Pour la première fois, la Tunisie figure en tête des pays du monde arabe au “Classement mondial de la liberté de la presse” publié par Reporters sans frontières (RSF) mercredi 20 avril 2016.
Lors d’un point de presse tenu à Tunis pour présenter ce classement, Yasmine Kacha, responsable du bureau Afrique du Nord de RSF, a souligné que «cette belle progression de la Tunisie doit encourager les autorités, les médias et la société civile à poursuivre les efforts engagés depuis cinq ans pour réformer le secteur médiatique. La Tunisie est passée d’une situation grave à un climat favorable à la liberté de la presse et au développement du journalisme d’investigation».
Yasmine Kacha a toutefois reconnu que «les défis restent nombreux, dont en premier lieu l’affirmation d’une presse réellement indépendante face aux pressions du pouvoir politique et financier».
En un an, la Tunisie a gagné 30 places pour se situer à la 96ème sur 180 pays. Elle occupait la 164ème place en 2010 avant la chute de Ben Ali, puis la 133ème en 2012 et la 126ème en 2015.
Au Classement, la Tunisie est suivie par le Liban (98ème) et le Koweït (103ème). «Cette remontée importante doit cependant être contextualisée», a souligné la responsable de RSF, qui explique que si en Algérie (129e) et au Maroc (131e) la situation de la liberté de la presse est précaire, cinq pays de la région (le Bahreïn, l’Arabie Saoudite, la Libye, le Yémen et la Syrie) sont cette année en situation grave, occupant la toute fin du classement de RSF. «Dans ce contexte, la Tunisie continue de constituer une lueur d’espoir dans la région», a fait observer Kacha, ajoutant qu’en 2015, la fragilisation de la situation sécuritaire dans le pays n’a pas impacté directement le processus de consolidation de la liberté d’information et de presse en Tunisie. «Les agressions sont en baisse malgré certains pics de violence par les forces de l’ordre contre les journalistes», a-t-elle noté.
Par ailleurs, elle a fait observer que RSF constate une diminution du nombre de procès contre les professionnels des médias «bien que la persistance d’interrogatoires policiers au prétexte fallacieux de la lutte contre le terrorisme reste inquiétante».
S’agissant de la situation de la liberté de la presse au niveau mondial, Yasmine Kacha a indiqué que l’évolution générale témoigne d’un climat de peur généralisé et de tensions qui s’ajoute à une emprise des Etats et des intérêts privés de plus en plus grande sur les rédactions. «L’édition 2016 du Classement mondial de la liberté de la presse révèle l’intensité des assauts des Etats, de certaines idéologies et d’intérêts privés contre la liberté et l’indépendance du journalisme», a-t-elle relevé.
Au vu des indices régionaux, il apparaît, selon l’intervenante, que l’Europe (19,8 points d’indice) demeure la zone où les médias sont les plus libres, suivie (de loin) par l’Afrique (36,9), qui, fait inédit, passe devant les Amériques (37,1) -l’Amérique latine étant plombée par les violences accrues contre les journalistes. Suivent l’Asie (43,8) et l’Europe de l’Est et Asie Centrale (48,4). L’Afrique du Nord/Moyen Orient (50,8) reste la région du monde où les journalistes sont les plus soumis à des contraintes de toutes sortes.
Trois pays d’Europe du Nord occupent le haut du Classement des pays, la Finlande (1ère, comme depuis 2010), les Pays-Bas (2ème, +2), la Norvège (3ème, -1). Au bas du Classement, le Turkménistan (178ème), la Corée du Nord (179ème), l’Erythrée (180ème).
Yasmine Kacha a signalé que le Classement n’est pas un indicateur de la qualité de la production journalistique ni un palmarès des politiques publiques, même si les gouvernements ont une responsabilité importante. Elle a en outre fait savoir qu’en 2015 et à l’échelle mondiale, 110 journalistes ont été tués, 153 ont été emprisonnés et plus de 50 ont été pris en otage. Publié chaque année depuis 2002 à l’initiative de RSF, le Classement mondial de la liberté de la presse mesure le degré de liberté dont bénéficient les journalistes dans 180 pays grâce à une série d’indicateurs (pluralisme, indépendance des médias, environnement et autocensure, cadre légal, transparence, infrastructures, exactions).