Leader de gauche du Parti unifié des patriotes démocrates (El Wated), Mongi Rahoui a créé une nouvelle fois l’évènement en faisant deux déclarations tonitruantes sur la position de son parti vis-à-vis des privatisations des entreprises publiques à créer et sur l’opportunisme idéologique des partis de la coalition gouvernementale (Nidaa Tounès-Ennahdha-Afek Tounès-UPL) qu’il a qualifié de faux «libéraux».
Invité par la chaîne privée El Hiwar Ettounsi dans le cadre de l’émission 7/24, Mongi Rahoui a déclaré qu’il est «disposé à tolérer l’économie de marché en Tunisie pour peu que l’Etat s’engage à investir intensivement dans la création des entreprises économiques dans les régions intérieures, quitte à les privatiser après cinq ou six ans de production» (19 septembre 2016).
Le député du Front populaire a ajouté que son parti est prêt à soutenir l’Etat dans cette double perspective (création d’entreprises d’abord et leur privatisation ensuite), relevant qu’en raison de la tendance de plus en plus structurelle des privés à ne pas investir dans l’arrière-pays, l’essentiel ici est de créer des entreprises, et leurs corollaires, des sources de revenus et des emplois.
Pour les observateurs qui s’intéressent à la gauche tunisienne, cette déclaration-prise de position d’un leader de gauche de la trempe de Mongi Rahoui, père de l’article 6 de la Constitution tunisienne instituant la liberté de conscience en Tunisie, est une évolution majeure de l’idéologie de gauche en Tunisie.
Cette évolution est à l’actif d’El Wated qui, sans nier son référentiel de parti de gauche, a cette heureuse tendance à être pragmatique et à composer avec la réalité qu’impose cette période transitoire.
Elle vient trancher de manière claire avec le dogmatisme et le négativisme du POCT de Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, réduit, depuis quelque temps, au silence radio par le même Mongi Rahoui en raison de divergences portant sur la participation ou non du Front au gouvernement d’union nationale. Il faut reconnaître que les niet incessants de Hamma commencent à être lassants et à l’assimiler, auprès de l’opinion publique, à un coucou d’horloge d’oiseau.
Moralité: Avec une telle position, El Wated, qui est un des rares partis à avoir tenu son congrès et à disposer de structures élues, gagne en crédibilité et en pragmatisme. Ce parti a toutes les chances de gagner la sympathie des bailleurs de fonds et des Tunisiens qui refusent génétiquement tout dogmatisme, tout extrémisme et tout nihilisme. Il ne serait pas étonnant de voir un jour ce parti se rapprocher davantage du parti sociodémocrate “Machrouu Tounès“ de Mohsen Marzouk que du reste des barons du dogmatisme des partis qui composent le Front populaire. On l’aura dit.
Nidaa Tounes et Ennahdha ne sont pas des partis ultralibéraux
Mongi Rahoui a, dans un deuxième temps, stigmatisé l’opportunisme idéologique des partis de la coalition gouvernementale, particulièrement Nidaa Tounès et Ennahdha qui sont, toujours selon lui, loin d’être des «ultralibéraux»; Afek Tounès et l’UPL, n’étant en substance, selon lui, que des partis sans valeurs, donc marginaux et parasitaires.
Pour lui, ces partis sont de «faux libéraux» et de «faux ultra-libéraux» en ce sens où contrairement aux partis qui se réclament de cette idéologie dans le monde, Nidaa Tounès et Ennahdha ne jouent aucun rôle pour inciter leur base, et surtout leurs riches adhérents qui sont pour la plupart «des gens artificiellement aisés», à investir, et ce en dépit de la disponibilité de moult lois ultralibérales votées par leurs soins au Parlement.
Parmi ces législations incitant à l’investissement et restées lettres mortes, le député a cité: la loi sur la concurrence, la loi sur le partenariat public privé, la loi sur l’investissement, la loi bancaire, la recapitalisation des banques publiques, la loi sur l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie…
Et le député de s’interroger: «si cet arsenal juridique incitatif de tendance ultralibérale n’est pas utilisé pour encourager l’investissement privé dans le pays et, partant, la création de nouvelles richesses, de nouveaux d’emplois et de nouvelles sources de revenus dans le pays, c’est que ces partis et leurs adhérents, sous couvert d’être ultra-libéraux, ont d’autres desseins et d’autres approches de la prise du pouvoir».
D’après lui, le constat, aujourd’hui, est que ces partis se partagent le pouvoir et ses privilèges comme un butin de guerre tout en se donnant en spectacle, pendant plus de cinq ans, les problèmes du pays. Ils sont cantonnés dans l’immobilisme le plus total. Ils ne veulent pas ou plutôt ne peuvent pas prendre aucun risque et aucune décision car ils sont l’otage des sponsors de leur campagne électorale. Ces sponsors, qui sont pour la plupart des contrebandiers et de personnes en fraude du fisc et de change et autres malfaiteurs, ont naturellement une aversion pour l’investissement transparent.
Par conséquent, Mongi Rahoui fait assumer la crise multiforme et délétère que connaît le pays, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, non pas aux huit gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, mais aux partis qui les ont trahis par leur non soutien. Les partis les plus concernés étant Nidaa Tounès et Ennahdha.