Réformer l’Etat. Jalloul Ayed a été, au moment où il était ministre des Finances dans le gouvernement Caïd Essebsi, l’un des premiers à souligner la nécessité d’ouvrir ce vaste chantier. Il aura fallu attendre plus de cinq ans pour qu’un autre gouvernement, en l’occurrence celui présidé par Habib Essid, commence à en parler. Et même à esquisser un plan en vue de mener à bien la réforme dont la réalisation et la conduite conditionnent celles de toutes les autres transformations dont le pays a tellement besoin, tant sur le plan politique, économique que social.
Car «la réforme de l’administration est la mère des réformes. Si on veut conduire le changement et le réussir, il faut y embarquer l’administration et elle ne peut pas l’être avec son organisation et ses moyens actuels», justifie, Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale.
Joignant l’acte à la conviction, les autorités ont esquissé les grandes lignes du plan de réforme de l’administration dans la lettre d’intention adressée au Fonds Monétaire International (FMI) en appui à sa demande d’«un mécanisme élargi de crédit adossé à un programme de quatre ans pour un montant d’environ 2,8 milliards de dollars destiné à financer «la croissance de l’économie tunisienne afin de créer plus d’emplois et résorber le chômage».
Ce plan sera développé par la suite en stratégie de restructuration de la fonction publique «afin de renforcer l’efficacité de l’administration publique et maîtriser la masse salariale» dont l’adoption est annoncée pour septembre 2016 au plus tard.
Cette stratégie doit permettre d’atteindre sept objectifs: la redéfinition des fonctions et de la mission de l’Etat, la création d’un statut de la haute fonction publique –réclamée avec instance par le corps des Conseillers des Services publics qui, en son absence, sont condamnés à végéter après avoir atteint le sommet rapidement-, le redéploiement des agents entre ministères et régions pour optimiser l’action de l’Etat en fonction des besoins, la réduction des effectifs (y compris par des départs volontaires et le non remplacement des départs); la révision du processus de recrutement des fonctionnaires; ainsi que de la structure des salaires et indemnités; et l’élaboration d’un nouveau mode d’’évaluation de performance et l’évolution de la carrière des fonctionnaires.
Pour faciliter la mise en œuvre de cette stratégie, l’Etat tunisien s’est engagée notamment à «(poursuivre) le gel des recrutements dans tous les ministères au cours des trois prochaines années, à l’exception de mesures urgentes qui pourraient s’avérer nécessaires pour répondre aux besoins de sécurité et de défense».
La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, ayant pointé du doigt, lors de sa visite en Tunisie en septembre 2015, une «politique de recrutement dans le secteur public (…) trop productive d’emplois l’année dernière, et une masse salariale qui, avec 13% du produit intérieur brut (PIB), «est l’une des plus importantes au monde», les autorités tunisiennes promettent aujourd’hui de la baisser à 12% du PIB en 2020, mais de procéder à l’évaluation de cette mesure «au cours des deux prochaines années pour s’assurer que le départ massif à la retraite des cadres prévu dès 2018 ne crée pas de distorsions et ne résulte pas en un manque de personnel expérimenté dans l’administration».
En attendant, l’ambition de l’Etat dans ce domaine se limite à contenir l’accroissement de la masse salariale en 2017 au taux d’inflation, soit 4%. Et les autorités laissent entendre que ce ne sera pas facile à faire, car cela implique la mise en œuvre de mesures, dont la révision fonctionnelle de quatre ministères (Santé, Education, Finance, et Equipement), représentant un peu plus de la moitié des effectifs de la fonction publique.