Certes, on peut reprocher au chef du gouvernement d’avoir accepté une mission pour laquelle il n’est pas armé et de s’être laissé dominer et déposséder de l’essentiel de ses prérogatives par le président de la République, mais le locataire du Palais de Carthage assume la plus grande part de responsabilité dans l’échec de celui de La Kasbah.
Le gouvernement Habib Essid n’a pas été à la hauteur de la mission qui lui a été confiée, à savoir amorcer le redressement du pays, il faudrait aujourd’hui le remercier et le remplacer par un autre, dit d’union nationale, supposé réussir là où son prédécesseur a failli. C’est en gros là l’essence du diagnostic de la situation du pays opéré par Béji Caïd Essebsi, président de la République, et le remède qu’il compte administrer à l’homme malade qu’est la Tunisie d’aujourd’hui. Le doute est permis tant sur la perspicacité du diagnostic que sur l’efficacité du remède envisagé.
Que l’actuel gouvernement n’ait pas réussi à répondre à ne serait-ce qu’une partie des demandes et attentes, notamment économiques et sociales des Tunisiens, peu de monde en disconvient. Mais Habib Essid est-il seul responsable de son échec? Bien évidemment, non. Car pour qu’on puisse lui faire endosser la totalité de la responsabilité, il aurait fallu qu’il ait disposé de tous les moyens et d’une grande marge de manœuvre lui permettant d’atteindre l’objectif fixé.
L’équipe de Essid composée à Carthage…
Le premier de ces moyens est la possibilité pour le chef du gouvernement de choisir l’équipe avec laquelle il allait devoir essayer de relever tous les défis auxquels le pays est confronté. Or, cette liberté M. Essid ne l’a pas eu, qui a confié à des proches peu de temps après son entrée en fonction, qu’il n’a ni nommé ni ne connaît les deux tiers des membres de son équipe gouvernementale. C’est la présidence qui a fait l’essentiel du job à sa place.
Essid “dépouillé“ de ses prérogatives…
L’autre moyen dont le locataire de La Kasbah a été privé ce sont les prérogatives –très importantes, plus importantes que celles du président de la République- que lui accorde la nouvelle Constitution. Mais dans les faits, le président de la République, qui a clairement laissé entendre –on doit lui reconnaître ce mérite- et bien avant les élections, qu’il n’acceptait pas les pouvoirs limités par rapport à ceux du gouvernement- que lui confère la nouvelle Constitution, a petit-à-petit grignoté ceux du locataire de La Kasbah.
Essid est responsable…
Enfin, l’autre moyen dont Habib Essid n’a pas disposé parce qu’il … ne les a pas, ce sont les qualités requises pour le poste qu’il occupe et la mission à haut risque qu’on lui a confiée. Tout le monde reconnaît au chef du gouvernement son honnêteté, son patriotisme, son souci de bien faire. Mais M. Essid n’a pas les qualités de leader et d’orateur nécessaires pour mobilier et entraîner une équipe et, par-delà, un pays.
Et c’est justement pour cette raison que Habib Essid assume, malgré tout, une part de responsabilité dans son échec. Pour éviter cela, il aurait dû tout simplement ne pas accepter une mission pour laquelle il n’est pas armé. Mais il est également responsable pour s’être laissé dominer et privé de l’essentiel de ses prérogatives par le président de la République.