Mongi Boughezla, un de nos meilleurs universitaires et économistes du pays, estime qu’une des pistes à explorer en prévision des difficultés que va connaître le service de la dette du pays en 2017 (3,5 milliards de dinars supplémentaires en plus des 4 milliards traditionnels) consiste à opter, l’espace d’une année, pour la planche à billet.
« l’Etat, a-t-il dit, peut continuer à financer son déficit et ses besoins, moyennant une création indirecte de monnaie…. Moi je pense qu’il vaut mieux faire ça plutôt que de s’endetter auprès des institutions internationales d’autant plus qu’on a accès de plus en plus difficile aux ressources étrangères ».
La planche à billet serait un moindre mal
L’économiste, qui participait à un débat sur la situation économique et financière dans le pays organisé par un magazine de la place, “L’Economiste Maghrebébin” a ajouté que le gouvernement « peut continuer à financer cela par l’endettement interne et par l’émission de Bons de Trésor qui vont être récupérés par les banques ce qui va engendrer plus d’inflation. Donc on peut faire un arbitrage entre plus d’inflation, plus d’endettement public interne et un fonctionnement médiocre sans que nécessairement les choses deviennent graves et préoccupantes ».
Et Mongi Boughezala de préciser sa pensée : « Reste à savoir, jusqu’où on peut aller avec l’émission des bons de Trésor, d’abord ce n’est pas vrai dès qu’on commence à vendre de la liquidité c’est la catastrophe . Il faut que les banques disposent de la liquidité. La seule ressource de la liquidité c’est la bonne politique monétaire et la Banque centrale. Donc aujourd’hui, on est devant ce dilemme : en termes de politique monétaire, est ce qu’il faut rester strict, cibler un taux d’inflation faible ou permettre à l’Etat de fonctionner moyennant un taux d’inflation plus élevé.
Si on ne fait pas attention, bien évidemment, cela risque de dégénérer et de déraper complètement. Toutefois, Il y a une marge : on peut cibler 4 ou 5 ou 6% de taux d’inflation, ce qui veut dire que l’Etat pourrait continuer à financer une partie de son budget ».
Améliorer le recouvrement fiscal
La deuxième piste que l’économiste propose est celle d’agir sur le recouvrement fiscal et de lutter contre l’évasion fiscale avec plus de rigueur et d’efficacité.
S’agissant du recouvrement, selon lui, « tout le monde sait que l’impôt sur le revenu les salariés est estimé entre 4 et 5 milliards de dinars alors que les impôts sur les revenus autres que les salaires ne contribuent qu’à hauteur d’un milliard ou un peu plus. Il est donc normal que le reste des revenus contribuent beaucoup plus. Je ne pense pas qu’au bout d’une année on va passer de 1 à 4 milliards de recettes fiscales sur l’impôt prélevé sur les revenus autres que les salaires. Mais essayer de passer de 1 à 2 milliards je pense que c’est un objectif réaliste. Cela suppose dans l’immédiat, surtout des efforts au niveau de l’administration, de gros efforts au niveau de l’amélioration de l’administration fiscale y compris en recrutant. Il y a déjà un petit progrès, J’ai vu les chiffres, on est passé, en 2016, d’un demi milliard à un milliard en termes d’impôt sur le revenu autres que les salaires. Le potentiel est toutefois beaucoup plus important. Il importe de mener un effort en matière de recrutement et d’organisation de campagne d’information de sensibilisation pour encourager les gens à payer leur impôt ».
Concernant l’impôt sur l’entreprise, il y a également un potentiel important. Il y a des entreprise qui réalisent des gains importants et que le moment est venu pour qu’elles fassent un effort pour payer l’impôt.
L’Etat peut se fixer un objectif réaliste, celui de collecter un milliard de dinars de plus chaque année en s’attaquant à des segments de l’informel faciles à atteindre.
Annoncer la mise en route de la réforme fiscale
La troisième piste porte sur l’effort à fournir dans l’immédiat pour mettre à exécution la réforme fiscale. « Je dis ça dans l’immédiat même si cela a des répercussions à moyen et long terme. C’est un message fort à lancer : Le fait que de dire que nous allons commencer à mettre en œuvre une véritable réforme fiscale est rassurant pour l’ensemble des contribuables ».
Concernant le moyen et le long terme, la solution réside dans la reprise des les secteurs exportateurs, particulièrement, le tourisme et le phosphate ».
En accompagnement, de toutes ces propositions, Mongi Boughezal suggère la paix sociale et l’organisation, à cette fin, d’un dialogue social devant aboutir à « un nouveau pacte social ».
L’économie tunisienne n’est pas en crise,elle est en sitution extrêmement difficile
Et pour ne rien oublier, Mongi Boughezala, contrairement aux faux experts qui tiennent des discours sinistroses sur l’économie du pays et disent qu’il y a une crise économique et financière, pense que « la Tunisie n’est pas en crise économique et financière. Elle n’est pas en crise dans le sens précis du terme… Il n’y a pas véritablement une crise économique. Parce qu’une crise par exemple au niveau des dépenses publiques signifie que l’Etat est en cessation de paiement, n’est pas capable d’honorer ses engagements. Etre dans une crise bancaire signifie que des banques ferment leurs guichets, qu’elles ne peuvent pas fournir de liquidités. Etre en crise économique signifie qu’il y a une montée rapide du chômage qui persiste autour du même taux. Etre en crise économique signifie qu’il y a un blocage de l’activité économique qu’il y a tout d’un coup une catastrophe qui fait que l’activité économique est plus ou moins bloquée et est à un niveau alarmant. On n’en est pas là. Etre en crise économique veut dire qu’il y a une crise de la balance des paiements car cela signifie qu’il n’y pas assez de réserves en devises pour financer les importations ou pour payer le service de la dette. Ce qui n’est pas le cas ».
Moralité : « la Tunisie n’est pas en situation de crise mais néanmoins la situation est extrêmement difficile », d’après l’économiste qui ajoute néanmoins cette remarque grave : « Le principal risque qu’encourt la Tunisie est d’aboutir à une crise, notamment, à une crise de la balance des paiements. Nos réserves, aujourd’hui, ne sont pas très faibles mais la situation est telle qu’il y a un risque d’épuisement des réserves en devises étrangères ».