Club Digital Atuge : Le e-gov… au point mort

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La transformation digitale de l’administration marque le pas. Derrière ce blocage, une panne de gouvernance. La solution à la question fait débat.

Ça n’avance pas. Malgré les 350 services publics, mis en ligne, au cours des 20 dernières années, le plan digital national est toujours en stand-by.

Destiné à faciliter le quotidien des entreprises et des citoyens dans leur rapport à l’administration, le projet de digitalisation public n’aboutit toujours pas à ce basculement global vers la SMART administration. Aux guichets de la Poste tunisienne, il y a toujours des files interminables. Moins de 30% des communiqués de ministères sont en ligne et sur ces 30% certains appellent une mise à jour.

Sollicitant ses panélistes, qu’est-ce qui bloque l’e-gov en Tunisie, s’interrogera Imed Elabed*, modérateur du mardi de l’Atuge de ce 4 octobre.

Faute de PMO, la machine à délivrer s’est grippée

Habib Debbabi, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, de retour aux affaires, après un premier passage en qualité de conseiller au Premier ministère en 2011, est versé dans ce sujet. Il attribue cette contrariété à un déficit de gouvernance. Une mauvaise tradition, dans l’administration tunisienne, fait que chaque nouveau ministre commence, d’abord, par élaguer ce qu’a fait son prédécesseur. Au bout du compte, le pays s’est retrouvé avec cinq études et autant de visions stratégiques et de feuilles de route.

Enfin en 2012, la raison a prévalu et on a sorti une synthèse de toute cette matière accumulée pour aboutir à la stratégie 20/20.

A présent le pays dispose d’un plan digital définitif, dira Habib Debbabi. Mais il persiste un autre obstacle. Il n’existe pas un ownership unique, pour chapeauter la réalisation de ce plan. Plusieurs structures chevauchent, faute de délimitation précise de la compétence de chacune d’entre elles.

Il y a le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique, plus un secrétariat d’Etat à l’Economie numérique. On trouve, également, une cellule chargée de l’administration électronique à la présidence du gouvernement. En plus d’une direction générale au ministère de la Fonction publique chargée du dossier. Cet embrouillamini a fait que, dans chaque ministère le DSI crée son propre monde en ligne. A l’arrivée on se retrouve avec une administration organisée en silos où les Systèmes d’information ne communiquent pas entre eux.

Karim Koundi dira que le pays a réussi à numériser des fragments de process dans divers secteurs. Ajoutant la transversalité fait défaut.

Habib Debbabi est catégorique, il faut un Project Management Office (PMO) pour coordonner le tout. Le conseil stratégique du Numérique, présidé par le chef du gouvernement en personne, mis sur pied en 2015, est sensé jouer ce rôle. Sa dernière réunion remonte au mois de mai dernier.  Il ne semble pas carburer. Alors il ne faut pas s’étonner que tout cet ensemble ne délivre pas, conclura le SE.

Abondant, dans le même sens, Kais Sellami évoquera quelques projets restés en suspens tel «X-road», cette plateforme publique qui permettrait l’interopérabilité entre les services administratifs. L’identifiant unique n’a toujours pas trouvé de solution, ajoutera-t-il. Certains préconisant le N° de  la CIN. D’autres, privilégiant le passeport biométrique et la CNAM a déjà mis au point le sien propre. Pareil pour le GEC (Gestion Electronique du Courrier), plus connu sous le nom «zéro papier».

Ce projet de bureau d’ordre de l’administration est également en stand-by. Le SE rappellera, avec une note d’amertume et de sarcasme, qu’en Tunisie quand on démarre un projet on ne tient pas les échéances. Comment en sommes-nous arrivés là?

D’abord la réingénierie des process. Ensuite la digitalisation. Enfin, l’état ‘’start-up’’?

Le débat aura convergé vers un sentiment largement partagé à savoir qu’il faut s’attaquer d’abord à la réforme de l’administration pour calibrer définitivement les prestations au public. Une fois cette question résolue, il sera aisé d’assurer la transversalité de la numérisation des services administratifs.

Mais, par souci d’agilité, comment hiérarchiser les priorités? Les avis diffèrent.

Pour Kais Sellami, il serait bien de procéder à l’extension des services existants. Il préconise, à titre d’exemple, la généralisation du paiement en ligne, des factures STEG et SONEDE ainsi que TT. Et, au plan organisationnel, il voit d’un bon œil, comme sponsorship national, un ministre délégué auprès du chef du gouvernement. Ce  Monsieur IT national garantirait la transversalité.

Karim Koundi, pour sa part, privilégie un DSI national, à la manière de l’agence Smart-gov, qui existe en Inde. Et qui tourne bien, notamment parce qu’elle est dégagée de l’autorité du public et de son éventuelle inertie. Ce serait une urgence selon l’expert de Deloitte.

Le SE n’y voit pas une priorité pour le moment, car il estime que cette structure serait optimale au stade d’une digitalisation avancée.

La controverse à propos de la poursuite du programme ’’ e-Gov’’

Tout ce cafouillage de gouvernance au pays qui a organisé le SMSI, est regrettable. Manquer d’intelligence au plan de la gouvernance est proprement frustrant. Quand on sait que le slogan ‘’ICT 4 All’’ est parti de Tunis et que notre pays était, pour dix ans et ce jusqu’en 2015, responsable de l’agenda IT pour la planète, quel gâchis.

A la question de savoir comment faire le système, les avis divergent. Le privé aimerait voir engagés les gros marchés structurants. Il y a un appel du business et c’est compréhensible.  Le privé a également besoin de références locales ce qui est une clé d’entrée pour opérer à l’international.

Moins ambitieux mais plus pondéré, Habib Debbabi préfère user de ‘’Quick wins’’ pour décoincer la machine à délivrer. Il recommande une politique de petits pas pour avoir, rapidement, des résultats concrets, palpables par l’opinion. A titre d’exemple, permettre qu’avec la CNSS, les changements d’adresse puissent se faire en ligne et que l’historique des affiliés soit disponible, en ligne.

Ces projets ne doivent plus rester dans la tête des ingénieurs, il faut qu’ils touchent les citoyens.

Une fois la machine mise en route, on pourra lancer les projets structurants qui prennent un peu plus de temps.

La démarche aurait plus de cohérence aux yeux des citoyens martèle le SE.

Ce débat aura eu le mérite d’aller vers une conclusion rationnelle. La digitalisation n’est pas qu’un problème technologique mais un changement d’état d’esprit, de méthode de travail, de pédagogie et enfin d’époque. Ce serait bien qu’avant le forum international du mois de novembre, les choses aient avancé au point de pouvoir présenter un plan de Smart gov. Ce serait d’un excellent effet d’appel