Instaurée par la nouvelle Constitution de janvier 2014, dans son article 7, la décentralisation n’a toujours pas été traduite dans les faits deux ans et demi après. Or, le temps presse puisque les élections municipales et locales, initialement –et jusqu’ici- prévues cette année, auront lieu au plus tard durant le premier trimestre 2017, selon Youssef Chahed, ministre des Affaires locales –c’est-à-dire dans moins d’une année. De plus, la population attend impatiemment ce tournant stratégique car elle en escompte une amélioration de sa vie de tous les jours. Daniel Rubenstein, ambassadeur américain à Tunis, le confirme. «Durant ses déplacements dans les régions, mon équipe a constaté l’importance extrême que les citoyens accordent à l’instauration de la décentralisation», assure le diplomate.
Youssef Chahed impute ce retard dans la mise en œuvre du cadre juridique et des outils de la décentralisation à trois facteurs. Le premier et non le moindre a trait aux «résistances» que le passage à la décentralisation rencontre, «y compris au sein de l’administration», admet le ministre des Affaires locales. Qui cite le cas du ministère des Finances «qui contrôlait les budgets et est appelé aujourd’hui à changer».
Le deuxième obstacle contre lequel ce projet butte est «la difficile situation des délégations spéciales des municipalités auxquelles la gestion des budgets va être transférée».
Enfin, la troisième entrave à un déploiement rapide du dispositif de la décentralisation tient aussi à la faiblesse du taux d’encadrement dans les municipalités «qui ne dépasse pas les 10%», selon Youssef Chahed.
Pour toutes ces raisons, le ministère des Affaires locales a décidé «d’avancer de manière progressive dans le transfert du pouvoir» de l’autorité centrale aux collectivités locales. En fait, ce transfert devrait, selon Youssef Chahed, s’étaler sur une période de neuf ans découpées en trois phases de trois ans «ayant chacune ses objectifs propres». Mais «progressivité ne veut pas dire lenteur», précise le ministre.
La mise en œuvre de la décentralisation nécessite l’achèvement de trois chantiers en cours: l’élaboration du code des collectivités locales et du code électoral, et la généralisation de l’organisation municipale à l’ensemble du pays. Le premier texte est en cours de discussion à l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP). Le code des collectivités locales «est prêt» assure le ministre des Affaires locales. Sa deuxième version en cours de finalisation devrait être adoptée par le gouvernement en conseil des ministres «dans les prochaines semaines», pour ensuite être transmise à l’ARP. Son élaboration a duré longtemps parce que «nous avons préféré la discuter encore plus avec les organisations de la société civile», observe Youssef Chaheb.
De même, la généralisation de l’organisation municipale aux régions qui en étaient exclues –et qui devrait «mettre fin à une situation anormale»- est en cours depuis deux ans, indique le ministre. A ce jour, un tiers de la population, soit près de trois millions de personnes, vit en effet en dehors d’une zone municipale.
Enfin, pour augmenter les chances de réussite de l’entrée de la Tunisie dans l’ère de la décentralisation, le ministre des Affaires locales estime nécessaire d’y impliquer, en plus de la société civile, le Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation (CFAD) et la Caisse des Prêts et de Soutien des Collectivités Locales.