Salha, Zina et Amel sont des battantes, des femmes courage qui se démènent chaque jour pour une vie digne, des femmes comme il en existe des millions en Tunisie.
Symbole de la Tunisienne militante, ces citoyennes “ordinaires” mais extraordinaires ont été décorées, samedi, par le président Béji Caïd Essebsi des insignes de l’Ordre de la République à l’occasion de la fête nationale de la femme.
Salha Bouri Achour, 83 ans, capitaine d’un bateau de pêche
D’une voix ferme, celle d’une femme forte qui a pu vaincre les caprices de la mer, Salha raconte ses 26 ans de combat quotidien, aux îles Kerkennah, où elle a été capitaine d’un bateau de pêche de 1979 à 2005. Elle avoue n’avoir pas choisi ce métier pour le plaisir, mais contrainte après la maladie puis le décès de son mari.
Veuve, avec sept enfants à charge, elle n’avait d’autre choix que de se jeter à l’eau et de travailler dur pour subvenir aux besoins de ses enfants et leur offrir une vie digne. Elle est aujourd’hui fière de dire que ses sacrifices ont payé, puisque ses enfants “ont réussi leurs études et occupent des postes honorables”. “Je me suis battue toute seule, personne ne m’a aidée. Aucun membre de ma famille ne connaissait ce métier, j’ai dû apprendre seule, grâce aux marins pêcheurs avec qui je travaillais”, confie-t-elle. Et d’enchainer: “Il y a eu des moments très difficiles. Je faisais un métier d’homme, aucune femme ne s’y aventurait, et c’était très mal perçu; mais je me suis accrochée, je ne me suis pas laissée décourager, et j’ai défendu férocement ma place et mon droit de travailler en mer pour affronter les aléas de la vie”. Née française puis naturalisée tunisienne, Salha parle de son amour pour la Tunisie et dit refuser catégoriquement de la quitter en dépit des tentations, des pressions et des contraintes, et malgré les difficultés qu’elle a connues.
Zina Kaabi, la bergère diplômée en mathématiques
Zina ne sait pas que son histoire a été relayée en masse sur les réseaux sociaux, elle qui, malgré un diplôme de maîtrise en mathématiques décroché 2006, n’a pas baissé les bras devant le chômage et a préféré devenir ” bergère ” plutôt que d’attendre la concrétisation de son rêve de devenir fonctionnaire de l’Etat, qui peut demeurer irréalisable. “Je n’ai jamais chômé, pas un seul jour, même durant mes études je gardais des moutons”, affirme la jeune femme originaire de Zriba (délégation du gouvernorat de Zaghouan).
Elle reconnaît que même si elle continue de participer aux concours de recrutement, c’est uniquement pour faire plaisir à son père “qui veut absolument que je travaille dans mon domaine”. “Même si je décroche un poste d’enseignante, je resterai toujours bergère, je n’abandonnerai jamais ce métier que j’exerce depuis toute petite”, lance-t-elle.
Amel Rabhi, docteur en biologie et maîtresse d’école
Militante des droits de l’Homme originaire de Kasserine, Amel a obtenu un doctorat en biologie végétale en 2012. Comme beaucoup d’autres, elle n’a pas eu la chance de pouvoir exercer à l’université, pourtant, elle n’a pas baissé les bras et s’est tournée vers l’éducation des plus jeunes.
Depuis 4 ans, elle est institutrice dans les écoles des petites localités reculées de sa région, alors qu’elle est surqualifiée pour le poste. “Le sentiment d’injustice m’a poussée à devenir institutrice malgré mon long et pénible parcours et mon doctorat”, a confié Amel à l’agence TAP.
En dépit des difficultés et de toutes les déceptions, Amel se voue à aider les autres, les enfants de sa région, l’une des plus démunies du pays. “J’ai choisi de devenir maitresse d’école. C’est un métier difficile, mais j’aime les enfants, et je veux les aider durant leurs premières années de scolarité “, renchérit-elle.
Amel reste toutefois confiante en l’avenir et n’a pas perdu l’espoir d’obtenir, un jour, le métier qui correspond à ses qualifications et à ses ambitions. “Je suis sûre d’y arriver un jour”, promet-elle.