«Nous avons tenu à négocier avec les protestataires qui avaient tenu un sit-in devant Petrofac à Kerkennah empêchant l’approvisionnement du pays en gaz naturel pendant près de deux mois et demi, sans succès. Nous aurions voulu éviter la solution sécuritaire, malheureusement nous y avons été poussés car il fallait aussi appliquer la loi, c’est-à -dire protéger le droit au travail».
C’est ainsi que s’est adressé Habib Essid, chef du gouvernement à un groupe de rédacteurs en chefs représentant nombre d’organes de la presse écrite et électronique lors d’une rencontre informelle organisée au Palais du gouvernement samedi 16 mars.
Habib Essid, serein, sûr de lui, a insisté sur le fait qu’il est important de sacrer le dialogue en tant qu’outil de communication privilégié entre le gouvernement et les différentes parties sociales. Il a aussi souligné la nécessité de respecter la loi et de faire recours à la puissance publique lorsque la situation l’exige.
Vendredi 15 avril 2016, à Kerkennah, la situation avait dégénéré parce que les manifestants avaient empêché le transport du condensat nécessaire au fonctionnement de la compagnie du port de Sidi Youssef.
Etrange cette dégradation de la situation sociale en Tunisie où les jets de pierre à l’encontre des forces de sécurité sont devenus la réponse courante à toute tentative de rétablir l’ordre dans n’importe quelle région. La «Désétatisation » de l’Etat tunisien orchestrée depuis 2011 continue de plus belle avec de fortes présomptions de complicité de certains éléments de partis, tels Ettahrir ou encore le Front populaire. Autant l’on peut comprendre que certaines frustrations socioéconomiques puissent engendrer la colère et la frustration, autant la prise en otage de centres de production pour soumettre l’Etat au chantage est inconcevable quoique puissent arguer les politiciens, activistes et autres syndicalistes populistes jusqu’à la moelle!
Dans l’attente et contrairement aux informations parvenues au chef du gouvernement, il paraît, de sources sûres, que Petrofac n’a pas encore réceptionné le condensat indispensable pour la reprise en marche de sa machine productive…
Pourquoi s’attarder sur la moitié vide du verre ?
Le chef du gouvernement a également abordé la question d’exploitation du phosphate à Gafsa rappelant que sa production est de l’ordre de 90%, soit une nette amélioration par rapport à la même période au cours de l’année dernière. Il est attendu que la production du phosphate atteigne rapidement sa vitesse de croisière.
M. Essid se déclare surpris de voir la tendance de certains observateurs de la scène publique s’attarder sur “la moitié du verre vide“ plutôt que celle pleine. «Vous croyez que les ères de transition se déroulent sans heurts, sans écueils et sans difficultés? Nous sommes en train de construire une démocratie, quoi de plus normal que de voir autant de problèmes surgir? Nous sommes là tous ensemble pour les gérer. Le gouvernement assurera son rôle mais nous sommes tous responsables d’une évolution positive de la situation dans notre pays. Etes-vous seulement conscients des conséquences des actes terroristes sur notre pays depuis l’année dernière? Le tourisme, un secteur de notre économie, en a terriblement souffert».
Devons-nous douter des succès sécuritaires face à la machine malade de la justice? Un exemple parfait du demi-verre plein et de l’autre vide. Mais il faut également reconnaître monsieur le chef du gouvernement que le sport national est le dénigrement très souvent gratuit, l’autoflagellation, la flagellation ou pire la démotivation des autres. La critique constructive, patriotique responsable est rarissime. Une posture d’insatisfaction éternelle, héritage de décennies de lâcheté, de passivité, d’attentisme et d’indifférence lors des règnes Bourguiba et Ben Ali. Quelques plumes se sont élevées contre l’ordre établi à l’époque rapidement remises à leur place par force d’oppression ou récupérées de la manière la plus classique qui soit parce que «achetables», intéressées ou servant des agendas autres que ceux de la mère patrie. Mais qui oserait le reconnaître aujourd’hui, et ce n’était certainement pas le propos de la rencontre du samedi.
Une rencontre où on n’a pas manqué d’attirer l’attention du chef de l’exécutif sur les inquiétudes de nombre de Tunisiens qui craignent qu’un inconnu sorti de nulle part «s’empare de tout» et ramène le pays vers le carré de la «dictature» face à la faiblesse de l’exercice de la puissance publique. «Impossible, rétorqua H.E, la Tunisie a changé, le peuple a changé et n’approuvera jamais pareille démarche. Celui qui penserait ou se hasarderait à réfléchir à pareille éventualité n’aurait rien compris aux mutations vécues par le pays ces dernières années».
Les nouveaux dédommagements en faveur des amnistiés ne sont plus d’actualité
A la question posée à propos des nouvelles revendications des amnistiés, la réponse est simple: c’est un niet catégorique car les délais d’application de la loi votée par la Constituante en leur faveur a été largement dépassé. «Il s’agit d’une loi qui n’est plus d’actualité aujourd’hui. C’est à l’ARP de voter une nouvelle loi si elle l’estime nécessaire. Nous nous limitons au respect de toutes les lois émanant du pouvoir législatif».
Quid couple HE/BCE?
Pour ce qui est de la qualité de ses relations avec le président de la République, le chef du gouvernement a affirmé qu’elles étaient au beau fixe. «Je vois Monsieur le Président chaque semaine et nous échangeons les idées et les visions par rapport à ce qui se passe dans le pays. Il me conseille et attire des fois mon attention sur de possibles mauvaises décisions, ce qui ne me dérange pas du tout car cela me permet de les réapprécier. Tout ceci se passe dans le respect de la Constitution et des prérogatives octroyées à l’un et à l’autre. Pour ma part, j’assume pleinement les décisions ou les mesures que j’estime les plus utiles et les plus efficientes pour la Tunisie».
Le chef du gouvernement a affirmé ne jamais s’être senti lâché par le président de la République, les partis politiques au pouvoir ou encore les partenaires sociaux sauf peut-être: «La seule fois où je me suis senti seul est lors du vote de la réforme de la BCT à l’ARP. Une réforme votée par uniquement 73 députés alors qu’elle engage la politique monétaire du pays! Si pour cette loi, il y a eu un nombre aussi faible des représentants du peuple, que dire des prochaines lois et qui plus est sont très importantes pour la Tunisie?».
Pour conclure et contrairement aux bruits de couloirs trop assourdissants pour être vrais, Habib Essid a assuré qu’il n’est nullement inquiété quant à l’éventualité de son remplacement par quelqu’un d’autre: «Cela ne pose aucun problème pour moi, je suis là pour servir mon pays, je l’ai toujours fait, mais je ne suis pas au courant de ce genre de dispositions».
Il a également affirmé que ses relations avec ses vis-à -vis au sein des partis, la société civile ou encore la présidence sont courtoises et correctes. «Il est évident que des fois, nous avons des points de vue différents mais je trouve que c’est tout à fait naturel, nous avons sacré le principe du dialogue et les échanges sont des fois assez virulents, mais in fine, j’estime que nous avons tous intérêt à ce que la Tunisie sorte victorieuse de cette transition».