Dans sa dernière interview radiotélévisée, M. Youssef Chahed a parlé des urgences et des priorités de son gouvernement pour les mois et les années à venir.
Et autant la plupart des idées et des propositions présentées sont pertinentes et certaines actions annoncées étaient même attendues, autant des sujets et des thèmes de toute première importance n’ont pas été abordés.
Le retour de la confiance est actuellement une condition indispensable pour relancer l’investissement et enclencher ainsi le redressement de l’économie.
Au delà de la confiance des citoyens dans le gouvernement, c’est la confiance en l’Etat et en l’avenir qu’il faudra restaurer.
Des signaux clairs et des mesures concrètes sont nécessaires pour démontrer la ferme volonté du gouvernement: imposer l’autorité de l’Etat, appliquer la loi, faire face à l’anarchie et à la détérioration des services publics et sévir contre les abus; mener les réformes nécessaires avec pragmatisme, détermination et courage.
L’ampleur du déficit budgétaire (découlant principalement de l’accroissement sans précédant des rémunérations publiques), et le niveau d’endettement alarmant du pays (62% du PIB), auraient dû imposer la mise en place depuis longtemps déjà de vraies mesures d’austérité.
Car la solution à ce dérapage dangereux ne peut en aucun cas venir de la hausse de la pression fiscale, ni sur les citoyens ni sur les entreprises (auxquelles nous demandons au même moment d’investir plus).
La solution logique et évidente consisterait plutôt en la réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat et en l’arrêt de cette hémorragie, de ces abus, de ces gaspillages constatés dans les services de base, dans l’administration et dans les entreprises publiques.
Outre l’instauration rapide d’une bonne gouvernance, nous devons recourir impérativement aux mécanismes et aux modes de gestion qui ont fait leur preuve tant sur le plan de l’efficacité que sur le plan de la maîtrise des coûts (recours au PPP dans nombre de services publics, désengagement de l’Etat par voie de privatisations partielles ou totales des entreprises opérant dans des secteurs concurrentiels …).
Nul ne peut, en effet, s’arroger le droit de nous en priver pour des raisons idéologiques totalement irrationnelles, et nul ne peut nous condamner à financer, par nos impôts, le laxisme, le laisser aller et la mauvaise gestion.
La paix sociale, une condition nécessaire de relance
La multiplication des fermetures d’usines, le départ des investisseurs et des clients étrangers et la désaffection du site Tunisie découlent en grande partie:
– des tensions sociales, des revendications salariales excessives et de l’usage abusif du droit de grève;
– de la remise en cause du droit disciplinaire de l’entreprise et de l’immunité dont bénéficient les représentants syndicaux;
– de la surenchère syndicale;
– de l’incapacité des autorités à faire respecter la liberté de travail;
– et du silence (complice) de TOUS devant ces débordements.
Tout cela a eu un grave effet sur la pérennité de nombre d’entreprises, avec des fermetures retentissantes ayant touché des secteurs stratégiques et ayant entraîné la perte, à chaque fois, de plusieurs centaines d’emplois.
Occulter cette réalité, c’est continuer la politique de l’autruche, en faisant croire que les problèmes de la compétitivité, de l’investissement et de la croissance peuvent être résolus sans que l’on instaure rapidement la paix sociale et sans que les syndicats eux-mêmes ne se remettent en cause et contribuent courageusement à combattre les abus et à consolider la culture de l’abnégation et de la valeur travail.
La croissance et l’emploi sont aussi de la responsabilité des syndicats.
Les mesures de sauvegarde sont nécessaires
Ces dernières années, plusieurs entreprises de différentes tailles et des secteurs entiers ont été fortement fragilisées et nécessitent des mesures d’appui et un accompagnement financier exceptionnels.
Sans un plan national urgent de restructuration financière et sans la mobilisation des financements adéquats pour ces entreprises et ces secteurs (tourisme, artisanat, textile/habillement, cuir et chaussures…), des centaines de milliers d’emplois risquent d’être perdus à court terme.
Les grandes défaillances dans l’entretien et le nettoyage de la voirie et dans le ramassage des déchets et ordures (qui ont défiguré nos villes et affecté le moral et l’image de notre pays), ainsi que la dégradation de la qualité des services publics comme la santé et l’éducation, et des services logistiques (poste, prestations aéroportuaires), sont incontestablement la conséquence principale de la négligence d’une partie du personnel et de l’absence de rigueur, de discipline, de suivi, d’encadrement et d’autorité (souvent dus au sentiment d’impuissance et à la «démission» des responsables).
L’amélioration de toutes ces prestations ne pourra se faire sans une vraie volonté d’affronter ces problèmes avec fermeté et de mettre fin au laxisme, au laisser-aller et l’impunité.
La situation scandaleuse qui prévaut depuis des années dans certains hôpitaux, ou dans le port de Radès, constituent un défi réel et un test d’efficacité du gouvernement.
Une crise morale et civique
Nous souffrons désormais d’une vraie crise morale et civique caractérisée par la montée, chez une partie de nos concitoyens, des incivilités, de l’indiscipline, de l’égoïsme, du laisser-aller, de l’assistanat et de la culture du moindre effort.
Le gouvernement en premier lieu, mais aussi la société civile et les médias doivent se mobiliser pour contrer et combattre ce fléau à l’origine de la détérioration aussi de l’image de notre pays.
Des pays connus pourtant pour le civisme de leurs citoyens continuent jusqu’à aujourd’hui à mener des campagnes de sensibilisation, tout en veillant à sévir fermement contre les contrevenants.
Il faut être conscient que la discipline, la propreté et le civisme sont devenus à l’heure actuelle des critères déterminants pour l’appréciation de l’attractivité d’un site, d’un pays ou d’une région.
Une communication percutante et un pacte de responsabilité
Elle revêt une importance capitale. Sur le plan national, les médias doivent faire l’éloge des succès de nos entreprises, de nos sportifs, de nos élites et de nos jeunes; faire l’écho des initiatives innovantes et magnifiques de nos citoyens et de notre société civile, bien plus que de se concentrer sur nos déboires et nos échecs. Au point de casser le moral et la confiance et pousser au désespoir. Au point de détruire notre image et réduire les chances de notre redressement.
A l’international, une communication professionnelle, percutante et d’envergure se chargera de restaurer l’image de notre pays en mettant en avant ses richesses, ses réussites et ses singularités.
Un nouvel organe aurait dû être déjà créé pour piloter cela et assurer cohérence et efficacité des actions.
Les défis sont nombreux et requièrent la mobilisation de toutes les énergies pour les affronter.
Ils requièrent un pacte de responsabilité auquel tous les acteurs doivent adhérer et sur lequel tous doivent s’engager!
Le gouvernement devrait en être le principal catalyseur.