Six mois après la présentation de sa Note d’orientation aux partis de la coalition au pouvoir, sa discussion par les économistes du pays et la promesse faite de le mettre à exécution, à compter du premier trimestre 2016, le Plan de développement stratégique quinquennal (2016-2020) est toujours dans les tiroirs du ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, département en charge de ce dossier.
Au regard de l’acuité de la crise multiforme que connaît le pays et de l’urgence d’entreprendre des réformes d’envergure et d’entamer de grands projets, les Tunisiens sont en droit de se poser cette question: où en est ce plan qualifié par l’universitaire Karim Ben Kahla du «plus important plan de développement de l’histoire moderne de la Tunisie qu’aucune partie n’a le droit de rater».
Que prévoit ce Plan?
Pour mémoire et de manière succincte, au plan macroéconomique, la Note d’orientation prévoit, pour ce quinquennat, un montant d’investissement de 125 milliards de dinars (25 milliards de DT par an), un taux de croissance de 5% par an et une réduction de 4 points du chômage, d’ici la fin 2020.
Au rayon des réformes, il y a lieu de citer la réforme de l’administration, la poursuite de réforme de l’enseignement supérieur, de l’éducation et de la formation, l’achèvement de la réforme fiscale, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption.
Au chapitre des grands projets, l’accent sera mis sur la logistique. A cette fin, le projet du Port en eaux profondes d’Enfidha et de sa zone logistique sera le projet phare dudit plan. Le PSD (Plan stratégique de développement) prévoit également l’achèvement des tronçons autoroutiers transmaghrébins vers les frontières tuniso-algérienne et tuniso-libyennes, s’agissant des autoroutes Tunis-Bous Salem, Tunis- Ras Jedir deux tronçons auxquels il faudrait ajouter le projet d’autoroute Tunis-Jelma.
Il y aura aussi des voies expresses voire des corridors pour relayer les sites de production à la logistique exportatrice et importatrice du littoral (ports, aéroports…). Il y a aussi des projets de voies ferrées dont la réhabilitation, à cet effet, de la voie ferrée Tunis-Kasserine (320 kms environ).
Au plan qualitatif, une attention particulière sera porté à l’environnement et à l’économie verte: aménagement d’ouvrages hydrauliques (dessalement de l’eau de mer et l’acheminement des eaux du nord vers le centre du pays).
Un intérêt particulier sera porté également aux énergies renouvelables où la Tunisie accuse un retard énorme, 3% seulement de l’énergie du pays contre 30% au Maroc. Le plan prévoit de porter la part des énergies vertes à 12% d’ici 2020.
Mention spéciale pour l’économie sociale et solidaire. Cette économie ne fait travailler, aujourd’hui, que 20.000 personnes en Tunisie, 0,5% de la force du travail, contre 15% en Hollande et 9% en France. L’objectif est de la porter à 1,5%, d’ici 2020.
Et pour ne rien oublier, les griefs formulés à l’encontre de ce projet de plan sont: un chiffrage peu précis, le peu d’intérêt accordé à un secteur stratégique comme l’agriculture et aux entreprises publiques dont les marchés publics représentent le quart du PIB (85 milliards de dinars).
PSD : le point au plan administratif
Au plan des échéances, Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, estime que «le PSD est dans son calendrier». Ainsi, après sa présentation à la coalition gouvernementale, la Note d’orientation a été soumise aux régions et à tous les départements pour une première phase d’évaluation suivie d’une phase de stratégie pour les cinq ans à venir.
Actuellement, le ministère du Développement est en train d’achever la phase des propositions des projets et de réformes et de faire les arbitrages nécessaires entre les contraintes -c’est-à-dire ce que peut fournir l’Etat- et les besoins potentiels des régions, des secteurs et des départements. L’enjeu est de rationaliser les demandes en fonction des moyens disponibles et en prévision des arbitrages du conseil des ministres et de l’adoption du Plan par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Le PSD chahuté dans l’intérêt de qui?
Il faut reconnaître que les travaux d’élaboration de ce Plan ont été chahutés par des initiatives de thinks tank officiels tels que le Conseil d’analyses économiques relevant de la présidence du gouvernement et l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) relevant de la présidence de la République. Ces dernières structures ont proposé, ces dernières semaines, un canevas de réformes et de grands projets similaires à ceux prévus par le PDS, ce qui en fait de ce dernier une simple étude parmi d’autres nécessitant des arbitrages définitifs de la présidence du gouvernement.
Tout donne l’impression d’une confusion générale et d’un enchevêtrement des prérogatives au sein des deux têtes de l’exécutif (présidence de la République et présidence du gouvernement). D’où l’impératif d’assurer une meilleure coordination entre les diverses parties et de rappeler à chacune d’elles ses prérogatives prévues par la Constitution. Il y va de la crédibilité et de la cohérence du PSD.