Des opportunistes de tout bord … se sont bousculés, le mercredi 6 avril, au mausolée du «Saint» Bourguiba, à Monastir, pour commémorer le décès, il y a seize ans, du fondateur de la première République. Ces mêmes «inaptocrates»- opportunistes, qui n’avaient pas eu le courage de venir en aide au Combattant suprême et de le soutenir, même moralement, lorsque le dictateur kleptocrate Ben Ali l’avait séquestré, 13 ans durant, dans «une cabane» de survie.
J’imagine que face à cette marée de «faux bourguibistes», Bourguiba, dans sa tombe, ne devrait pas tirer une quelconque fierté de leur présence et devrait bien, au contraire, se dire, lui qui aimait les maximes, «Il faut se débarrasser de l’estime des gens que tu n’estimes pas».
Il faut se débarrasser de l’estime des gens que tu n’estimes pas
Cela pour dire que tous ceux qui se disent, de nos jours, “fils spirituels“ (destouriens) et «illégitimes» (allusion aux gauchistes) de Bourguiba sont, tout simplement, de minables transfuges politiques sans foi ni loi. Et ce pour une simple raison. Bourguiba n’est pas à dupliquer. Bourguiba est unique et n’est pas exemplaire. Bourguiba est une exception et non un spécimen. Bourguiba est tout simplement un des génies et un des meilleurs patriotes de son époque.
C’est pour cela, ensemble, les cinq présidents qui se sont succédé à la tête du pays depuis son départ (Ben Ali, Mohamed Ghanouchi -pendant quelques heures), Foued Mebazaa, Marzouki et Essebsi) ne valent pas un cheveu de Bourguiba au regard de leur bilan et au regard du travail de destruction et de sape qu’ils ont commis à la tête de la Tunisie.
Bourguiba se démarque de cette cohorte de présidents resquilleurs et de toute la classe politique qui s’agite, actuellement, dans le pays par quatre qualités majeures.
Quelques qualités de Bourguiba
Premièrement, Bourguiba était doublement légitime. Il était légitime historiquement en ce sens où il avait conduit la lutte de libération contre le joug colonial et subi toutes les exactions (prisons, exils…). Il était légitime constitutionnellement dans la mesure où il a édifié un Etat moderne et initié, dans les temps, des réformes structurelles dont nous tirons aujourd’hui tout le bienfait: émancipation de la femme, option pour le régime républicain, généralisation de l’enseignement et des prestations de santé…).
Deuxièmement, Bourguiba était un politicien de proximité. Il aimait être en contact direct avec la population. En sa qualité de leader moral suprême, il sillonnait dans tous les sens une Tunisie pauvre, illettrée et sous-développée. Il ne se gênait pas de sermonner les pauvres résignés et de féliciter les plus entreprenants, le tout conformément à sa légitimité et non à la légalité de sa fonction de chef de l’Etat.
Les présidents qui l’ont relayé, à défaut de légitimité et grisés par le confort et la rente que leur procurait le poste de chef d’Etat, ont préféré se terrer dans le palais de Carthage. A l’exception de Ben Ali qui effectuait des visites «musclées» et «encadrées», les autres ont opté pour l’hibernation et pour la gouvernance du pays à distance, c’est-à-dire virtuellement.
A titre indicatif, le président Béji Caïd Essebsi, qui a été pourtant le premier président élu démocratiquement, n’a pas effectué, depuis son élection, il y a un an et demi, une seule visite dans une aucune région sous prétexte qu’il n’avait rien à leur offrir comme s’il était mandaté constitutionnellement pour le faire.
Avant lui, Marzouki, la seule fois où il a osé le faire, dans le cadre de ses fonctions et non dans le cadre de la campagne électorale, c’était à Sidi Bouzid où il a été “caillassé“ comme il se doit.
Troisièmement, Bourguiba disait la vérité au peuple. Il ne se cachait pas derrière les professions de foi et les fausses promesses. Et surtout, il n’était pas populiste. Il accordait peu d’intérêt aux humeurs de cette populace qui ne fait rien et qui ne laisse personne faire quoi que ce soit. Bref, il avait une idée précise de la qualité humaine des Tunisiens. Il ne voulait idéaliser, outre mesure, cette poussière d’individus dont il a fait un peuple. Contrairement à ces successeurs, il n’était pas hypocrite et ne voulait tromper les Tunisiens dont il n’avait jamais dit qu’ils étaient ni assez murs politiquement ni assez qualifiés par rapport à d’autres peuples.
Quatrièmement, Bourguiba, contrairement à ces successeurs, n’a jamais imputé les responsabilités des problèmes que connaît le pays à une quelconque partie étrangère. Pour lui le mal est dans le pays, comme c’est le cas actuellement. Le pays est devenu une pépinière et un exportateur de terroristes parce que le leadership politique a laissé faire (Troïka et Essebsi…).
Conséquence: au lieu de parler de la malédiction de la géographie, allusion à la situation inconfortable de la Tunisie entre deux pays (Algérie et Libye) en confrontation avec le terrorisme, il vaut mieux balayer devant sa maison, c’est-à-dire neutraliser les mosquées et instituer dans la Constitution la séparation de la religion de la politique, comme l’avait justement Bourguiba. Une chose est sûre. La Tunisie se portera mieux.
Bourguiba n’était pas un saint
Par delà ces qualités qui distinguent le Combattant suprême de ses successeurs, Bourguiba et par delà son apport historique pour la Tunisie, ce leader hors pair est bien mort et qu’il ne peut plus rien faire pour le pays. Il n’est plus la solution. Car lui aussi avait commis des erreurs monumentales à travers ses abus et excès de pouvoir.
Bourguiba n’était pas «un saint» comme ses faux fils spirituels cherchent à nous le faire croire à travers la restauration de ses statues. Il avait à son actif la responsabilité criminelle d’avoir retardé l’évolution du pays de l’Etat national à l’Etat institutionnel, d’avoir dissuadé tout processus démocratique, particulièrement la démocratie locale (municipalités…), et surtout d’avoir favorisé le népotisme et le régionalisme lesquels sont quelque part en partie à l’origine de la situation délétère par laquelle passe, aujourd’hui, la Tunisie.
Moralité: au regard de l’ampleur des dégâts occasionnés par les kleptocrates de Ben Ali et des daechiens aux relents nahdhaouis, la République de Bourguiba a certes bien résisté mais l’avenir est devant nous. Il sera perceptible à travers l’édification d’un véritable Etat de droit et des institutions où prévaut l’égalité des chances et où les lois sont applicables à tous.
In fine, Bourguiba mérité d’être rappelé à nos écoliers et à nos élèves mais sur un pied d’égalité que d’autres leaders et militants de la trempe de Farhat Hached, Tahar Haddad, Salah Ben Youssef, Abdelaziz Thaalbi, Mohamed Daghbaji, Ahmed Tlili.
A bon entendeur.