Une probabilité: les Qataris ne manqueront pas de mettre à profit la visite officielle que va effectuer, à partir de ce mardi 17 mai 2016, dans leur pays, le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, pour lui demander, entre autres, l’appui de la Tunisie à la candidature de leur compatriote Hamad Al-Kawari, ancien ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine, au poste de directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
Ce poste, censé être vacant en novembre 2017, a été attribué, d’un commun accord entre les 195 Etats membres de l’Unesco et pour la première fois à la région arabe.
Deux pays arabes, le Liban et l’Etat de Qatar, ont jusque-là mandaté officiellement des candidats. Selon nos informations, le candidat qatari semble avoir le plus de chances de remporter ce poste même si d’autres grands pays arabes comme l’Egypte ne se sont pas encore manifestés.
Le programme du candidat qatari mérite qu’on s’y attarde en ce sens où il donne une bien autre idée de la qualité des intellectuels de ce pays, laquelle qualité tranche avec les discours réducteurs qu’on a tendance à tenir à l’endroit des Qataris.
Hamadi Al-Kawari, mandaté officiellement le 16 mars 2016 par son pays, a eu l’avantage d’appuyer sa campagne par un livre manifeste intitulé: «Majlis mondial pour le dialogue des cultures».
Ce livre est articulé autour des vertus démocratiques du «Majlis» qui est dans les pays du Golfe le lieu de l’assemblée des anciens et des nouveaux, un espace de parole où se transmettent la tradition et le patrimoine oral, où s’apprennent les mœurs et l’éthique de la communauté, tout autant que l’art du dialogue, de l’écoute et le respect d’autrui. Cet espace de vie qu’est le Majlis a été, en 2015, inscrit par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.
C’est sur cette version arabe, de l’agora grecque ou du forum latin, que le candidat qatari propose, dans un livre manifeste, un véritable dialogue des civilisations, fondé sur l’éducation, le partage des savoirs, la diplomatie culturelle, la nécessaire conciliation de la modernité et de la tradition dans laquelle s’enracine toute société.
Dans ce livre-programme, Hamad Al Kawari dénonce le fanatisme et l’extrémisme et plaide pour une sagesse étendue à toute l’humanité.
Son livre est un appel ardent à «une citoyenneté pan-nationale» et à «la diffusion d’une culture de la modestie, de la réactivité, du respect et de la collaboration avec l’autre». «Les arts et la littérature, écrit-il, ont le pouvoir immense de dépasser les frontières nationales et les différences ethniques, linguistiques et idéologiques. Dans leur essence, il s’agit d’un dialogue, d’une conversation et des rêves individuels et collectifs de l’humanité».
Cette autobiographie intellectuelle, c’est aussi un hymne à la vie, à la solidarité, à la compréhension mutuelle et à la créativité. Dans cette perspective, il fait référence à des citations de nombreux philosophes, sages, poètes, écrivains qui ont beaucoup donné à l’humanité. Parmi ceux-ci figurent le prophète Mohamed, le poète arabe Elmoutannebi, le philosophe français Albert Camus, l’écrivain, poète, aviateur et reporter français Antoine de Saint-Exupéry, le philosophe et sociologue français Edgar Morin, le prix Nobel russe de littérature Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne et autres.
Cela pour dire au final qu’au regard de la richesse des références et la pertinence de l’analyse, cet ouvrage mérite le détour.