Cette semaine, s’ouvre la 2e réunion de la reconstitution du FAD-14 sous l’égide du président Akinwumi Adesina – qui fait suite à celle tenue les 17 et 18 mars 2016. Sont réunis à huis clos pour l’occasion, les 30 juin et 1er juillet 2016 à Abidjan, les « plénipotentiaires », représentants des pays donateurs du Fonds, ainsi que des gouverneurs des pays membres régionaux du Groupe de la BAD et des observateurs venus d’institutions paires, sous la coordination de Richard Manning.
Le Fonds africain de développement (FAD) est l’une des trois entités distinctes qui composent le Groupe de la Banque africaine de développement – avec la BAD à proprement dit et le Fonds spécial du Nigeria (FSN). C’est surtout son guichet concessionnel, c’est-à-dire le cœur des sources de financements du Groupe de la BAD, qui lui permettent de continuer d’aider financièrement ceux de ses 54 pays membres régionaux qui en ont le plus besoin. À ce jour, le FAD compte 38 pays bénéficiaires* et 29 pays donateurs.
Le FAD-13 tirant à sa fin, il s’agit, avec le FAD-14, de mobiliser les ressources qui serviront aux financements alloués à la période 2017-2919 – soit pour trois ans.
Une conjoncture délicate
Or ce processus de mobilisation des ressources, sorte d’“appel de fonds” aux bailleurs, intervient dans une conjoncture difficile, où la situation économique et financière mondiale est loin de l’embellie et l’aide publique au développement fond comme peau de chagrin. D’un côté, les pays donateurs doivent faire face aux vents contraires de cette conjoncture internationale et à des contraintes budgétaires plus fortes. De l’autre, les pays bénéficiaires, les plus fragiles, voient leurs besoins croître et se faire plus pressants, aiguisés par les pressions économiques tant intérieures qu’extérieures. C’est dire si l’exercice de ce FAD-14 est délicat, notamment au vu des ambitions affichées, entre nouveaux Objectifs de développement durable (ODD) adoptés à la mi-2015 après la grande Conférence internationale d’Addis-Abeba sur le financement du développement en juillet, l’Accord mondial sur le climat auquel a donné lieu le sommet COP21, et les 5 grandes priorités que la Banque s’est assignées dans la foulée pour accélérer le développement du continent.
FAD-14 : Cap sur le Top5 pour financer un développement inclusif
La majorité des populations des pays FAD vivent dans l’extrême pauvreté, avec moins de 1,90 dollar EU par jour. Seules 25 % en moyenne y ont accès à l’électricité – voire moins dans 19 des 38 pays FAD. La consommation moyenne d’électricité s’y élève à moins de 200 KW/h par an, un chiffre à comparer aux 12 954 KW/h enregistrés aux Etats-Unis ou aux 6 520 KW/h en Europe. Les pénuries d’énergie coûteraient de 2 % à 4 % de pertes de croissance annuelle aux pays FAD, outre leurs conséquences en termes d’emploi, de santé, d’éducation, de sécurité… Une situation à laquelle entend s’attaquer la première des 5 grandes priorités de la BAD : éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie. Avec le FAD-14, c’est près de 2,9 milliards de dollars EU que la BAD compte investir dans l’énergie dans les pays FAD entre début 2017 et la fin 2019, afin d’installer jusqu’à 4 600 MW de capacité – de quoi raccorder au réseau électrique 23,6 millions d’Africains.
Selon les estimations, près de 158 millions de personnes souffriraient de sous-nutrition (cause de retards de croissance notamment) dans les pays FAD. Ce, malgré l’énorme potentiel de l’agriculture, un secteur encore trop peu performant, est-il souligné dans la deuxième priorité du Top 5 de la Banque : Nourrir l’Afrique. La BAD a d’ailleurs investi dans les pays FAD pour 4,3 milliards de dollars EU dans des projets agricoles et agro-industriels entre 2006 et 2014. Et ce FAD-14 permettra d’y investir encore jusqu’à 2,1 milliards de dollars EU d’ici à la fin 2019, au vu de la réserve de projets de la Banque dans ce secteur (création d’agropoles et infrastructures en milieu rural, gestion de l’eau et irrigation améliorée, renforcement des capacités, transfert de technologies…). Grâce à quoi, la production agricole devrait augmenter, les revenus des populations rurales croître et la pauvreté reculer, et la facture d’importation se réduire – entre autres bienfaits.
Les pays du continent, d’autant plus les pays FAD, doivent diversifier et consolider leur tissu économique et, partant, développer leur secteur privé. Pour l’heure, l’Afrique ne participe qu’à hauteur de 1,5 % à la chaîne de valeur mondiale et seules 19 % de ses exportations sont des produits manufacturés. Dans plusieurs pays FAD, la part du PIB industriel n’atteint que 100 dollars EU par habitant. Industrialiser l’Afrique est ainsi la troisième priorité du Top 5 de la Banque. Or, au vu du profil des pays FAD, et surtout des plus fragiles d’entre eux, le rôle du FAD est d’autant plus crucial en ce domaine : octroyant des financements concessionnels, le FAD offre des ressources budgétaires viables à leur secteur public, tout en appuyant le financement du secteur privé grâce à un éventail d’instruments d’atténuation des risques, de produits de garantie et de mécanismes de financements mixtes destinés à attirer d’autres fonds pour combler le déficit de financement. Pour le cycle du FAD-14, les opérations ciblant l’industrialisation des pays FAD atteignent plus de 1,7 milliard de dollars EU. Pour ce FAD-14, la Banque compte d’ailleurs renforcer en particulier l’aide au développement du secteur privé, en augmentant la dotation accordée à la Facilité de rehaussement de crédit en faveur du secteur privé, qui accorde des garanties aux opérations non souveraines menées dans les pays éligibles au FAD.
Intégrer l’Afrique est la quatrième priorité du Top5 de la Banque. Une priorité que justifient ces chiffres : le commerce régional en Afrique est le plus faible au monde (15 %), et ce manque d’intégration coûterait au continent de 1 % à 1,5 % de son PIB chaque année. Les pays FAD sont au nombre des marchés les plus fragmentés et les plus isolés. Le Fonds africain de développement a donc une enveloppe dédiée à l’intégration régionale, dont les investissements ciblent l’élimination des barrières non tarifaires qui font obstacle au commerce, les infrastructures matérielles (routes, rail, corridors de transport), la gestion des eaux transfrontalières, mais aussi le renforcement des capacités des Communautés économiques régionales (CER), l’harmonisation des codes d’investissement, des normes et des certifications de qualité, la refonte du régime des visas pour faciliter la libre circulation des personnes, la mise en œuvre des accords de facilitation du commerce conclus sous l’égide de l’OMC…
Le FAD-14 a d’ores et déjà une réserve de projets en matière d’intégration régionale d’une valeur de 2,7 milliards de dollars EU. Entre autres retombées positives de ce FAD-14, 73 millions de personnes devraient jouir d’un meilleur accès aux transports d’ici à la fin 2019.
Si les pays FAD affichaient des taux de croissance plutôt élevés ces dix dernières années, le taux de pauvreté y demeure lui aussi élevé, à l’instar des inégalités entre hommes et femmes et entre zones rurales et zones urbaines. Dans certains pays FAD fragiles, le taux de chômage des jeunes atteint 50 %. Près de 333 millions de personnes n’y ont pas accès à une source d’eau propre et sûre et quelque 772 millions ne bénéficient pas d’installations d’assainissement dignes de ce nom. Pour favoriser un développement inclusif dans ce contexte, il faut donc créer des emplois (une nécessité rendue plus aigüe par les enjeux de l’essor démographique) et favoriser l’entrepreneuriat, offrir des opportunités économiques pour répondre aux attentes des populations et mettre un frein aux migrations, renforcer les systèmes de santé en tirant les enseignements de la récente crise de l’Ebola et renforcer les capacités en matière d’optimisation des ressources dans les dépenses sociales, développer les filets de sécurité, et enfin élargir l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement. Tels sont précisément les objectifs de la cinquième priorité du Top5 de la Banque, améliorer la qualité de vie des populations en Afrique. Au titre du FAD-14, la Banque compte ainsi investir autour de 1,9 milliard de dollars EU dans les pays FAD, grâce auxquels 9,5 millions de manuels scolaires et matériels pédagogiques devraient être produits, 5 000 travailleurs de santé formés et 17 millions de personnes devraient bénéficier d’un meilleur accès aux services de santé. La nouvelle Initiative de la BAD pour l’emploi des jeunes en Afrique (JfYA par acronyme anglais) entend aussi contribuer à créer 17,5 millions d’emplois dans les pays FAD et doter 50 millions de jeunes Africains de compétences économiques et professionnelles d’ici à 2050.
45 milliards de dollars EU investis en 40 ans
Lors de la première réunion, en mars 2016, les plénipotentiaires ont convenu que le FAD « reste ancré dans la stratégie décennale de la Banque » et que l’accent serait mis sur les 5 grandes priorités, dites TOP 5, qu’elle s’est assignées. Trois instruments de financement innovants, que sont les prêts concessionnels des donateurs, les prêts relais et les mécanismes de rachat, ont été entérinés. Ainsi que le nouveau modèle de développement et de prestation de services que le Groupe de la BAD a commencé de déployer pour accélérer la cadence de la transformation de l’Afrique et promouvoir une culture de résultats.Pour cette deuxième réunion, la mise en œuvre des Cinq grandes priorités de la BAD, le cadre de mesure des résultats du Groupe de la Banque à l’horizon 2025, le rôle du FAD-14 dans l’appui spécifique aux États fragiles et au développement du secteur privé, les nouveaux instruments financiers proposés, la politique de liquidités du FAD et le cadre de financement et d’allocation des ressources du FAD-14 seront au cœur des échanges.
Une troisième et dernière réunion clôturera le processus de reconstitution du FAD-14 à la fin du mois de novembre 2016. 42 ans après la toute première reconstitution des ressources du FAD, en 1974, ce FAD-14 maintient, sinon rehausse, ses ambitions. Conclu en septembre 2013 et dévolu au financement des activités du Fonds sur la période 2014-2016, le FAD-13 avait atteint l’équivalent de 7,3 milliards de dollars EU.
Les investissements cumulés du Fonds sur le continent africain au fil de ses 40 années d’existence s’élèvent à quelque 45 milliards de dollars EU.
Communiqué BAD