Le 30 avril, le Code du travail aura 50 ans ! Dans un contexte de tensions sociales aiguës que vivent nombre d’entreprises et d’aspirations légitimes d’améliorations du pouvoir d’achat et de créations d’emplois, quel sens peut-on donner aujourd’hui aux valeurs du travail et de justice sociale, valeurs inscrites dans la Constitution et rappelées dans le nouveau contrat social, signé entre le gouvernement, l’UTICA et l’UGTT en 2013?
Pour débattre de ces problématiques, le Cercle Kheireddine organise, samedi 16 avril 2016, à partir de 9h30, une rencontre à propos des «Relations sociales et la situation des entreprises tunisiennes». La thématique sera débattue au siège de l’IACE et sera présentée par un panel animé par Mohamed S’himi et comprenant Nafaa Ennaifer et Hatem Kotrane.
«Quel sens peut-on encore donner aujourd’hui aux valeurs du travail décent, de la justice sociale et du dialogue social, valeurs proclamées dans le Préambule et aux articles 12, 35, 36 et 40 de la Constitution du 27 janvier 2014, et inscrites au nouveau contrat social signé entre le gouvernement, l’UTICA et l’UGTT le 14 janvier 2013?», s’interroge Hatem Kotrane qui rappelle que la politique sociale en Tunisie a toujours présenté au moins deux caractéristiques. Celles assez volontaristes, marquées par les phases d’interventionnisme de l’Etat qui ont influencé durablement la législation comme l’attitude des différents acteurs. Un Etat qui a procédé à la promulgation du Code du travail, en 1966, et a appuyé l’adhésion de la Tunisie à nombre de conventions internationales du travail de l’OIT, dans un souci constant d’harmonisation de la législation interne avec les tendances majeures du droit international en ce domaine.
L’Etat a, d’après l’auteur et depuis toujours, prôné une politique «consensuelle», depuis l’adoption de la Convention collective cadre (CCC), signée à Tunis le 20 mars 1973 entre l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), et modifiée depuis, sur certains points, par les avenants successifs qui lui ont été apportés.
La CCC a été relayée par cinquante-et-une conventions collectives nationales sectorielles couvrant la plupart des activités du secteur productif, avec un rôle souvent omnipotent de l’Etat amenant les partenaires sociaux à la conclusion d’accords collectifs tendant à réaliser une sorte d’équilibre entre des intérêts parfois nécessairement divergents.
«Le contrat social, signé entre le gouvernement, l’UTICA et l’UGTT le 14 janvier 2013, ne défend pas le désengagement systématique de l’Etat, car, plus que jamais, l’Etat est engagé dans la vie économique et sociale. Il s’agit plutôt de redéfinir les modalités d’intervention de l’Etat, appelé à redynamiser le dialogue social et à redonner, ainsi, un sens à la démocratie, jusque-là strictement contournée dans le champ politique et qui gagnerait en réalité à être étendue aux domaines économique et social, dimensions vitales de l’activité humaine».
C’est ce qui devrait, selon M. Kotrane, plaider en faveur du renouvellement des techniques et des méthodes de représentation et de la doctrine des relations de travail pour parvenir à relever un double défi:
– apaiser, dans la conjoncture actuelle, les tensions sociales et mieux asseoir le dialogue social au sein de l’entreprise,
– moderniser, dans une perspective d’avenir, les relations du travail et les adapter aux nouvelles réalités économiques.
Le constat que l’on relève aujourd’hui, estime M. Kotrane, est l’aggravation des tensions sociales et des conflits du travail devant l’incapacité des mécanismes juridiques à offrir un cadre adapté au dialogue social et au règlement des conflits collectifs du travail, y compris notamment au niveau de l’entreprise.
Deux axes de réflexion qui seront discutés lors de la rencontre du samedi 16 et qui devraient répondre à une question centrale posée depuis des décennies, parvenir à l’apaisement des tensions sociales et mieux asseoir le dialogue social au sein de l’entreprise. Ils se rapportent à la responsabilisation des acteurs sociaux par l’endiguement de la négociation collective et des conflits sociaux et à la mise en place de mécanismes de représentation des travailleurs au sein de l’entreprise.
Le débat promet d’être houleux à l’IACE dans un contexte de tensions sociales continues rarement vécues en Tunisie depuis des décennies.