Danser plus vite que la musique, c’est ce à quoi le pays s’expose s’il réformait au rythme souhaité par le FMI. Qui doit dicter le tempo?
La Tunisie réforme sous la pression, déclarait le gouverneur de la BCT. C’était à la journée IACE dédiée aux assouplissements du code de change. Le crédit stand-by accordé par le FMI, le dit sans l’énoncer: désormais sans réformes, pas de décaissements. La consigne a le mérite d’être claire et nette. Le gouverneur se félicite de ce tutorat car, pense-t-il, le pays a beaucoup à gagner en activant les réformes.
Recommandations ou diktat?
L’ennui est que le FMI n’est pas qu’un simple coach, pour les réformes. C’est un compagnon trop regardant. Et, parfois menaçant. En matière de conditionnalité, il arrive qu’il soit sévère, dictant ses injonctions, sans appel. Ainsi, il met le holà pour la masse salariale de la fonction publique. Il faut rappeler que celle-ci atteint tout de même 13% du PIB. Il s’agit là d’un dépassement record, nous a fait observer Christine Lagarde, DG du Fonds, lors de sa dernière visite. Et le gouverneur de la BCT de rappeler que le conseil du FMI, à l’unanimité, nous a fait savoir que si cette masse venait à augmenter, les décaissements seraient suspendus. Voilà une condition pénible. Sauf à déclarer l’austérité, on ne peut voir comment le gouvernement gèlerait la masse salariale.
D’une certaine façon, le fonds pousse en direction des solutions extrêmes. Et, par conséquent impopulaires. Y aura-t-il les charrettes pour les départs forcés à la retraite? Il faut le reconnaître, la situation n’est pas facile à gérer.
Libérer le “Compte capital“, soit. Mais quid des réserves de change?
Sur un autre registre tout aussi sensible, à savoir le change, le Fonds monétaire international souhaite accélérer le changement. Il appelle à libérer le compte capital. En façade, cette mesure est destinée à aller vers la libre circulation des capitaux. Ce qui, en surface, laisse espérer que cela favoriserait un afflux de capitaux étrangers afin de pallier la carence de notre épargne nationale. Cette dernière plafonne à 13% du PIB, donc insuffisante à financer le plancher de 25% du PIB, en matière d’investissement.
En clair, le Fonds pousse vers la convertibilité totale du dinar tunisien. Un agenda précis est requis. La BCT s’est empressée de riposter par un programme de mesures d’assouplissements du code de change. Cela lui permet de repousser la question de la convertibilité totale. La crainte du gouverneur est qu’en cas de dinar convertible, la BCT n’aurait plus la haute main sur les réserves de change. C’est-à-dire la trésorerie en devises du pays. En un mot, sa solvabilité! D’une certaine façon, sa souveraineté. Et le gouverneur d’avouer “Je n’ai pas de planche à billets, pour les devises“.
Les périls de la méthode FMI
Accélérer le pas et réformer au pas de charge, cela expose le pays à un risque d’instabilité. Cette perspective éloignerait l’espoir de reprise économique. Est-il raisonnable d’appeler à des réformes que l’opinion publique peut rejeter, pour une démocratie naissante? Dégraisser dans la fonction publique risquerait de mettre le feu aux poudres. Pareil pour une convertibilité précipitée. Le pays doit accélérer le pas mais il ne faut pas que le gouvernement soit obligé d’avancer la peur au ventre. Cela l’affaiblirait davantage et c’est le plus haut facteur à risque.