Un constat: depuis le retour, il y a cinq ans, en Tunisie, du parti d’obédience islamiste, en l’occurrence le MTI (Mouvement de tendance islamique) devenue Ennahdha, et de ses progénitures terroristes -Ansar Chariaa en autres-, à la faveur du soulèvement du 14 Janvier 2011, les Tunisiens n’ont jamais eu l’opportunité de célébrer dans la sérénité et l’allégresse les anniversaires de la proclamation de la République, un certain 25 juillet 1957.
Depuis 2011, les festivités devant marquer cet anniversaire ont été constamment embrumées et assombries soit par une décision administrative remettant en question cet anniversaire et, partant, l’esprit républicain dans son essence, soit par un lâche acte terroriste douloureux causant plusieurs morts parmi des forces de l’ordre, des touristes ou de simples citoyens innocents.
Des faits accablants
En 2012, le chef du gouvernement, le nahdhaoui Hamadi Jebali, fervent partisan du 6ème Califat, avait interdit tout signe de festivité marquant cet anniversaire. Maître absolu des lieux à l’époque, il avait donné l’ordre à toutes les municipalités du pays de ne pas arborer les couleurs nationales dans les rues. D’ailleurs, rappelons que depuis son accès au pouvoir en Tunisie, Ennahdha s’est toujours illustré par son aversion pour la célébration des fêtes nationales.
En 2013, l’anniversaire a été entaché par l’assassinat du militant de gauche progressiste, Haj Mohamed Brahmi (Eh oui il était musulman) par des terroristes-djihadistes devant son domicile à la Cité El ghazala (nord-est de Tunis). Cet assassinat avait porté un coup dur aux républicains tunisiens en ce sens où l’ignoble crime a eu lieu le jour du 56ème anniversaire de la proclamation de la République que la société civile, post-soulèvement, avait décidé, pour la première fois dans l’histoire du pays, de s’en approprier la célébration.
En 2014, les Tunisiens n’avaient pas pu célébrer l’évènement, car ils étaient encore marqués et attristés par l’assassinat, dix jours auparavant, plus exactement le 17 juillet 2014, de 14 militaires dans une attaque terroriste perpétrée contre deux postes de surveillance au mont Chaambi (Kasserine), à la mitrailleuse et aux RPG. Il s’agit «du bilan le plus lourd enregistré par l’armée depuis l’indépendance en 1956».
En 2015, la joie et l’allégresse n’étaient pas, non plus, au rendez-vous puisque le 58ème anniversaire a eu lieu, à peine un mois après l’attaque meurtrière à Sousse qui avait fait une quarantaine de morts parmi des touristes innocents. Cette attaque a mis à genoux un des principaux secteurs générateurs de devises et d’emplois du pays, le tourisme.
Nous avons rappelé ces faits à dessein, c’est-à-dire pour montrer que l’évènement, en l’occurrence la célébration chaque année de l’anniversaire de la proclamation de la République, n’est pas du goût de certaines parties.
L’islam politique ne sera jamais républicain
Au regard des faits précités, il dérange idéologiquement les partisans de l’islam politique -ici Ennahdha et dérivés-, et son bras armé, les djihadistes terroristes qu’ils relèvent d’Al Qaïda, Daech et autres Ansar Chariaa.
Ces parties se sont toujours souciées d’instaurer en Tunisie, par la force et par le sang, un émirat islamiste devant appliquer la Chariaâ et dépendre d’un pouvoir central régional, en l’occurrence le 6ème califat, actuellement «Daech et son protecteur le sultan Erdogan».
Moralité: l’islam politique n’est pas républicain et ne le sera jamais. La menace multiforme des islamistes sur la pérennité de la République est réelle et mérite dorénavant d’être méditée. L’ultime objectif étant d’en limiter ses effets néfastes. Et pour cause. L’islam politique des nahdhaouis n’a jamais été d’aucun apport positif pour le pays, fût-il minime. Jusque-là, il n’a généré dans le pays que des malheurs et des fléaux qui exigent des décennies pour être éradiqués, s’agissant de l’instabilité politique, l’insécurité par l’effet du terrorisme, la récession économique, la contrebande, la corruption, l’argent sale, la pollution morale et matérielle…
L’attachement d’Ennahdha à sa matrice, les Frères musulmans
Les républicains tunisiens sont encore plus déçus de la fâcheuse tendance du parti Ennahdha et de ses dérivés à ne donner aucun signe d’une quelconque évolution.
Les résultats du 10ème congrès du parti Ennahdha, qui s’est tenu il y quelques semaines, sont édifiants à ce sujet. Au moment où tous les observateurs s’attendaient à ce que ce parti décide d’une migration pacifique vers la civilité et coupe définitivement avec son instrumentalisation de la religion à des fins politiques, ce même parti a confirmé non seulement sa référence à la mouvance islamique mais surtout sa fierté de rester attaché à la confrérie des Frères musulmans.
La déception des républicains tunisiens est d’autant plus grande lorsqu’ils constatent que la seule force politique, le parti Nidaa Tounès qu’ils ont élu pour contenir cette force malfaisante qu’est Ennahdha, voler les voix de ses électeurs, violer la Constitution, piétiner la légalité des urnes, et surtout s’allier avec un parti aux relents daechiens (ici Ennahdha et dérivés bien évidemment).
Pis, ce parti (Nidaa), dont les dirigeants se sont avérés de minables arrivistes sans aucun honneur et sans aucun idéal, est hélas bien fini avec les dissidences qu’il a connues en 2015 et en 2016 et les putschs internes qui ont mené à sa tête la progéniture inculte du président de la République, Hafedh Essebsi. En clair, ce parti relève désormais des archives de l’Histoire avant même la tenue de son congrès annoncé à plusieurs reprises mais aussitôt reporté.
Conséquence : Ennahdha est, aujourd’hui, le premier parti du pays et est la seule force politique qui puisse se targuer d’avoir des adhérents disciplinés et de disposer de financements réguliers fournis par ses sponsors… Aujourd’hui, Rached Ghannouchi peut demander ce qu’il veut et obtenir ce qu’il veut. Il fait désormais la pluie et le beau temps. Apparemment, un don de Dieu!
Heureusement pas pour longtemps. Sa marge de manœuvre est réduite par l’effet des coups durs et des situations difficiles que connaissent les forces et les puissances qui le soutiennent de l’extérieur, s’agissant des Frères musulmans -muselés plus que jamais en Egypte-, de Fajr Libya en voie de liquidation, de la Turquie -dont le Sultan sera désormais de plus en plus confronté à des sérieux problèmes- et de Daech -qui subit, chaque jour, d’importantes pertes qui annoncent son extermination à brève échéance.
Avec une coalition républicaine, l’espoir est permis
Néanmoins, l’espoir de réduire le pouvoir de l’islam politique en Tunisie est permis. Et ce pour deux raisons. La première est perceptible à travers les risques permanents d’insurrection sociale qui prévalent à l’arrière-pays par l’effet du mauvais souvenir de la mauvaise gouvernance de la Troïka et ses corollaires (précarité de la vie et récession économique), un climat qui ne permettra jamais à Ennahdha d’accroître le nombre de ses sympathisants et son filon électoral (27% actuellement).
La deuxième concerne la possibilité pour les autres partis modernistes de se regrouper et de s’associer pour faire front commun face au parti Ennahdha. La proposition faite, à ce sujet, par Mohsen Marzouk, coordinateur du parti Machrouu Tounès, est très intéressante.
Son parti, qui promet, selon lui, «d’être le deuxième grand parti du pays d’ici fin 2016», va pousser vers «la création d’une majorité politique républicaine qui aurait l’appui d’un groupe républicain parlementaire de 109 députés (51% des sièges), une majorité pour laquelle le peuple tunisien a, du reste, réellement voté».
Le premier avantage de cette coalition, c’est qu’elle fournit au prochain gouvernement l’assise politique requise.
Ensuite, cette initiative offre une base solide pour recomposer le paysage politique et mettre fin à la polarisation du paysage politique par le tandem “Nidaa Tounès-Ennahdha“, l’un agonisant, l’autre supranational. Une idée qui a, semble-t-il, toutes les chances de faire son chemin au regard de la situation précaire par laquelle passe le pays.
Le parti ambitionne également de contribuer à la réforme du paysage politique en Tunisie. Concrètement, il s’agit de restaurer la vertu publique, l’éthique publique, l’intérêt pour la chose publique et l’évolution d’un parti dans un espace public.
C’est cette dernière proposition qui cible particulièrement le parti Ennahdha et dérivés. Il s’agit d’amener ce parti à respecter sa qualité de “parti public“, à ne s’intéresser qu’aux problèmes inhérents au secteur public et, partant, à ne plus s’ingérer dans les problèmes privés touchant aux libertés individuelles. Un fonds de commerce que ce parti a utilisé merveilleusement ces dernières années pour entraîner certains Tunisiens dans des débats stériles, improductifs et sans lendemain.
Avec de telles propositions, Machrouu Tounès, qui a tenu son congrès constitutif (23-24 juillet 2016), constitue, de toute évidence, une lueur d’espoir pour raviver l’esprit républicain et le rêve des Tunisiens d’accéder au pouvoir par le biais de véritables représentants, de mettre fin aux tendances clientélistes post-indépendance et de constituer un front nationaliste devant défendre la tunisianité de «la Tunisie» et de préserver la République des desseins supranationaux des islamistes.
Vive la République tunisienne.