Fondation Temimi : Sauver la Tunisie par l’investissement et non par l’austérité

tunisie-economie-reparable-2014-680.jpgDix milliards de dinars consacrés à des projets d’investissements publics qui n’ont pas encore démarré, c’est presque le tiers du budget de l’Etat et cela permettra à l’Etat de reprendre son rôle de pionnier en tant que locomotive pour la relance économique. Car, comme l’a si bien expliqué Ezzeddine Saïdane, lors de son intervention à la Fondation Temimi, «l’économie tunisienne ne pourrait être relancée que par l’investissement local, d’abord local public, ensuite privé».

Nafaa Naifer, membre du bureau exécutif de l’UTICA chargé de la commission économique, n’a pas manqué de montrer non pas son indignation mais son désarroi lors d’une correspondance qui a fait beaucoup de bruit. Il est allé jusqu’à rappeler le fameux proverbe tunisien «la vieille est emportée par les flots, et elle parle d’une année de bonne récolte».

Il a précisé, en passant, que, “outre les dizaines d’entreprises qui ferment et laissent sur le carreau nombre d’employés, des centaines d’autres licencient et allègent leurs effectifs sans faire de bruit, augmentant ainsi le nombre de désespérés! Et ce n’est pas l’amélioration de la situation du secteur des composants automobiles (secteur qui explose au Maroc), qui va compenser cette grave tendance».

Pire encore, les Tunisiens réputés pour être les plus attachés à leur pays, mais désabusés aujourd’hui, le désertent. «Jamais nos jeunes talents, brillants cadres, brillants diplômés, brillants bacheliers, supposés être les futurs bâtisseurs de la Tunisie, n’ont été aussi nombreux à quitter ou à vouloir quitter définitivement notre CHER PAYS. Qui prendra la relève des cadres qui ont édifié jusqu’à maintenant les seuls acquis sur lesquels nous vivons (encore)? Cadres qui baissent les bras, partis en retraite ou attendant cela avec impatience. Qui prendra la relève et combattra la médiocrité rampante que nous observons sur tous les plans? Devant, encore une fois, l’insouciance et la passivité de nos “responsables”?».

Que de questions, légitimes, dans le contexte actuel où les compétences tunisiennes comparaissent régulièrement devant les juges d’instruction dans une logique inquisitoire jamais subie depuis l’indépendance. Quoi de plus normal lorsque des jeunes sont formés par des organisations internationales pour assurer le rôle de sentinelles non pour préserver leur pays mais pour le déstructurer et s’acharnent en publiant des rapports accusateurs à tous bouts de champs et s’adossant rarement sur des preuves tangibles et irréfutables.

Les ONG nationales ou internationales devraient mettre de l’eau dans leur vin avant de ternir l’image et certains responsables et du pays!

L’attentisme, la lâcheté et le laxisme en héritage

Aujourd’hui, précise l’économiste Ezzeddine Saïdane, aucun haut responsable administratif n’ose prendre une décision ou débloquer une situation sans qu’il ait une annotation signée par le ministre. Encore, «des fois, c’est lui-même qui réécrit le document et le soumet au ministre de peur de possibles représailles».

Comment dans ce cas assurer la relance de l’économie du pays lorsque le courage fait défaut, lorsque la justice navigue à vue et lorsque toutes les lois soumises à l’ARP pour encourager la relance des investissements sont vidées de leur substance pour satisfaire aux convictions irréalistes des marxistes léninistes, chauvins et nationalistes de dernière heure? Ceux qui n’ont pas compris que dans l’impossibilité d’affronter la mondialisation, autant en tirer profit. Ceux qui omettent de dire qu’ils n’ont rien fait en tant que représentants de la nation et défenseurs de ses intérêts pour arrêter l’hémorragie en argent, en expertise, marchés et savoir-faire de la CPG. Ceux qui bloquent à ce jour la reprise de fonctionnement de Petrofac prenant en otage une firme pétrolière sous prétexte que l’Etat doit leur procurer, de force, des emplois ou pourquoi pas leur donner leur argent de poche.

Il y a de quoi être écœuré par autant de lâcheté tous azimuts, l’absence d’un Etat qui a la capacité de faire respecter les lois et de partis politiques incapables de s’élever aux rangs de véritables leaders de la nation parce que caressant dans le sens du poil toutes les organisations qui pourraient leur garantir des voix.

Aujourd’hui, la Tunisie a pour héritage attentisme, lâcheté et laxisme!

L’Accord de Carthage sauvera-t-il la Tunisie?

Un facebooker avisé doute au plus haut point de l’initiative prise par le président de la République. Hédi Mohame (Casoar casqué) estime que «Malgré des “festivités“ hyper gonflées, lors de la signature du document maître, appelé Convention de Carthage. Malgré les sourires jaunes affichés et l’intense présence des médias. Malgré les accolades artificielles et les poignées de mains froides. Malgré tout ce cinéma et après un mois et demi de discussions marathoniennes et de tractations, la montagne a accouché d’une souris… D’abord et fait très remarqué, le contenu de l’accord n’a pratiquement plus rien à voir avec l’initiative initiale… Ils ont très peu de choses en commun… Les priorités ne sont plus les mêmes, mais on est toujours dans la même logique à l’envers… Pour le moment, ce sont des slogans qui résonnent bien, pas plus… On voit bien que certains participants comme UGTT se sont gardés une marge de manœuvre pour le futur… Grosso modo, il s’agit d’un accord minima pour sauver la face plus qu’un véritable programme engageant pour les uns et les autres… Tout est fondé sur l’hypocrisie et la tromperie… L’accord est bâclé et ne tient qu’à un cheveu… On ne dit rien sur les modalités pour réaliser ces titres… Ce qui suivra sera le plus délicat: la structure du gouvernement, la personne du Premier ministre et le partage des portefeuilles…».

Comment sauver un pays vivotant? Par l’investissement, répond Ezzeddine Saïdane. «Tout d’abord local public, et ensuite privé. LesIDE, il faut en parler après que les choses ont été remises en place à l’échelle nationale».

L’expert économique prévient également quant aux dangers de l’adoption d’une politique économique d’austérité. C’est d’ailleurs le point de vue d’OXFAM pour laquelle «les programmes d’austérité sont étonnamment similaires aux politiques d’ajustement structurel onéreuses imposées à l’Amérique latine, à l’Asie du Sud-Est et à l’Afrique subsaharienne dans les années 1980 et 1990. Ces politiques se sont soldées par un échec. Un médicament qui cherche à guérir la maladie en tuant le patient».

Au lieu de chercher les solutions de facilité dans l’austérité, il faut tout au contraire s’engager dans des politiques «de croissance inclusive qui permettra des résultats optimaux pour les citoyens, les communautés et le pays».

«L’économie tunisienne souffre d’une insuffisance de la demande, estime M. Saïdane, d’où l’importance d’investir pour corriger les déséquilibres. Les nouveaux crédits extérieurs ne doivent plus servir de palliatif à l’incapacité de l’Etat de payer des salaires de plus en plus élevés, mais plutôt à l’investissement créateur de richesses et d’emplois.

«Le modèle libéral basé sur l’économie de marché est toujours le plus valable»

«Le modèle libéral basé sur l’économie de marché mais démocratique demeure valable et le secteur privé doit y jouer un rôle essentiel. Promouvoir un développement économique soutenable: équilibre régional, infrastructure (investir massivement et rapidement avec comme soucis l’optimisation et la valeur ajoutée, par opposition aux augmentations de salaires et au recrutement massif dans l’administration). Elaborer une nouvelle stratégie de développement: choix sectoriels en fonction de la capacité à créer des emplois et des richesses. Rééquilibrer nos relations commerciales avec nos partenaires étrangers et importants, et principalement avec la Chine et la Turquie».

La Tunisie doit pouvoir développer un modèle économique qui favorise la solidarité sociale et régionale et qui récompense la création de valeur et pénalise la culture de rente. Une culture qui s’est considérablement développée ces dernières années, rien qu’à voir le boom immobilier dans le Grand Tunis, on réalise à quel point cette culture est en train de s’ancrer chez ceux qui disposent des capitaux. Pas d’investissements, pas de créations de richesses, pas de prise de risque, ils se complaisent dans la situation de rentiers et ne s’inquiètent même pas du fisc.

Mais pour une relance économique effective et non fictive, il faut travailler sur d’autres fronts, en premier lieu celui d’une administration au service de l’économie et un système bancaire sain(t) et performant. «Une autre approche de financement pour un meilleur équilibre régional est indispensable à travers la mise en place de fonds budgétaires gérés par les régions et suivis à l’échelle régionale. Les financements complémentaires devraient se faire par les banques des régions. Des banques qui ne doivent pas avoir pour mission de résoudre les problèmes de la BTS ou de la BFPME mais celle d’encadrer et d’encourager les nouveaux investisseurs, de créer un portefeuille clients important au niveau des zones intérieures du pays. Il ne faut pas appréhender les banques des régions comme étant des solutions aux carences des institutions financières à dimension sociale qui opèrent aujourd’hui mais comme un outil performant de développement régional dans une logique de pérennité».

Pour Ezzeddine Saïdane, «la nouvelle Constitution tunisienne donne une place de choix à l’administration locale et régionale: il nous faut donc une nouvelle approche pour le financement des programmes et des projets locaux et régionaux, soumise au contrôle central.

Le redressement de l’économie nationale est aujourd’hui vital pour notre pays car garant d’un bien-être social qui préserve les populations de tous les maux. «L’extrémisme fleurit toujours dans un environnement dans lequel les voix respectables n’offrent pas de solutions à la souffrance de la population».

Que dire de plus?