Au regard de la déconfiture que connaît, actuellement, le paysage politique en Tunisie, les deux architectes et alliés contrenature, responsables de cette situation délétère, en l’occurrence, le président de la République Béji Caïd Essebsi, et le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, donnent l’impression qu’ils s’amusent comme des ados et gèrent le pays comme s’ils conduisaient des «monster truck», ces camions monstres 4×4 aux roues surdimensionnées qui écrasent tout sur leur passage.
Gros plan sur les dégâts occasionnés par ces deux décideurs qui, pour justifier leurs dérapages, ont constamment brandi la carte de la légalité des urnes.
Rached Ghannouchi et ses troupes, qui ont régné en maîtres absolus sur le pays durant les trois années de la Troïka, s’étaient acharnés à déstructurer systématiquement les rouages de la République et à en ternir l’image.
Pis, ils ont délibérément surendetté le pays et l’ont engagé dans une récession économique sans précédent. Au quotidien, ils ont cherché à tout changer et à tout islamiser dans un pays pourtant musulman depuis 1400 ans.
Leur projet pernicieux était d’intégrer la Tunisie dans la mouvance internationale islamiste et de détruire sa République par l’islam politique prôné par Ennahdha, promu, à l’époque (élections du 23 octobre 2011), par un caprice de l’Histoire, en parti majoritaire et gouvernant.
Ennahdha avaleuse de partis laïcs
A l’intérieur du pays, la stratégie d’Ennahdha était claire. Elle consistait à s’allier à des partis politiques dans le cadre de coalitions dans l’intention de les discréditer d’abord pour la trahison de leurs électeurs, de les affaiblir ensuite en les isolant politiquement et, enfin, à les jeter comme des torchons.
Des partis comme le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki, comme Ettakatol de Mustpaha Ben Jaafar, et comme l’ancien PDP d’Ahmed Néjib Chebbi en savent quelque chose. Ils ne valent rien ou presque aujourd’hui, dans l’échiquier politique. Ils relèvent désormais des archives du pays.
Les nahdhaouis ont également cherché à mettre à genoux la société civile en terrorisant deux de ses grosses pointures. La centrale syndicale –Union générale tunisienne du travail “UGTT“- en brandissant la menace de privatiser leurs fiefs, les entreprises publiques, avec comme point d’orgue la répression à la chevrotine, à Siliana, des manifestations organisées par les syndicats.
La centrale patronale, ensuite, en mettant en péril leurs usines à travers l’inondation du pays de produits contrefaits et importés par le canal de contrebandiers.
En prime, les nahdhaouis ont été trop tolérants vis-à-vis des djihadistes qui ont eu tout le temps matériel requis pour s’organiser, introduire les armes dans le pays et se sanctuariser sur les hauteurs et dans les bidonvilles du pays avec comme corollaire l’accroissement, aux dépens du développement, du budget des forces sécuritaires. Le terrorisme et la contrebande étant des grenades dégoupillées laissées par les nahdhaouis à leurs successeurs au pouvoir.
L’erreur de BCE est d’avoir trahi ses électeurs
Néanmoins, la République a résisté à cette violence intégriste par le canal de laquelle le gourou Rached Ghannouchi comptait régner au moins 400 ans selon ses propres termes. Toutes les forces républicaines se sont associées pour faire front commun contre la déferlante nahdhaouie. L’organisation du célèbre sit-in «Errahil» (le départ) au Bado (banlieue ouest de Tunis) a été assez imposant pour convaincre les nahdhaouis de l’impératif de se retirer du pouvoir et de jouer le jeu démocratique.
Résultat: les Tunisiens ont eu droit, fin 2014, à des élections démocratiques dont Béji Caïd Essebsi, alors président de Nidaa Tounès et figure de proue de l’opposition à Ennahdha, est sorti vainqueur. Il était pratiquement l’unique personne autour de laquelle il y a avait un consensus politique. C’était l’espoir du pays, l’espoir de restaurer le prestige de l’Etat et l’espoir de faire reculer Ennahdha.
Autre trahison de Béji Caïd Essebsi
Malheureusement, Béji Caïd Essebsi, une fois élu président de la République, a trahi cet espoir placé en lui. Durant une année et 8 mois, il commis plusieurs bourdes: il a menti à ses électeurs en proposant une loi scélérate anticonstitutionnelle sur la réconciliation nationale économique et financière. Ce projet dont il n’avait jamais parlé lors de la campagne électorale permettrait d’interrompre toutes les poursuites judiciaires et les condamnations en cours contre les fonctionnaires ayant facilité des détournements de biens, délivré des autorisations de complaisance, et offrirait aux fonctionnaires et aux hommes d’affaires ayant tiré profit de la corruption la possibilité d’une réhabilitation.
Pour résumer, un projet de loi qui recycle les corrupteurs et les corrompus.
Après Habib Essid, à qui le tour?
BCE a également violé la Constitution tunisienne en secourant son chenapan de fils Hafedh Caïd Essebsi et en l’aidant à se hisser seul à la tête du parti Nidaa Tounès. Sa progéniture est aujourd’hui la risée de tout le monde et est dans le collimateur de toutes les forces patriotes du pays qui ont, encore, à l’esprit les affres des tentatives de filiation antérieures.
Il a nommé aux postes clefs des fusibles éjectables. C’est le cas de Mohamed Ennaceur, président flemmard de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et Habib Essid, chef du gouvernement sous-traitant. Ce dernier vient d’être «limogé» par l’effet de l’appel de BCE pour un gouvernement d’union nationale ou plutôt de désunion nationale. La question qui se pose dès lors: qui sera le suivant?
BCE a surtout commis la bourde de s’allier au parti islamiste Ennahdha, 2ème parti à l’ARP avec 69 sièges. C’était «le Choix de Sophie». BCE a préféré l’alliance avec les islamistes pour régner au nom de la légalité et contre le choix du peuple qui l’a élu pour contenir Ennahdha.
La perche tendue par Ennahdha à Hafedh Caïd Essebsi
Génétiquement traîtresse, Ennahdha, fidèle à sa tactique maléfique d’absorber les partis laïcs, a saisi cette perche pour faire croire à la progéniture de BCE, à savoir HCE, qu’il peut compter sur sa machine et logistique électorale pour remporter moult succès, a joué un rôle déterminant dans l’émiettement de Nidaa Tounès qui demeure un projet de parti dans la mesure où il n’a pas encore, jusqu’à cette date, tenu son congrès constitutif. Nidaa Tounès est désormais sur la longue liste des partis cadavres absorbés puis éjectés par Ennahdha.
Moralité: les deux vieillards ont commis trop d’erreurs sans rendre compte. Ils se sont retranchés derrière la bannière de la légalité, cette même légalité par laquelle l’ancien président américain, Bush Junior, avait détruit l’Irak.
Elections générales anticipées?
Entre temps, ils nous ont fait perdre beaucoup de temps, au total sept bonnes années -deux ans pour le seul BCE-, sans le moindre résultat tangible. Nous ne pouvons pas nous interdire de nous poser cette interrogation: faut-il les laisser encore faire?
Et tout semble indiquer que nous nous dirigeons vers d’importantes échéances, du genre dissolution du Parlement, organisation d’élections générales anticipées… Ce serait, peut-être, un moindre mal pour les Tunisiens.