Plusieurs groupes d’études. Quatre ans de travail acharné. Six recommandations majeures. Voilà les données sur lesquelles s’est penchée l’Assemblée mondiale de l’Union internationale des télécommunications.
Les cinq recommandations que les participants venus des quatre coins de la planète ont examinées sont: la D.261, portant sur les principes à appliquer dans la définition des marchés et l’identification des opérateurs en position de force sur un marché (SMP); la D.97, relative aux principes méthodologiques de détermination des tarifs de l’itinérance mobile internationale plus communément appelée Roaming; la D.53, sur les aspects internationaux du service universel des télécommunications; l’UIT-T D.271, relative aux principes de taxation et de comptabilité applicables aux NGN (New Generation Network), Genève; la D.52, sur la création et le raccordement de points d’échange Internet (IXP) régionaux pour réduire les coûts de la connectivité Internet internationale; et la D.52, sur la création et le raccordement de points d’échange Internet (IXP) régionaux pour réduire les coûts de la connectivité Internet internationale.
Comme vous pouvez l’imaginer, les débats pour l’adoption de ces recommandations ont été houleux, ce mardi 25 octobre, entre pays développés (conduits par les Etats-Unis d’Amérique) et pays en voie de développement voire sous-développés, unis et surtout déterminés.
Résultat des courses, les cinq recommandations ont toutes été adoptées par les participants, non sans peine. Et pour y parvenir, il a fallu un sens aigu du président de cette assemblée mondiale, en la personne du Tunisien Mokhtar Mnakri.
En effet, sur toutes les recommandations issues des travaux des différents groupes d’études, les Américains –et les autres représentants des pays développés- ont affiché une farouche opposition, défendant bec et ongles leur position, mais c’était sans compter sur la perspicacité de M. Mnakri qui a tout simplement suggéré leur adoption tout en demandant que leurs réserves soient mentionnées en bonne et due forme dans le document final. Ce qui fut fait. La majorité a remporté cette manche.
IXP, la recommandation redoutée…
Mais parmi ces recommandation, importantes les unes et les autres, l’une mérite qu’on s’y attarde, à savoir la D.52 qui a trait à la création de points d’échange Internet (IXP) régionaux dont l’objectif est de réduire les coûts de la connectivité Internet internationale.
Cette recommandation est considérée par les pays participants comme très importante. Pour comprendre de quoi il s’agit, nous avons eu accès à un document interne de l’UIT qui explique et définit l’IXP, objet de la recommandation UIT-T D.52. Il faut dire que des pays arabes comme l’Egypte, la Jordanie, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite et le Bahreïn, certains pays africains (notamment le Sénégal, la Guinée-Conakry et la Côte d’Ivoire…) et américains (Mexique, Brésil, l’Argentine… ont été particulièrement actifs dans cette fronde des USA contre cette recommandation.
On y lit notamment qu’«Internet étant de plus en plus utilisé comme principal moyen de communication, l’amélioration des services Internet, notamment la diminution des tarifs de l’Internet international, l’amélioration de la qualité de service et le renforcement de l’accès au réseau, sont devenus des priorités essentielles en matière de politique pour les Etats membres et les membres des secteurs de l’UIT».
Ainsi, poursuit le document, «les Etats membres, les régulateurs et les consommateurs des pays en développement se disent toujours préoccupés par le niveau élevé des tarifs perçus pour accéder à l’Internet international, car les fournisseurs de réseau central internationaux (niveau 1) et les fournisseurs de transit Internet (niveau 2) sont opposés à tout changement de la teneur de la Recommandation UIT-T D.50». Ce qui fait que les fournisseurs de services Internet et les opérateurs de réseau mobile de ces pays ne cessent d’assumer l’intégralité des coûts des liaisons Internet internationales et des ports (environ 80% du coût au niveau du marché national des pays en développement) leur permettant d’accéder aux liaisons Internet internationales pour leurs réseaux.
De ce fait, les pays en développement et les pays sous-développés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, compte tenu de la situation actuelle sur le marché de l’Internet international, estiment nécessaire voire vital de trouver des solutions. Ils proposent entre autres comme plan d’action la création des points d’échange Internet (ou IXP –pour Internet Exchange Point) dans les différentes régions du monde.
Cette recommandation «propose des mesures visant à donner aux administrations et aux consommateurs les moyens de tirer parti d’une coopération efficace, afin qu’ils disposent des informations nécessaires pour prendre les mesures réglementaires appropriées, pour identifier des mesures propres à améliorer le fonctionnement du marché et élaborer des propositions de mesures réglementaires, notamment pour abaisser les coûts».
On aura compris qu’il s’agit là d’une demande des pays en développement pour une solidarité des pays avancés à leur égard, en quelque sorte. Mais les Américains n’en veulent pas entendre parler. Et ils l’ont fait savoir: «nous ne les appliquerons pas recommandations», a déclaré le chef de la délégation américaine à cette assemblée.
Ce qui signifie que certes les pays africains, arabes et latino-américains ont gagné une bataille, mais sans doute pas la guerre. Pourtant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que tout le monde est gagnant dans l’affaire. Donc, il ne faudrait pas faire preuve d’égoïsme. Lisez la suite pour s’en convaincre.
Selon la terminologie de l’Union internationale des télécommunications, «un point d’échange Internet (IXP) est une infrastructure de réseau physique unique exploitée par une entité unique dont l’objectif est de faciliter l’échange de trafic Internet. Il sert de plateforme centralisée permettant d’acheminer le trafic local localement et d’économiser la largeur de bande internationale, ce qui se traduit par une diminution du coût global de la connectivité Internet internationale».
A partir de là, le “Groupe de travail N°3“ suggère des des principes à appliquer pour réduire les coûts de l’Internet international.
Et c’est dans ce cadre que l’UIT souligne que “les Etats membres et les autorités nationales de régulation devraient encourager la promotion et l’expansion des réseaux aux niveaux national, sous-régional et régional“.
Pour ce faire, l’organisation onusienne appelle les Etats à trouver des moyens efficaces pour fournir des renseignements détaillés et plus transparents aux fournisseurs de services Internet concernant les points IXP existants aux niveaux national et régional. Elle recommande aussi de favoriser la mise en place d’environnements propices grâce à l’élaboration de cadres politiques et réglementaires sensibilisant les fournisseurs de services Internet à ces questions, au renforcement de la concurrence, à la suppression des obstacles à l’entrée des marchés, à la coordination et à la surveillance, à la tenue de consultations multi-parties prenantes, au partage de connaissances et à l’application de bonnes pratiques.
Ensuite, l’UIT demande les Etats et leurs autorités de régulation à définir le rôle des fournisseurs de services Internet et des opérateurs de réseau mobile dans l’élaboration de projets d’infrastructure nationale et sous-régionale.
Enfin, elle souligne la nécessité d’encourager la mise en place de partenariats public/privé et de commissions consultatives afin de mettre en avant l’importance du programme de développement régional, de créer des synergies stratégiques entre les secteurs public et privé et d’identifier d’autres sources de financement.
Concernant l’interconnexion des points IXP nationaux et régionaux, l’UIT estime que les Etats membres et les autorités nationales de régulation devraient jouer un rôle actif dans la création de points IXP… Une fois mis en place, ces points devraient s’efforcer de maintenir et de mettre à profit la connectivité qu’ils proposent et de contribuer à la réduction des coûts de la connectivité Internet internationale.
Pour y arriver, l’UIT suggère que ses Etats membres mettent à profit les intérêts nationaux et régionaux communs pour créer des points IXP (par exemple la possibilité d’être membre d’une organisation régionale, le développement des échanges, l’accès à des marchés régionaux et internationaux et les possibilités d’investissement).
En outre, l’UIT appelle les Etats à établir des comités IXP nationaux et régionaux compétents chargés d’échanger des informations essentielles comme le niveau de coopération entre exploitants ou revendeurs, les volumes de trafic échangés aux points IXP ou les bonnes pratiques et les stratégies visant à exploiter au mieux une interconnexion rapide et efficace.
Pour finir, il est recommandé aux pays en développement d’encourager les points IXP régionaux à contrôler leur efficacité et leurs incidences et, au besoin, prendre des mesures correctives pour atteindre l’objectif visant à assurer une connectivité Internet internationale financièrement abordable en acheminant le trafic au niveau local.
Maintenant reste à savoir si les pays en développement et sous-développés, ayant “réussi“ l’exploit de s’unir face aux pays avancés –pratiquement sans fausse note-, vont pouvoir aller jusqu’au bout de cette unité pour faire plier les mastodontes de l’Internet. Là le doute est permis, et ce d’autant plus que certains pays ont adopté, lors des débats, une attitude qui a ressemblé à une neutralité coupable. Ils se connaissent, alors pas la peine de les citer. Mais ce serait dommage que tous les efforts fournis au cours des quatre dernières années soient jetés dans la poubelle par opportunisme et manque de courage de certains Etats.
Mais Webmanagercenter vous promet de suivre de près cette affaire, et par conséquent de vous tenir informés, notamment en dénonçant ceux qui auront failli à leur devoir de solidarité…