Si les hommes d’affaires du pays, qui ont pourtant bâti de grosses fortunes, six décennies durant, par le biais de dizaines d’usines financées grâce aux incitations financières et fiscales instituées par l’Etat, rechignent à investir, il sera très difficile de convaincre les investisseurs étrangers de s’implanter de s’implanter dans le pays.
En fait, des signes avant-coureurs commencent à se manifester dans l’offshore. Pour n’en citer que les plus récents. Selon les résultats de l’enquête annuelle par la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (2015-2016), sur le degré de satisfaction des sociétés allemandes implantées en Tunisie, ces entreprises, qui sont d’habitude les plus optimistes de l’offshore en Tunisie ont fait état, pour la première fois, de sentiments mitigés en ce qui concerne l’avenir de leur implantation dans leur pays.
En voici quelques indices:
Les attentes pour l’année en cours sont mitigées: 37% des entreprises prévoient une hausse de leur chiffre d’affaires (CA)A, taux le plus bas depuis 2010, alors que 23% s’attendent à une baisse de leur CA et 39% ne s’attendent à aucun changement.
Quant aux sociétés américaines offshore installées en Tunisie, elles sont plus tranchantes. C’est le cas du câbleur De Lear Corporation, usine implantée à Borj Cedria (Ben Arous). Et pour cause. La câblerie a décidé de mettre fin à son activité en Tunisie et de migrer vers le Maroc.
La marge de manœuvre demeure possible…
En dépit de ce tableau noir, la Tunisie, pour financer ses projets et attirer de nouveaux IDE, gagnerait à travailler dur pour améliorer son climat d’investissement, rassurer les investisseurs étrangers et exploiter les opportunités qui lui sont offertes.
Elle doit être particulièrement à l’écoute de banques implantées en Tunisie, lesquelles, par le biais de leurs premiers responsables, ont fait état de leur disposition à financer toute sorte de projets d’envergure en Tunisie.
C’est le cas de Ali Kooli, directeur général de Bank ABC, filiale tunisienne du groupe bahreïni l’Arab banking corporation, qui a déclaré récemment que «la banque ABC a de l’appétit. Elle peut s’engager sur des montants importants… demain, si j’ai une grande autoroute à financer, Bank ABC pourrait le faire. Demain, si j’ai une nouvelle entreprise à financer, elle pourrait également le faire».
C’est le cas aussi de Ulrich H. Brunnhuber, chef du bureau de représentation à Tunis de la BEI. Ce dernier a déclaré que «la BEI est mobilisée pleinement pour accompagner la Tunisie dans son plan quinquennal (2016-2020), notamment pour la réalisation de projets environnementaux, sociaux et autres…» Avant d’ajouter: «La BEI poursuit un objectif primordial et géostratégique, celui de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle ne peut, en conséquence, qu’encourager les énergies renouvelables. C’est un secteur que la BEI souhaite accompagner en Tunisie pour peu que les textes d’application de la loi sur les énergies vertes soient publiés et comportent des incitations pour l’investissement privé. L’essentiel est que le cadre juridique soit mis en place».
C’est aussi le cas de Habib Chahata, PDG de la QNB (Qatar national Bank Tunisie) qui a révélé, dans une interview accordée dans un magazine de la place: «En devenant une place financière internationale, la Tunisie pourrait exploiter de nouvelles ressources pour sa croissance autres que l’endettement intérieur ou extérieur, augmenter le volume des investissements directs étrangers…».
La diplomatie économique tunisienne pourrait être mise à contribution pour mobiliser une partie des fonds disponibles partout dans le monde. Il s’agit en particulier du Fonds de 100 milliards de dollars mis en place dans le cadre l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique (COP 21), lequel Fonds est dédié à venir en aide aux pays en développement.
Il y a également le Fonds d’investissement de 33 milliards de dollars, promis par les Etats-Unis d’Amérique, lors du sommet américano-africain tenu à Washington en août 2014, à la disposition des Africains et dont un milliard reviendra à la Tunisie, sans oublier le fonds européen “Horizon 2020“ de plus de 86 milliards et auquel la Tunisie, en sa qualité d’associé de l’Union européenne, est éligible.
Cela pour dire que la Tunisie doit cravacher pour rassurer les bailleurs de fonds quant à la poursuite des réformes convenues (réforme fiscale, réforme des caisses de sécurité sociale, rationalisation de la compensation) et les investisseurs étrangers quant à la sécurité et la stabilité sociale et politique du pays. C’est ce à quoi doit s’atteler le nouveau gouvernement d’union nationale.