«Le rôle de l’Etat de soutenir les familles nécessiteuses par la compensation est indispensable. C’est un choix irrévocable dans la politique sociale du gouvernement. Nous continuerons donc à le faire. Reste que certains points doivent être clarifiés. D’abord les prix des produits, il n’y a pas une intention d’augmentation des prix des produits de base, mais pour ce qui nous concerne, nous avons bien l’intention d’élaborer une nouvelle stratégie pour la rationalisation de la compensation. Il faut reconnaître malheureusement que, aujourd’hui, il y a des dépassements touchant à des denrées telles la farine, l’huile végétale, le sucre, etc. La rationalisation de la compensation est donc de rigueur sans pour autant toucher aux prix».
Cette déclaration est de Mohsen Hassan, ministre du Commerce, qui affirme que 80% des produits compensés profitent plus à ceux dont un pouvoir d’achat est important. «Des décisions seront prises en la matière et rendues publiques dès que possible».
Et comme d’habitude, la rationalisation de la politique de la compensation dans notre pays n’échappera pas au débat national mais il est une constante: la réduction du gaspillage.
Le ministère a également entamé des actions pour lutter contre le commerce parallèle. Une politique de prévention et de lutte contre cette pratique dangereuse pour l’économie nationale a été élaborée et discutée dans le cadre d’une commission nationale qui réunit tous les départements ministériels concernés (Finances, Défense nationale, Intérieur, Affaires locales ainsi que la Banque centrale). «Je suis sûr que, d’ici 2020, avec les zones franches que nous sommes en train de mettre en place du côté des frontières algériennes -nous avons déjà commencé une étude pour développer les zones franches au nord-ouest-, nous réduirons ce phénomène».
Vers la défiscalisation de certains produits
Parallèlement à la politique de développement économique, le gouvernement a, assure le ministre, entrepris de renforcer le contrôle et de procéder à la défiscalisation d’un grand nombre de produits. «C’est un instrument qui a prouvé son efficience, après la loi de finance 2016, la réduction de la pression fiscale a fait ses preuves et les résultats sont tangibles. D’ici 2020, la part du commerce parallèle dans l’économie nationale sera divisée par deux».
L’exemple de la baisse du commerce parallèle dans les boissons alcoolisées est à mentionner. Mais ce qui inquiète plus que tout Mohsen Hassan, c’est la relation étroite entre le terrorisme et le commerce parallèle. L’exemple le plus édifiant est celui du niveau. «Lors de la dernière réunion de la commission contre la contrebande du tabac, nous avons appelé une mobilisation internationale pour lutte contre ce fléau».
40% de l’approvisionnement du marché du tabac en Tunisie est opéré par le commerce parallèle. Les pertes pour le budget de l’Etat s’élèvent à plus de 500 MDT. C’est ce qui explique que le ministère du Commerce, avec l’aval du chef du gouvernement, planche aujourd’hui sur la mise en place d’un cadre juridique et l’élaboration d’un projet de loi dont des articles coercitifs pour juguler le commerce parallèle du tabac.
Les fonds qui proviennent de la contrebande du tabac à l’international vont directement au financement du terrorisme et nous en avons les preuves, atteste le ministre. Dans un pays comme la France, un conteneur de tabac en provenance de la Chine qui vaut dans les 100 mille euros se vend à 2 millions d’euros. La marge bénéficiaire est de 1,9 million d’euros.
Prospecter de nouveaux marchés…
A l’international, la Tunisie se veut de plus en plus ouverte sur d’autres marchés. Ainsi, des actions sont envisagées pour développer les échanges commerciaux avec les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais principalement la Russie. Ce qui n’aura pas d’incidences négatives sur la qualité des relations avec l’Union européennes. «Nous sommes plus que conscients qu’il faut encore consolider les accords d’association avec l’Europe. Et pour preuve, le démarrage des négociations concernant l’ALECA».
Les échanges commerciaux avec l’UE sont déséquilibrés. Plus de 65% des exportations se font uniquement sur deux pays. Il y aurait donc intérêt à ce que la Tunisie s’implante plus sur les autres marchés.
Les Etats-Unis sont également dans l’angle de visée du ministère du Commerce. «Nous remettons sur le tapis les négociations pour des accords de partenariat plus importants et la mise en place d’un accord de libre-échange. Nous les entamons dans quelques mois. Pour nous, c’est stratégique».
Le regard du ministre n’est pas uniquement orienté que vers l’Europe, les pays du BRICS ou les USA. Pour lui, l’un des marchés les plus importants à promouvoir est l’Algérie: «Cela doit être fait dans l’immédiat sans oublier notre redéploiement en Afrique subsaharienne où nous avons été les premiers investisseurs et dans laquelle nous sommes devenus absents. La Tunisie qui a donné son nom à l’Afrique l’a délaissée. Nous avons déjà déposé des demandes d’adhésion aux différents groupements économiques africains».
Assainir le secteur de la logistique…
Les ambitions certes légitimes du ministre ne seront pas faciles à réaliser dans l’état actuel des choses. Des services douaniers qui laissent à désirer. Il y aurait même des investisseurs qui ont renoncé à des centaines de milliers de dinars pour ne pas en perdre des millions. La logistique dans les ports et aéroports doit être mise à niveau.
Tunisair arrive difficilement à assurer des dessertes sur les pays africains. Le transport maritime n’est pas très performant avec les difficultés qui existent au niveau de la gestion du port de Radès et auxquelles le ministre peine à trouver des solutions, sans oublier l’OMMP (Office de la marine marchande et des ports) considéré aujourd’hui comme une entrave à l’essor de la marine marchande. Du temps de Chiheb Ben Hmed, les choses allaient beaucoup mieux. Les syndicats avaient un interlocuteur fort qui savait maîtriser leur soif du pouvoir et tout un programme de restructuration avait été mis en place en direction de la STAM fragilisée grâce au «Grand Abdelkrim el Harouni», soucieux plus de placer ses amnistiés que de préserver les équilibres financiers de l’entreprise.
Un plan de sauvetage de la compagnie battant pavillon national avait été également élaboré. Les ministres «politiques» seraient-ils plus politiques que compétents en matière de gestion de départements techniques? La Tunisie s’enfonce de plus en plus dans sa misère et dans un sous-développement qu’on ne soupçonnait pas. Incompétence? Incapacité de maîtriser la machine administrative? Manque d’audace dans la lutte contre la corruption?
Mohsen Hassan a le droit d’être optimiste et d’espérer mais aucune stratégie pour le développement des exportations ne pourra résister à une logistique défaillante des transports -terrestre, maritime et aérien.
Le chef du gouvernement compte annoncer à la fin du mois d’avril les grandes lignes de la nouvelle stratégie. Espérons qu’elles toucheront aussi bien à la réforme du secteur des douanes qu’à celle de l’assainissement de celui des transports.