La Tunisie a perdu, entre 2011 et 2015, près de trois points en matière de rythme de croissance, passant de près de 4,5% au cours de la période 2000-2010 à 1,5%, outre la perte de près de 28 milliards de dinars que le pays aurait pu gagner si l’économie nationale avait continué à croître normalement après la révolution (17 décembre 2010-14 janvier 2011). C’est ce qu’ont souligné des économistes lors du premier forum de l’Association des économistes tunisiens (ASECTU) qui se tient les 27 et 28 mai à Hammamet (sud-est du Cap Bon) sur “les problématiques de la réforme durant la période de transition”.
Les intervenants ont fait savoir, à cette occasion, que l’amélioration de la productivité et la réhabilitation des valeurs du travail et de l’effort ainsi que le doublement de la participation de la femme au marché de l’emploi de 28% actuellement à 50% au cours des deux prochaines décennies demeurent parmi les principaux processus à engager afin de réaliser le développement et de répondre aux aspirations de la Tunisie nouvelle post révolution.
Le président de l’ASECTU, Mohamed Haddar, a déclaré, à l’agence TAP, que la transition démocratique en Tunisie demeurera “précaire et menacée” en l’absence d’un développement équitable et inclusif, s’agissant notamment des femmes et des jeunes. Il a affirmé que tous les experts s’accordent sur la situation dangereuse dans laquelle se trouve l’économie tunisienne et le besoin grandissant de forger une vision claire quant à un projet économique et social reposant sur la croissance et un développement plus inclusif et global.
Haddar a mis l’accent sur la nécessité de transmettre des signaux clairs à l’investisseur tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et aux partenaires de la Tunisie quant à l’existence d’une ferme volonté d’accomplir les changements et les sacrifices nécessaires pour moderniser l’économie et instituer une démocratie durable reposant sur un développement durable et équitable.
Faisant un diagnostic de la situation économique en Tunisie au cours des dernières années, il a, par ailleurs, indiqué que la contribution du secteur des industries manufacturières à la croissance au cours de la période 2011-2015 était autour de 0, en plus de la détérioration de la situation du secteur minier et de l’énergie, prenant en exemple la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) qui produisait avant la révolution huit millions de tonnes par an avec près de 9 mille travailleurs et ne produit plus, après la Révolution, que trois millions de tonnes avec près de 30 mille travailleurs.
L’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Mustapha Kamel Nabli, a souligné que les mutations démographiques changeront le modèle de développement en Tunisie, ce qui exige l’intensification de la participation de la femme dans la vie active, affirmant que les demandes d’emplois se réduiront de moitié au cours des deux prochaines décennies.
Il a souligné que la satisfaction des nouvelles demandes exige de préparer la restructuration du marché du travail et de se concentrer notamment sur la qualité, la productivité et l’intensification de la contribution de l’investissement dans le PIB, pour passer de 24% actuellement à 35%.
L’expert économique Fethi Nouri a souligné que la croissance ne peut avoir lieu qu’à travers l’investissement, la bonne gouvernance et l’utilisation rationnelle des ressources de l’Etat tant humaines que naturelles. Il s’agit, en outre, d’adapter la direction de l’économie aux exigences de l’heure et aux objectifs de la Tunisie nouvelle, selon lui.
Il a souligné que les mouvements sociaux constituent l’une des causes qui entravent la production dans le secteur des industries manufacturières et non manufacturières, lesquelles représentent uniquement 13% du PIB alors que les 87% restants sont liés au faible rendement de la productivité.