Le feuilleton de mise en place d’un gouvernement d’union nationale (GUN), fruit de l’initiative prise par le président Caid Essebsi début juin 2016, aura duré trois mois avec en prime une démobilisation générale des rouages de l’Etat et de son économie. Cette démobilisation a impacté négativement le processus de transition démocratique du pays en retardant plusieurs échéances politiques. Pis, elle risque de compromettre la réussite de nouvelles échéances dont la Conférence internationale sur l’investissement en Tunisie meme si la marge de manouvre pour mobiliser d’importants financements demeure possible.
Gros plan sur les dégâts occasionnés par une initiative prise pour satisfaire l’égo d’un «bahloul» pour reprendre le qualificatif réducteur que le juriste Sadok Belaid avait attribué a la progéniture de BCE.
Premier constat: le retard qu’a accusé la consécration de cette initiative de «gouvernement de désunion nationale» comme certains préferent l’appeler, a duré trois mois. Pendant cette longue période, le pays aura été carrément a l’arret. Les Tunisiens ont ainsi perdu un temps précieux pour faire adopter, par le Parlement, d’autres lois stratégiques pour l’ancrage de la démocratie des affaires (code des investissements assimilé a la Constitution économique) et pour l’achevement de la mise en place des deux autres pouvoirs prévus par la Constitution: le pouvoir des Instances constitutionnelles telles que le Conseil supérieur de la magistrature et la Cour constitutionnelle et le pouvoir local.
Pire, cette initiative du GUN a été a l’origine du report a une date sine die des élections municipales prévues initialement pour le 26 mars 2017. La question qui se pose des lors est: pourquoi le pouvoir en place a-t-il tellement peur des deux pouvoirs manquants?
Deuxieme constat: le retard qu’a pris et que prendra encore l’entrée en fonction du gouvernement d’union nationale (GUN) risque de compromettre les chances de succes au moins de deux échéances économiques d’une grande importance pour le pays: l’adoption du Plan de développement (2016-2020) et sa promotion dans le cadre de la conférence internationale sur l’investissement en Tunisie prévue officiellement pour les 29 et 30 novembre prochain.
Si le plan est plus au moins dans son calendrier et est actuellement au stade des ultimes arbitrages et de l’ultime coordination entre les différents départements ministériels en vue de l’élaboration du document final, sa promotion dont le marché a été accordé au consortium Argil-Comete-Jeune Afrique pour le montant faramineux de 5 MDT alors que le groupe Rothschield avait proposé la moitié, risque d’etre prise de court et de pâtir en matiere de qualité et d’efficacité, et ce au regard du rapprochement des échéances concernant l’adoption du PSD (fin octobre) et sa vente au cours de cette Conférence.
Conséquence : la Conférence internationale sur l’investissement en Tunisie, a défaut de promotion prématurée, risque de pâtir des trois mois de vide créé par l’initiative du GUN.
Conférence sur l’investissement : un marché d’investissements
Les objectifs assignés a cette conférence, qu’on peut assimiler a une Bourse d’investissements, sont nombreux. Il s’agit de présenter a des bailleurs de fonds, partenaires commerciaux traditionnels, fonds d’investissements, investisseurs étrangers et autres un package de projets d’une valeur globale de 40 milliards de dinars, outre ce qui va se faire en PPP (port en eaux profondes…) et sans compter sur les capacités du secteur privé en termes d’investissements et certains privés étrangers aussi. C’est ce qu’estimait du moins Yassine Brahim, désormais ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale. Sur ce total, 25 milliards sont dédiés uniquement au financement des grands projets et réformes par le Plan stratégique de développement (PSD). Le solde, 15 milliards de dinars, est dédié aux «projets dits supplémentaires» nécessitant des financements exceptionnels.
Ces projets pourraient etre réalisés durant la période du plan pour peu que des financements exceptionnels soient disponibles de types dons et de tres longues concessions. C’est pourquoi tout l’enjeu de la Conférence sur la Tunisie résidera dans l’art de persuader des investisseurs étrangers de financer ces projets supplémentaires.
Parmi ces projets, Yassine Brahim avait cité une connexion électrique avec l’Europe. Un projet assez consistant de 5 milliards de dinars et le tronçon autoroutier Gafsa-Jelma, sachant que le tronçon le plus long de l’autoroute, en l’occurrence Tunis – Jelma (186 kms) est inscrit dans le cadre du PSD.
Investissement, des obstacles majeurs
En dépit de ces projets ambitieux, cette conférence peche par malchance par son timing. Elle intervient a un moment ou le pays connaît concomitamment plusieurs fléaux auxquels l’investisseur étranger, public ou privé est particulierement allergique. Il s’agit de l’insécurité qui regne dans le pays par l’effet du terrorisme. En un an et trois mois, la Tunisie a connu quatre attentats meurtriers: ceux du Bardo (mars 2015), de Sousse (juin 2015), de Tunis Avenue Mohamed V (novembre 2015) et Ben Guerdane (mars 2016). Ces attentats ont fait entre autres 60 morts parmi des touristes innocents.
Vient ensuite la contrebande et son corollaire l’inondation du pays par des produits contrefaits importés de maniere non réglementaire et livrant une concurrence déloyale aux producteurs locaux. Les mouvements sociaux et les arrets de travail générés par les sit-in et les greves sauvages. Pis, rien ne semble etre capable de mettre le hola a ces syndicats d’autres temps. Et pour ne rien oublier, la corruption qui gangrene l’administration (douane…) et tous les secteurs productifs du pays. Autant de facteurs auxquels tout investisseur ne peut en aucune maniere s’en accommoder, meme des membres de la bourgeoisie nationale.
A suivre: Impératif d’améliorer le climat d’investissement …