Ce qui se passe en ce moment, en Tunisie, est très grave. Peu de personnes et peu d’organismes sont vraiment conscients du danger que représente l’islamisation rampante de l’école tunisienne et de ses conséquences, non seulement en Tunisie mais aussi dans le reste de la région.Cette école tunisienne est plus qu’une machine éducative. Son rôle dans l’imaginaire collectif est vital.
Cette école tunisienne a été promise par Bourguiba à toute la population, essentiellement rurale, dès 1934, afin d’échapper à la précarité économique autant qu’à l’ignorance. Elle a permis au Néo Destour dès lors, plus que toute autre raison, de mobiliser tous les habitants vers l’indépendance.
Après l’indépendance, des hommes de grande envergure, comme Lamine Chebbi et Mohamed Messaadi, ont construit l’école dont rêvait déjà le réformateur Kheireddine en 1870 quand il a créé le Collège Sadiki, pour redresser la Tunisie alors en décadence; ce fameux Collège Sadiki qui a permis de former les élites qui se sont battues pour l’indépendance et ont ensuite formé l’encadrement qui a construit l’Etat actuel.
Cela a permis d’assurer ensuite la stabilité sociale et culturelle pour plus 50 ans. Dans les années 80, le Mouvement de la Tendance Islamique (MTI) a essayé d’y prendre le pouvoir avec les techniques de l’influence…
Avec Ben Ali et dans les années 89-94, Mohamed Charfi a essayé de la remettre dans son axe de neutralité vis-à-vis de la religion. Quels que soient ses défauts aujourd’hui, elle reste et elle est le centre et le véritable pilier du pacte social tunisien.
Primo, Ennahdha a décidé d’abattre cette école de l’intérieur, par la technique du ciseau. D’un côté par diverses actions venant de la part de ses militants enseignants, et de l’autre, par des pressions d’en haut, puisqu’elle contrôle l’action du gouvernement pour neutraliser toute tentative de résistance à ses plans.
Le ministre de l’Education actuel, malgré les apparences, est un personnage «mou» et inconsistant sur le plan de la vision sociétale. Ses illustres prédécesseurs savaient vers quel modèle de l’homme ils voulaient aller.
Mahmoud Messaadi, qui avait fermé les écoles coraniques dès 1958, est l’homme qui, par ailleurs, a écrit quelques-uns des plus beaux et grands livres de la littérature arabe moderne (Le Barrage, Ainsi parlait Abou Houraïra, etc.).
Mohamed Charfi était un fin juriste, un ancien militant politique des moments difficiles et l’auteur d’un livre «Islam et Liberté», où il insistait plus que tout sur l’école et la nécessité de la laisser en dehors des menées politiques du moment, surtout religieuses.
Secundo, au Projet de Société voulu par Ennahdha et ses commanditaires que sont les pétromonarchies du Golfe, ils avaient opposé un autre Projet de Société, une société ouverte et rejoignant la modernité.
L’école tunisienne est le lieu par excellence qui permet d’avoir un espoir d’avenir pour toutes les familles tunisiennes. Casser cet espoir permet à Ennahdha de faire régresser un peu plus le pays et pousser la population vers l’auto-renfermement, le racisme et le complot contre l’étranger et contre l’occident.
Tertio, Ennahdha n’a aucun intérêt à ce que les choses s’améliorent en Tunisie, aujourd’hui, ni sur le plan économique ni sur le plan social ou celui des valeurs communes. Car, dès lors une partie de la population lui échapperait. Elle recherche donc la fragmentation de la société tunisienne, pour pouvoir la reconstruire suivant ses perspectives à elle. Grâce à elle la corruption et l’abandon du droit sont devenus plus qu’une pratique, une culture généralisée.
En matière de clientélisme, elle a utilisé tous les moyens financiers publics pour se garantir une base économique durable. Elle se fait valoir aux yeux des Occidentaux comme la garante de la stabilité civile. Aux yeux des Qataris, des Saoudiens et autres régimes régressifs, comme l’organisation qui fera disparaître de l’intérieur le modèle de la transition démocratique dans le monde arabe. Ce jeu de rôle sera d’autant plus valable et viable que la situation tunisienne se dégradera. Elle a déjà démontré qu’elle fait tout et continuera à le faire pour que l’Etat tunisien soit paralysé, non seulement politiquement mais que l’administration soit démembrée.
Je ne suis même pas sûr qu’Ennahdha, après avoir noyauté tous les organismes officiels, ne soit pas en train de noyauter aussi tous les appareils de sécurité et pourquoi pas l’armée elle-même… Dès lors, la poursuite de la transition démocratique serait condamnée à disparaître, remplacée par une série de coups d’Etat…
C’est ainsi qu’un pays comme le Pakistan est devenu ce qu’il est aujourd’hui…