A l’évidence, le marché américain est, par excellence, “The Market to be“ pour les exportateurs. Encore faut-il trouver les clés pour l’aborder.
Mardi 5 courant, la Chambre de commerce et d’industrie de Tunisie (CCIT) a organisé un bel exercice de prospective à l’adresse des exportateurs tentés par l’aventure américaine. Cela a été fait avec un esprit pionnier dans la pure tradition de la conquête de l’Ouest.
Le ministère du Commerce, la FIPA et le cabinet Deloitte ont accepté de se joindre à cette initiative. Et, cette rencontre fut gérée selon un format de café économique par Mondher Khanfir qui l’a modérée de bout en bout assurant une interactivité bénéfique entre experts et candidats au rêve américain.
D’ailleurs le slogan de cette rencontre a été “Les clés du marché américain“. Mais on sait qu’avec l’Amérique, si loin, si imposante, si riche mais si exigeante, la clé ne dispense pas du sésame. Et de toute façon, à l’issue de cette journée, même si on ne repart pas avec un trousseau de clés, on sait comment se faire prendre en mains pour conquérir l’Amérique. C’est à la fois édifiant et motivant. Mais c’est loin d’être “In the pocket“, comme disent les Anglo-saxons.
Des échanges modestes mais un cadre d’accompagnement réactif
L’Amérique n’a jamais été dans l’écran radar de nos exportateurs, et pourtant, de même que le rappellera avec insistance Mounir Mouakhar, le président de la CCIT, il faudra désormais l’intégrer car il y va du redéploiement de notre secteur exportateur.
Les échanges avec l’Amérique plafonnent autour de un milliard de dollars dans les deux sens. C’est modeste par rapport au standing de l’Amérique et aux ambitions de la Tunisie. Et les flux sont cadrés par deux piliers de même que le rappellera Habib Latrache.
Le premier est l’Accord de préférences généralisé “GSP“ qui accorde à une liste de 1.400 produits -excepté le textile- la franchise des droits de douane sur le marché américain. Et le second est le TIFA (Trade Investment Free Agreement) qui est le premier stade du FTA (Foreign Investment Agreement), comprenez la zone de libre-échange entre la Tunisie et l’Amérique.
Cependant, les exportations tunisiennes ne se sont pas diversifiées et restent cantonnées aux produits agricoles et agroalimentaires et à l’artisanat. Alors, par pragmatisme, les organisateurs soutiennent qu’il faut intensifier les flux actuels et pousser en direction des autres secteurs notamment les IT.
En réalité, dans l’esprit de la CCIT, le cadre actuel d’appui et d’assistance autant du côté tunisien que celui fait avec l’aide américaine permet une prise en mains des exportateurs tunisiens, de préférence les jeunes promoteurs. Ces derniers ont le goût du challenge, car leurs ainés, à la tête d’entreprises matures, moins risk takers, sont moins réactifs tentés qu’ils sont de rester sur leurs marchés captifs.
Quels sont les horizons à l’heure actuelle pour les exportateurs sur le marché US?
Le travail de “Capcity building“
Le marché américain a tous les atouts de taille et de pouvoir d’achat qui en font un marché convoité. Mais c’est un marché difficile d’accès. Par comparaison, Mondher Khanfir a rappelé que sur l’Europe l’on se contentait d’exporter nos excédents. Avec l’Amérique, précise-t-il, il faut produire du sur-mesure, c’est-à-dire pour le marché américain. Question soulevée par Habib Latrache, directeur du cabinet du ministre du Commerce. Et c’est précisément autour de cette question que Mounir Mouakhar, président de la CCIT, a structuré les travaux de cette journée. On a pu voir en effet lors de l’intervention de Khaled Ben Mouelli, directeur au ministère du Commerce, que le département a mis sur pied, avec le concours du MEPI, de l’USAID ainsi que de l’ambassade américaine à Tunis, un dispositif complet pour la prise en mains des exportateurs. Un travail de ciblage des exportateurs et des salons marchands est déjà opérationnel.
Ainsi 35 entreprises iront au “Fancy Food Show“, premier Salon alimentaire aux Etats-Unis. Ces entreprises ont été sélectionnées par le Packtec et le CEPEX. Deux experts US les ont encadrées pour assortir leur offre aux standards US.
Un autre groupe relevant du secteur de l’artisanat partira au “New York Gift Fair“.
Au total, trois programmes ont été ainsi mis sur pied pour mettre les exportateurs en intelligence avec les normes et les exigences du marché Outre atlantique. Ces programmes ont été diffusés, dira Souhail Ben Abdallah, expert chez Deloitte, dans le réseau constitué par les 8 Chambres de commerce qui couvrent 8 régions et les 24 gouvernorats du pays. Ce réseau diffuse, à travers une plateforme qui dispense des services en ligne, des études, des informations et du conseil à l’adresse des exportateurs.
Une chaîne logistique se met en place
Si notre export sur l’Amérique n’explose pas les objectifs, cela est en partie dû à l’insuffisance de notre organisation. Les organismes d’appui et de soutien publics ne sont pas représentés en Amérique. Ainsi, ni FIPA, ni CEPEX, ni l’ONTT ne sont présents sur place. Pour pallier cette carence, Tunisian American Young Professionnals “TAYP“, soit la diaspora des jeunes tunisiens qui opèrent aux USA, a créé une première “droping zone“ à Memphis. Ce n’est pas le site idéal, dira Salim Moussa, président de TYP, mais il a l’intérêt d’exister, en attendant que l’on se donne les moyens d’aller vers des zones plus sensibles tel l’Etat de New York ou la Californie.
La chaîne logistique devra donc être élargie. Cependant, il restera à aborder la question épineuse des circuits de distribution et bien entendu celui de la communication. La première success story tunisienne restera celle de l’huile d’olive vendue par correspondance.
L’on n’a pas discuté lors de cette journée des potentialités de ce réseau ainsi que du e-commerce.
Tunisie-Amérique, le “Take off“ manqué
L’Amérique et la Tunisie ont convenu d’un partenariat stratégique dont le slogan est “From vision to action“. C’était un cadeau fait à la Tunisie démocratique. Mais de même que le démontrera Raja Touil, directrice à la FIPA, les résultats en matière d’IDE américains n’ont pas suivi. Seuls 15% des investissements américains en 2015 sont nouveaux. Il n’y a pas eu à proprement parler une prime à la démocratie.
Par ailleurs, les autorités américaines repoussent indéfiniment la conclusion d’une zone de libre-échange avec la Tunisie. Cela fait que l’on ne voit pas de partenariat significatif se mettre en place et que l’on doit pour le moment s’employer à doper les échanges avec les USA. Et en la matière, les progrès ne peuvent être que lents. Et c’est dans ce sillage que l’initiative de la CCIT prend tout son relief car elle cherche à optimiser la chaîne logistique.