Voilà le véhicule de capital investissement qui apportera l’ingénierie et les réseaux afin de piloter les projets d’expansion des PME de Tunisie et de France tentées par l’implantation à l’international.
Le Fonds de co-localisation franco-tunisien (FCFT*), décidé lors de la visite d’Etat du président François Hollande en juillet 2013, promu en partenariat entre les deux pays, est à présent opérationnel. Le fonds est doté d’un capital de 20 millions d’euros.
Jeudi 21 courant, la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) a organisé une matinée d’information sur le FCFT. Aziz M’Barek, DG d’Africinvest, qui est gestionnaire du Fonds, a animé la rencontre.
Une passerelle est désormais trouvée pour accompagner et intensifier les opérations de co-localisation entre les deux pays. Pour faire court, on dira que la co-localisation est l’implantation d’un site de production d’une entreprise donnée dans un pays étranger, avec le maintien de l’activité de l’entreprise mère dans son pays d’origine. Le but de l’opération étant de garantir l’expansion de l’entreprise en consolidant son chiffre d’affaires global.
Un apport en fonds propres et en ingénierie
Le FCFT cible les entreprises dites de Mid Market, c’est-à -dire celles dont le chiffre d’affaires varie entre 4 et 20 millions de dinars tunisiens. Celles-ci, en général, ne disposent pas d’excédent en fonds propres. Et toute co-localisation occasionne des appels de frais. Le rôle du FCFT est de pourvoir à ce besoin en fonds propres, avec des montages élaborés. Bien entendu, toute participation est assortie d’une clause de sortie qui est programmée dès le départ.
Il s’agit bien d’une opération d’accompagnement financier, rappellera Aziz M’Barek. Le Fonds ne s’empare pas du pouvoir de décision ni de la politique stratégique de l’entreprise lesquels demeurent entre les mains des propriétaires/promoteurs de l’entreprise.
La participation du Fonds se fait selon un montage approprié, qui peut être complexe, parfois. Cette part d’expertise est assurée par le management du Fonds de sorte à garantir du sur-mesure. Cela peut aller de la prise de participation au capital jusqu’à l’emprunt convertible en actions.
L’apport d’ingénierie est garanti et il est dicté par la situation de l’affaire. Et Aziz M’Barek de rappeler que le Fonds bénéficie de la proximité de SIPAREX, son homologue français du FCFT et de toute la galaxie d’Africinvest.
Le conseil dispensé par les experts du Fonds est destiné à rompre l’isolement du promoteur/chef d’entreprise en lui procurant les solutions dédiées. Cela peut interférer dans le business plan.
Quelques exemples…
L’un des projets étudiés portait sur la promotion d’un laboratoire pharmaceutique pour la production d’un seul type de médicament. Etant donné la lourdeur de l’investissement en infrastructure, les experts du Fonds ont insisté pour aller vers d’autres produits de sorte à optimiser l’amortissement de l’investissement.
Il va de soi que les projets à financer doivent présenter un profil d’innovation. Il ne s’agit pas, obligatoirement, d’innovation de rupture mais davantage d’innovation dans les process qui peut conduire à un reprofilage du produit et de l’allure de la productivité de l’ensemble.
L’illustration était donnée pour le cas de la clinique internationale Hannibal. Cette dernière se spécialise dans la chirurgie plastique, d’esthétique naturellement mais surtout pour les “grands brulés“. La clinique a bataillé dur, afin d’obtenir une certification délivrée par les autorités médicales françaises afin de pouvoir accueillir des patients français.
Et c’est toujours gagnant-gagnant, précisera Aziz M’Barek. Tel cet opérateur du pays basque espagnol qui s’est délocalisé pour intervenir dans le chantier du port en eaux profondes de Tanger, grâce au concours d’Africinvest.
Dans son même élan, il a été sollicité par la Côte d’Ivoire et a fini par prendre pied à Abidjan. Au terme de cette co-localisation, il a réussi à multiplier son chiffre d’affaires par cinq. Qu’est-ce que vous dites de ça?
Le capital investissement, le viaduc à l’international
La co-localisation est le terreau, par excellence, du partenariat. Et cela peut ouvrir la voie au redéploiement de l’économie tunisienne. En offrant les fonds propres et l’expertise, le Fonds peut permettre de rattraper certaines occasions perdues par la Tunisie dans la construction automobile, par exemple.
En effet, Renault nous a préféré un autre site régional. Peugeot l’a rejoint. Via la co-localisation, Aziz M’Barek soutient que l’on peut densifier le tissu des équipementiers de sorte à rendre viable un investissement en construction automobile en Tunisie. Tôt ou tard, si on pousse cette logique à son extrême, on finira par accrocher un constructeur international. Cela tombe sous le coup du sens.
Grace à cette même dynamique, le modèle économique nouveau tant recherché peut prendre forme. Et, de la sorte, l’on arrachera le pays à cette fatalité d’une “destination low-cost“ qui nous colle à la peau. D’ailleurs, Jean Nejib Brun dira que beaucoup d’opérateurs étrangers considèrent que la Tunisie est un site de “Best cost“, ce qui nous rend éligibles à un meilleur positionnement dans les chaînes de valeur d’avenir dont la pharmacie et l’aéronautique.
Tout à fait en ligne avec cette intervention, Aziz M’Barek, homme sage et de raison, soutiendra haut et fort que le site Tunisie est un environnement industriel et de services exceptionnel en s’adossant à une base de comparaison méditerranéenne. D’aucuns prendront cette affirmation pour un cocorico à la tunisienne, mais à bien y réfléchir, la Banque Publique d’investissement a engagé ses billes, soit l’argent du contribuable français, non pas sur un coup de cœur mais bien sur une conviction qui ne doit pas s’écarter de la conviction de Aziz M’Barek.
A n’en pas douter, le succès du FCFT sera notre test de vérité pour l’avenir. Et, dans ce sillage, pourquoi ne pas réactiver le Fonds souverain Ajiyal qui figurait dans le Plan Jasmin (Lire notre article: Tunisie – Economie: Jalloul Ayed présente le Plan Jasmin pour le développement économique).
Davantage que le secteur bancaire, le capital investissement se profile comme le nerf de la guerre pour le renouveau économique de la Tunisie. Â