En dépit du cinéma, voire du faux suspense qui a accompagné cette transaction, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a donné, comme prévu, son feu vert a un nouveau plan d’aide de 2,9 milliards de dollars sur quatre ans en faveur de la Tunisie.
La Tunisie en bon élève honore les engagements pris
Accordées au titre du Mécanisme Élargi de Crédit, ces facilités de paiement appuient la vision économique et les réformes prioritaires des autorités tunisiennes, détaillées dans le Plan de développement quinquennal à venir (2016-2020). La Tunisie est particulièrement tenue d’accélérer le rythme des réformes économiques pour réduire sa vulnérabilité macroéconomique, doper la croissance et favoriser la création durable d’emplois.
Ce nouveau prêt intervient après l’expiration d’un précédent crédit stand-by de 1,7 milliard de dollars accordé en 2013. Ainsi, la Tunisie a obtenu auprès du FMI, en trois ans, des prêts d’un montant global de 4,6 milliards de dollars, soit 10,12 milliards de dinars environ.
Il faut reconnaître toutefois que la Tunisie n’a pu obtenir ce dernier crédit qu’après avoir rempli certaines conditions et honoré certains engagements, et ce avant la réunion du conseil d’administration du 13 mai 2016. Avant cette échéance, la Tunisie a dû achever le programme des réformes convenu avec le FMI, s’agissant notamment de la loi sur l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie (BCT), la loi sur les entreprises, la loi bancaire, la suppression de la subvention des hydrocarbures…
Le FMI au chevet de la Tunisie pour la 4ème fois
Pour mémoire, c’est pour la quatrième fois, depuis son accès à l’indépendance, en 1956, que la Tunisie sollicite des facilités de paiement du FMI.
La première fois, en 1964, cela s’était traduit par une dévaluation du dinar de 20%, un prêt de 14 millions de dollars et un engagement jamais tenu: «la suppression du déficit des finances».
La deuxième fois, en septembre 1986, ce fut plus grave. Le dinar fut à nouveau dévalué de 20% et un Plan d’ajustement structurel (PAS) imposé à l’économie tunisienne consacrant la fin de la planification dans le pays avec comme corollaires: l’encouragement de l’investissement off shore au détriment du développement endogène, privatisation des entreprises publiques, l’institution d’une plus grande flexibilité dans les relations de travail (sous-traitance…).
La troisième fois ressemble aux deux premières. La Tunisie est confrontée, après le soulèvement téléguidé du 14 Janvier 2011, à une crise de ses finances extérieures. En décembre 2012, les réserves officielles sont tombées à l’équivalent de 94 jours d’importation, et la signature tunisienne, très dévaluée sur les marchés financiers internationaux, ne lui permet plus d’y «sortir», c’est-à-dire d’y lancer des emprunts obligataires, comme c’était possible avant janvier 2011. Les deux seuls emprunts réalisés en 2012 n’ont été possibles qu’avec la garantie officielle des trésors américain et japonais.
Pis, le gouvernement de l’époque a commis l’erreur d’utiliser les fonds alloués par le FMI pour couvrir des dépenses de consommation et les salaires au détriment du développement et de l’investissement.
La quatrième fois en 2016 est similaire aux trois premières. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Dans son analyse de la situation économique en Tunisie, le FMI soutient que «face à plusieurs obstacles importants, il est crucial de poursuivre les réformes économiques. Il estime que la croissance économique est freinée par l’attentisme des investisseurs et l’incertitude régionale; le chômage est élevé et le déficit du compte courant reste considérable. Il est important de promouvoir le développement du secteur privé et de moderniser le secteur public. Des financements additionnels seront nécessaires pour reconstituer les marges de manœuvre, tout en corrigeant les inefficiences structurelles qui réduisent la capacité de création d’emplois et le potentiel futur de la croissance».
Encourager l’endettement, c’est une politique du FMI
Un constat toutefois, le recours à l’aide du FMI s’est accéléré ces dernières années. Cette solution de facilité a été fortement critiquée par les experts et la société civile en ce sens où, selon l’usage, les pays n’ont recours au FMI que dans les crises les plus graves et cela ne peut arriver qu’une fois tous les 10 ou 20 ans. A ce propos, Hassine Dimassi, ancien ministre des Finances au temps de la Troïka, considère que «le FMI n’est pas une banque comme certains le pensent. Le FMI est un fonds de sauvetage sollicité d’une manière exceptionnelle et pas de manière continue comme le fait notre pays», a-t-il-précisé, avant d’ajouter que «le rapport entre le FMI et la Tunisie est bizarre et sort de l’ordinaire».
La réponse à cet étonnement de l’expert est venue de Jacques De Larosière, ex-patron du FMI et de la Banque de France. Présentant, sur les colonnes du journal Le Monde du 17 mai 2016, son livre sur “Les 50 ans de crises financières“, De Larosière estime que «le système monétaire actuel encourage la dette», et que: «auparavant, les Etats étaient contraints de limiter leur endettement pour être en mesure de maintenir un taux de change stable. Mais ce garde-fou a disparu».
Cela pour dire que nos gouvernements n’ont pas à pavoiser quand ils nous disent qu’ils ont réussi l’exploit de convaincre le FMI de nous aider. En fait, le FMI ne fait qu’appliquer sa propre politique, ne pense qu’à ses intérêts et n’aide au final que lui-même.