En l’espace de deux jours, le chef du gouvernement, Habib Essid, donné partant il y a quelques jours, par le quotidien Al Maghrib, vient d’etre réconforté du soutien presque inconditionnel des deux personnalités politiques les plus influentes du pays, le prédisent de la République, Béji Caid Essebsi, et le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi.
Béji Caïd Essebsi (BCE) l’a fait dans une interview accordée au journal Echourouk, paru dimanche 22 mai 2016, déclarant en substance que «Habib Essid est un homme propre, probe et intègre. Il poursuivra sa amission».
Un jour auparavant, Rached Ghannouchi avait mis à profit l’ouverture du 10ème congrès de son parti pour réitérer son soutien au gouvernement de Habib Essid et à la coalition gouvernementale.
Avant eux, une autre composante de la coalition, le parti de Slim Riahi, l’Union patriotique libre (UPL), bien que son président ait été «insolent» à l’endroit de Habib Essid, s’était prononcé pour le maintien du chef du gouvernement.
Zied Kricheneavait des informations crédibles…
Pour mémoire, le rédacteur en chef du journal Al Maghrib, Zied Krichene, a affirmé dans son éditorial (du 15 mai 2016), avoir des informations sur le remplacement du chef du gouvernement dans les plus brefs délais, c’est-à-dire avant le mois de Ramadan. L’éditorialiste est allé bien loin en proposant deux têtes pour le remplacement de Habib Essid, s’agissant de deux proches de BCE, en l’occurrence Youssef Chahed, actuel ministre des Affaires locales, et Slim Azzabi, chef du cabinet présidentiel.
Réagissant dans une déclaration accordée à la radio privée Shems FM, jeudi 19 mai 2016, le chef du gouvernement Habib Essid avait démenti les rumeurs selon lesquelles il va soit démissionner de son poste, soit être limogé. Mieux, en toute sérénité, Habib Essid a affirmé que le travail du gouvernement et de tous ses membres se poursuivra.
Abstraction faite des parties qui cherchent à se débarrasser du chef du gouvernement -elles sont hélas nombreuses-, et abstraction du soutien inconditionnel qu’il vient d’en bénéficier, nous ne pouvons pas nous interdire d’apporter trois commentaires.
Premièrement, le journal Al Maghrib a-t-il fait preuvede précipitation en avançant le limogeage du chef du gouvernement? C’est possible, étant donné que la nouvelle Constitution prévoit plusieurs préalables et de longues procédures qui peuvent durer des mois pour arriver à cet ultime stade.
Rappelons que le départ du chef du gouvernement ne peut se faire selon la nouvelle Constitution que dans quatre cas:
– démission du chef du gouvernement,
– vacance définitive au poste de chef du gouvernement suite à un fait imprévu (décès, empêchement définitif d’exercice des fonctions…),
– retrait de confiance du gouvernement par le Parlement précédé d’une motion de censure présentée par au moins un tiers des membres (73 députés),
– formulation d’une demande par le président de la République au Parlement en vue d’un vote de confiance sur la poursuite de l’action du gouvernement (deux fois au maximum durant tout le mandat présidentiel).
Malheureusement, aucune de ces quatre conditions n’est remplie pour justifier le limogeage du chef du gouvernement Habib Essid.
Besoin d’un gouvernement stable dans la durée…
Deuxièmement, les analystes les plus avertis de la chose tunisienne sont unanimes pour dire que quels que soient le mauvais rendement et les limites de l’actuel chef du gouvernement et de son équipe, la Tunisie n’a aucun intérêt à se permettre le luxe de s’aventurer sur la voie du changement de ce gouvernement, et ce pour une raison simple: les gouvernements qui l’ont précédé n’étaient pas parvenus à stabiliser le pays et à relancer l’économie parce qu’ils n’ont jamais eu le temps matériel requis pour disposer d’une vision politique stable dans la durée. «Leur principale mission a été constamment une quête désespérée d’une majorité parlementaire et politique pour faire passer des lois», a expliqué, à ce sujet, Hakim Hammouda, ancien ministre des Finances.
Troisièmement, Habib Essid, qui a décidé de poursuivre sa mission, se doit de comprendre qu’à la faveur des soutiens publics des chefs des deux partis majoritaires dans le pays, il a désormais les coudées franches pour être plus que jamais dans un mode d’action et non dans le tendanciel. Son équipe est appelée à agir, à appliquer la loi et surtout à accélérer le démarrage des gros travaux prévus par le Plan stratégique de développement (2016-2020). L’ultime but est d’enclencher une dynamique de développement visible.
A bon entendeur.