Depuis les 4 dernières années, nous assistons à un changement radical dans les actions tactiques du terrorisme. Alors que les méthodes d’Al Qaïda étaient, par stratégie, plus spectaculaires et médiatiques, celles du prétendu Etat Islamique sont plus tactiques (soft acts), plus disséminées et plus tournées vers la sape du moral des citoyens et la création d’une fracture sociale et politique.
Ces dernières actions sont bien plus difficiles à détecter car plus faciles à monter et préparer, et ne nécessitent pas d’expertise particulière de la part des exécutants.
Les leaders et commanditaires maîtrisent à la perfection l’art de la rhétorique et les technologies du Net et des réseaux sociaux afin de recruter leurs “soldats” et semer leur venin par les messages fortement attractifs pour les âmes les plus faibles. Les exécutants ne sont pas forcément liés à leur réseau ou financés directement par eux, mais des brebis égarées qui cherchent à se procurer de la fierté et de la gloire en s’y liant. Et ceci contrairement à Al Qaïda dont les “soldats” sont impérativement dans un réseau secret et bien structuré.
Il est utopique de croire que le combat contre ce fléau se fera à travers des techniques classiques de guerre. Ces gourous utilisent les moyens sophistiqués de transmission et de communication et sont très mobiles. A chaque fois qu’un acte se produit, les politiques essaient de se justifier par davantage d’actions sécuritaires qui, nous le remarquons, sont inefficaces face à ces menaces grandissantes.
Les deux axes sur lesquels doivent travailler les gouvernements pour lutter contre ces menaces sont:
1- Le potentiel des politiques à permettre la résilience des sociétés victimes de ces traumatismes.
La montée de la xénophobie et des partis d’extrême-droite est directement liée à la tergiversation des dirigeants politiques et leur manque de résultat dans cette lutte. Les citoyens blâment les différents gouvernements de droite ou de gauche de ces échecs et se tournent vers des partis populistes, jusque-là marginaux, qui enregistrent aujourd’hui des scores à deux chiffres dans plusieurs pays d’Europe.
2- La mise en place de systèmes de renseignements adaptés à ces nouvelles techniques terroristes.
La coopération entre les différents services de renseignements et l’échange d’information. Des pays comme le Maroc, l’Algérie ou la Jordanie, qui ont des services de renseignements bien développés, peuvent être d’une grande utilité dans cette coopération.
– La surveillance électronique: la surveillance par satellite, la surveillance des communications, la géolocalisation sont essentiels dans cette coopération. Aider des pays comme les nôtres à accéder à ces technologies de pointe afin de standardiser cette coopération.
– L’infiltration: méthode fortement utilisée dans l’espionnage entre l’Est et l’Ouest pendant la Guerre froide.
– La contre-information ou la désinformation: introduire dans les rangs de leurs leaders la division par des faux renseignements. Ces méthodes ont été assez fréquentes dans la lutte du FBI contre la mafia aux Etats-Unis, ce qui a diminué significativement leur pouvoir et leur influence.
– Le contrôle direct ou indirect des sources de financement de ces organisations qui sont les différents trafics, l’extorsion, les rançons… Il est également indispensable, au préalable, d’éradiquer les flux financiers en provenance des associations caritatives répandues partout dans le monde (particulièrement en Occident).
– Créer un contre-message (aussi bien de l’imam que de l’embrigadement) bien structuré et aussi “séduisant et pénétrant” que celui des terroristes.
Cependant, ces méthodes nécessitent parfois des entorses au droit de l’Homme, à l’éthique, et au politiquement correct. Les raisons d’Etat et les motifs sécuritaires peuvent entraîner des dérives à la démocratie et aux libertés fondamentales. Faudrait-il s’y faire?
Si les populations occidentales ne sont pas rassurées et n’arrivent pas à surmonter ces traumatismes, des partis radicaux peuvent s’emparer du pouvoir démocratiquement.
Mais le manque de stratégie réelle et efficacement étudiée a entraîné jusqu’à présent la montée des deux fléaux simultanément.