflant des parts autant sur le marché domestique que sur leur chasse-gardée européenne. Et faut-il reprocher aux Tunisiens leur frilosité pour ne pas avoir diversifié leurs échanges avec l’Asie et notamment la Chine, comme le laissait entendre Dr Sahbi Basli? Qui pouvait dialoguer, avec l’usine du monde, d’égal à égal, je vous le demande bien. Et, on doit à la vérité de dire que les articles chinois forçaient nos frontières sans même qu’on ait notre mot à dire. Les produits turcs et chinois ont fait les beaux jours de la contrebande en Tunisie. Ceci, pour dire que la question de la parité dinar-yuan ne survient pas au bon moment. Ah, si! Sauf si on la met sur une pente vertueuse, dira Chedly Ayari, avec une roublardise bien assumée.
Un pari de bonne volonté et un test de vérité
Officiellement, la question de la parité des deux monnaies sera étudiée au début du mois d’avril. Le gouverneur s’emploie à préparer les partenaires chinois à mieux calibrer leur offre.
S’agissant d’un deal, laisse sous-entendre, en substance, il faut qu’il soit équilibré, c’est-à-dire “gagnant-gagnant“. Si tant est que la Chine est intéressée, via la parité, à développer sa coopération avec la Tunisie, alors elle devrait aborder la question de façon pragmatique.
La question du change ne peut nous conduire vers une croissance équilibrée, à moyen terme, de nos échanges commerciaux. Il existe par contre deux champs d’échange sur lesquels la coopération peut démarrer sur les chapeaux de roues et seraient mutuellement bénéfiques.
Comme preuve de bonne volonté, la Chine accepterait-elle d’aider la Tunisie dans l’épreuve financière qui l’attend dans les prochaines années? Est-elle disposée à l’aider à refinancer sa dette sur le marché international, comme l’ont fait le Japon et les Etats-Unis à quatre reprises? Ce serait un test de vérité. Outre qu’il donnerait à la parité son plein sens mettant les deux pays sur des horizons de coopération sensibles et par conséquent durables.
Le Swap plutôt que la parité, dans un premier temps
Dès 2017, la Tunisie devra aller sur le marché international pour emprunter, afin de rembourser ses crédits. L’impasse financière est voisine de 3 milliards de dollars par an. Ce sera éprouvant pour la Tunisie, qui est pénalisée par son rating, si elle devait y aller avec sa propre signature. Et cela représente epsilon, pour le partenaire chinois. La contre-garantie de la Chine abaisserait sensiblement la charge de l’emprunt.
Ou alors, hypothèse plus accommodante, la Chine ouvrirait-elle son marché de la dette à la Tunisie. Ainsi, avec le stock de yuan engrangé, la BCT fera du swap entre les deux monnaies, et cela faciliterait l’opération de parité.
Les “Soft quick-wins“
Activer la coopération exige des deux partenaires de commencer par ce qui peut être immédiatement mis en service. Et les structures soft existent dans la finance, mais également les IT où la Chine conforte une position forte, suggère le gouverneur. Et la dynamique initiée par Smart Tunisia a balisé la voie. Cette passerelle soft ouvrirait la voie à une dynamique de partenariat d’investissement. Et dans ce sillage, Aziz M’Barek, DG de Tuninvest, a suggéré la création d’un fonds des fonds mixte pour financer les joint-ventures entre les deux pays. Cette solution est préférable à la création de banques mixtes, appuiera le gouverneur. Là-dessus, l’hôte chinois vient rappeler que la Chine a récemment prêté 20 milliards d’euros à l’Agence française de développement (AFD) pour l’aider à financer ses concours à l’adresse des pays africains. Simple parade de Gomoku ou attitude sincère de la part de Liu Minghzi? Le directeur de la Banque populaire de Chine entend-il acquiescer à la demande des Tunisiens en rappelant cet évènement. Cela resterait du chinois tout le temps que cela ne se concrétisera pas.