Qu’est-ce qui contraindrait un Fadhel Abdelkefi, directeur général de «Tunisie Valeurs», directeur associé d’Integra Partners, et ancien président de la Bourse de Tunis, à accepter la responsabilité d’un ministère aussi sensible et aussi im portant que celui du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale en pleine crise économique du pays?
Fort heureusement, le patriotisme n’est pas l’apanage ou la chasse gardée des «militants», opposants ou activistes politiques ou des démunis. Les enfants de la Tunisie portent leur patrie dans leur cœur, et tous, du moins ceux intègres, se sentent investis de la mission de participer à sa reconstruction et son rayonnement y compris les nantis…
Agir avec conviction et efficacité pour mener au mieux sa mission qui est loin d’être aisée, c’est ce qu’ambitionne Mohamed Fadhel Abdelkéfi. Compétent et engagé, calme et pondéré, c’est aussi un challenger décidé à bien gérer le présent pour édifier l’avenir et se projeter dans le futur.
Loin de lui l’idée d’être un rêveur: «Entre l’autoglorification et l’autoflagellation, il y a un juste milieu, et la Tunisie peut beaucoup et doit rester debout».
Interview
WMC : Vous avez déclaré que vous êtes content de voir le code d’investissement voté et adopté par l’ARP bien que vous n’en soyez pas réellement convaincu. Que lui reprochez-vous au juste?
Mohamed Fadhel Abdelkéfi : En préambule, je voudrais quand même indiquer qu’en ce moment, la Tunisie réoriente tous ses efforts et toute son énergie dans l’économique. La phase politique a pris largement du temps et de l’espace dans la sphère publique avec tout ce qui s’en suit comme dynamiques partisanes, débats idéologiques et positionnements stratégiques.
Tous les acteurs et décideurs de la scène politico-économique et sociale s’accordent à dire aujourd’hui que l’économique doit prévaloir et que le sauvetage du pays passe impérativement pas la relance économique. Nous nous y attelons et nous sommes persuadés que si nous voulons focaliser sur l’aspect économique, il faut commencer par “benchmarker“ ce qui se passe autour de nous. Soit des pays qui nous ressemblent à divers niveaux et différents aspects.
La nouvelle loi sur l’investissement a pris beaucoup de temps et mon prédécesseur était lui-même dans la logique de faire mieux et plus. Malheureusement le cadre légal dans notre pays est tellement compliqué que nous n’arrivons pas à mettre en place une loi suffisamment agissante et efficiente pour changer de tout en tout le climat des investissements extérieurs en Tunisie.
S’il m’était donné de décider, dans le respect de la volonté des représentants du peuple et des législateurs, j’aurais osé une liste négative en Tunisie où les IDE n’auront pas voix sur le chapitre. Je m’explique: il faut spécifier les secteurs d’activités et les domaines où les investisseurs étrangers ne peuvent nullement être des parties prenantes.
La liste négative était prévue dans l’ancien code?
Effectivement, cela avait été prévu mais cela n’est plus le cas au bout de 14 mois de discussions et de négociations. Il y a eu quand même des améliorations, nous avons annulé beaucoup d’autorisations qui existaient dans l’ancien code, reste celles relatives au secteur agricole, à l’enseignement supérieur, au commerce, la santé et d’autres secteurs.
La question que nous devons nous poser aujourd’hui lorsque nous parlons des finances publiques en crise est : “qu’est-ce qui peut donner de la croissance? La réponse est évidente: l’investissement local privé et étranger.
Pour attirer les investisseurs étrangers, il faut benchmarker par rapport aux pays voisins, principalement le Maroc et l’Egypte. Ce qui revient à dire accorder les mêmes avantages aux investisseurs, assouplir les procédures, simplifier la vie des investisseurs étrangers et assurer plus d’efficience et de célérité dans la prise de décisions relatives à la réalisation des projets. Et pour toutes ces raisons, nous allons soumettre à l’ARP, pour approbation, la Loi sur l’urgence économique qui viendra compléter la loi sur l’investissement.
Cette nouvelle loi pourrait donner à notre ministère un rôle central dans la gestion des procédures relatives aux projets d’investissement. Nous comptons adopter l’approche baptisée à l’international “one stop shop“ et qui existait du reste dans notre pays, c’est-à-dire avoir une agence qui fonctionne comme guichet unique au sein du ministère et constitue l’interlocuteur unique des investisseurs.
Elle aurait ainsi la latitude -je précise bien dans le respect des lois en vigueur- d’écourter les procédures d’émission des autorisations nécessaires à la réalisation de l’investissement.
Nous comptons aussi adopter le process appelé communément “Fast track“ dont le but est l’accélération des procédures d’examen et d’approbation des projets d’investissements stratégiques. Ceci nous donnera la capacité d’offrir à l’investisseur local et étranger à peu près le retro planning de son investissement en Tunisie, heure par heure et jour pour jour. Chose qui n’est malheureusement pas possible aujourd’hui en Tunisie. Le code des investissements est un pas en avant mais nous comptons faire plus et mieux.
Lorsque vous parlez de “one stop shop“, vous voulez dire que vous comptez vous entourer d’une équipe représentant tous les décideurs publics pour activer la prise de décisions?
Je confirme, le “one stop shop“ -qui est le guichet unique- et le “Fast track“ -qui est la fluidification de la décision et de l’investissement- sont des conditions nécessaires à la relance des investissements.
Deuxième chose, il faut être proactif. Il ne faut pas attendre que les investisseurs viennent par eux-mêmes frapper à nos portes. L’image qu’on véhicule à propos de notre pays n’est pas des plus reluisantes. Elle ne reflète même pas la réalité des choses. D’où la grande responsabilité qui nous revient en tant qu’Etat pour aller chercher les grands brands industriels, les grandes institutions financières internationales pour leur dire: “vous vous trompez sur toute la ligne. Le site Tunisie est le plus compétitif dans la région, il est le plus proche de l’Europe, il est doté, quoiqu’on en dise, d’une logistique appropriée pour le lancement et le développement de projets d’envergure. Il est riche d’un bassin d’emplois des plus fournis en Méditerranée“.
Aujourd’hui un ingénieur nord-africain est devenu aussi cher qu’un autre dans le Nord de la Méditerranée, ce qui n’est pas encore le cas de la Tunisie, sans oublier la compétence, la capacité d’apprentissage et d’adaptation de la main-d’œuvre tunisienne. La Tunisie reste donc un site hautement compétitif.
Et pourtant, quels échos entendons-nous sur la Tunisie? Que du négatif: instabilité politique et sociale et une rive sud de la Méditerranée qui n’est pas des plus sécurisantes, et d’autres clichés négatifs, ce qui est insensé lorsque nous comparons notre pays à d’autres.
Notre rôle à nous et ce que nous voulons à travers la Conférence internationale de l’investissement, c’est de changer cette image, repositionner économiquement la Tunisie dans notre région et dans le monde, et annoncer, par des projets concrets, le comeback de la Tunisie sur la carte des investissements à l’international. Ceci, au bout de 5 ans où tous les Tunisiens étaient préoccupés uniquement par la chose politique. 2.000 entreprises ont fermé leurs portes pendant ce laps de temps dont 500 étrangères, ceci pratiquement dans l’indifférence totale.
Je le dis et redis, la Conférence servira à annoncer que la Tunisie est de retour sur la carte des investissements mondiale et que l’étape que nous traversons aujourd’hui est hautement économique.
Oui, mais pour revenir au code d’investissement, qu’est-ce qui cloche réellement?
Je vais vous donner un petit exemple, celui des franchises. Quelqu’un pourrait vous expliquer comment ça fonctionne aujourd’hui? A chaque fois qu’on pose la question, nous avons des réponses différentes et contradictoires émanant des différents acteurs économiques ou des décideurs politiques. Il va falloir se décider, nous développons ce secteur ou non.
Contrairement au discours ambiant s’élevant contre le développement des franchises. Lorsque nous circulons dans toutes les villes tunisiennes, vous avez nombre de franchises qui sont bien présentes et qui fonctionnent normalement. L’explication est simple, les agents économiques s’adaptent aux situations juridiques complexes. La loi interdit le paiement des royalties; ces royalties sont payées autrement. D’où l’importance de mettre en place les bonnes lois et réglementations, celles garantissant la transparence des démarches et procédures et surtout permettant à l’Etat d’être équitable.
Nous avons décidé qu’il ne fallait pas ramener les brands extérieurs, eh bien, il y a des lois qui permettent d’accorder des licences. Donc, nous traitons au cas par cas, ce qui se traduit dans le dialecte populaire par «wahed sunna w lakher fardh». Alors qu’en réalité, le pays gagnerait à être plus clair sur ce genre de transactions.
Le nouveau code d’investissement offre nombre d’opportunités, mais si l’on veut que l’on s’associe pour, à titre d’exemple, fonder une université libre dans le médical ou le journalisme, il y a une autre loi dans l’enseignement supérieur qui interdit qu’on ait plus de 35% d’étrangers. Ceci même si les investisseurs locaux ont trouvé les meilleurs partenaires au monde pour s’associer à hauteur de 50% avec eux. La vie des affaires est compliquée.
Quelle est d’après vous la responsabilité des uns et des autres dans la reconstruction du tissu économique y compris celle des médias qui ne sont pas forcément dans la valorisation des acquis et la mise en lumière des réussites nationales aussi modestes soient-elles?
Notre pays souffre aujourd’hui d’un grand problème: les Tunisiens ne croient plus en eux-mêmes, en leurs capacités à assurer et à s’en sortir haut la main. Loin de moi l’idée de l’autoglorification, mais entre l’autoglorification et l’autoflagellation, la vérité doit être quelque part au milieu.
“Notre pays souffre d’un grand problème: les Tunisiens ne croient plus en eux-mêmes, en leurs capacités à assurer et à s’en sortir haut la main“.
Aujourd’hui, concrètement et sur certains produits, notre pays est plus compétitif que la Chine, c’est le pays qui produit le plus grand nombre d’ingénieurs bien formés. Nous sommes beaucoup plus compétitifs que nos concurrents directs. Nous sommes le pays le plus proche de l’Europe avec un accord de libre-échange et un statut de partenaire avancé. Un accord qui peut être même utilisé par des Asiatiques.
Comparativement à d’autres pays, la Tunisie offre une infrastructure de qualité, quoiqu’on dise, sans parler de la profondeur de notre bassin de l’emploi qui offre les meilleures compétences et qualifications à des prix très concurrentiels. Il faut positiver, arrêtons de nous auto-flageller! Il faut remettre du baume au cœur, il faut croire en nous et en notre capacité à réaliser des taux de croissance plus importants que ceux prévus.
C’est bien beau tout cela, mais qu’en est-il du climat d’affaires?
Il faut commencer par l’assainissement politique en s’engageant à convaincre notre peuple et nos partenaires de l’importance et de la perspicacité du choix de formation d’un gouvernement d’union nationale pour la stabilité politique du pays. Tous les partenaires politiques signataires de l’Accord de Carthage sont officiellement engagés dans la remise sur les rails du pays. Pour moi, c’est ce qui importe, je refuse d’entrer dans les polémiques existantes entre les différents partis, mon but est de faire en sorte que cela marche et que le processus avance dans le bon sens.
“Les frontières libyennes ne sont pas très loin des îles italiennes. Il faut que l’Occident soit conscient de l’importance du sauvetage du soldat tunisien…“
Sur le plan sécuritaire, les avancées sont très importantes, nos forces de sécurité et notre armée assument et assurent.
Les frontières libyennes ne sont pas très loin des îles italiennes. Il faut que l’Occident soit conscient de l’importance du sauvetage du “soldat tunisien“ non seulement pour notre sécurité à nous mais pour que cela ne déborde pas sur nos partenaires européens ou occidentaux desquels nous sommes très proches.
Que demandez-vous à vos partenaires justement ?
Je ne suis pas dans la logique de la mendicité, loin de là. Nous ne voulons pas de dons, nous sollicitons une implication économique beaucoup plus forte et concrète sur le plan macroéconomique, ce qui se traduit par des appuis budgétaires beaucoup plus substantiels. Nous sommes encore en train de débattre avec le FMI de l’appui qu’il peut nous apporter.
“Je ne suis pas dans la logique de la mendicité. Nous ne voulons pas de dons, nous sollicitons une implication économique beaucoup plus forte et concrète sur le plan macroéconomique…“
Madame Christine Lagarde nous appuie et exprime clairement sa volonté d’aider la Tunisie. Par contre, dès que nous commençons à négocier avec les technocrates, il y a une autre logique qu’on nous impose et on remet sur les tapis les réformes, les conditions d’octroi des prêts, etc.
Si Christine Lagarde approuve, qu’est-ce qui empêche ses collaborateurs de traduire une décision politique par des appuis concrets?
C’est ce que nous voulons. Nous voulons transformer le capital sympathie politique en un bonus économique; et comme je vous l’ai dit un peu plus haut, sans demander de dons. Nous invitons nos partenaires à encourager les grandes entreprises à venir en Tunisie et à s’y implanter, il faut encourager les grandes multinationales à s’implanter chez nous.
Nous oublions de rappeler que nous en avons et c’est dommage car nous nous situons toujours dans la logique de l’autoflagellation. Nous ne parlons pas d’Airbus et du centre pilote en aéronautique qui existe en Tunisie, ni des grandes marques des constructeurs automobiles qui sont chez nous. Nous avons 270 fabricants de composants automobiles.
Le problème est quand même que les industriels tunisiens, locomotives de ces activités à haute valeur ajoutée telle les composants automobiles et l’aéronautique, se sentent orphelins. Ils ont l’impression qu’il n’y a pas un Etat qui les soutient. Puis, pour la Conférence internationale sur l’investissement, quel est votre positionnement?
Pour ce qui est de la Conférence, je tiens à préciser qu’à mon arrivée ici, j’ai trouvé que le ministère des Affaires étrangères a déjà démarré la campagne de lobbying, des invitations ont été envoyées à des têtes couronnées, des chefs d’Etat, des Premiers ministres, c’est très bien, nous avons besoin d’un appui politique. Ceci est bien entendu impératif mais pas suffisant. Ce dont nous avons besoin est que des décideurs viennent en Tunisie pour étudier de près les offres tunisiennes et décider illico presto. Une panoplie de projets sera soumise aux investisseurs nationaux et internationaux. Des projets publics et parapublics et des PPP.
“Ce dont nous avons besoin… c’est que des décideurs viennent en Tunisie pour étudier de près les offres tunisiennes et décider illico presto…“
Quels sont les projets en lice à l’occasion de la conférence?
Les plus importants sont les projets publics qui seront financés par les investisseurs selon la formule britannique consacrée “Business as usual“. Ceux qui peuvent être financés par la Banque mondiale, AFD, FMO, KFW, ce sont des mastodontes qui savent financer de grands travaux d’infrastructures, tels les routes, autoroutes, ponts, hôpitaux, et qui seront réalisés par des firmes tunisiennes qui sont extrêmement performantes.
Dans le PPP, il y aura une autre catégorie d’investisseurs, ensuite il y a les projets privés. Si nous invitons 1.000 opérateurs privés décideurs économiques de par le monde, c’est bien pour les mettre en contact avec des acteurs privés tunisiens pour plancher sur des projets en commun.
Aujourd’hui, des fonds d’investissement aussi importants qu’Actis, Abraaj ou BlackRock investissent et sont prêts à investir encore plus. Peu de personnes le savent et nous n’avons pas assez communiqué sur cela. Tout cela pour dire que la Tunisie porte en elle de grands espoirs, la Tunisie a une grande capacité de rebond.
“La Tunisie porte en elle de grands espoirs, la Tunisie a une grande capacité de rebond. Nous avons eu 5 années difficiles, sans phosphate et sans tourisme…“.
Nous avons eu 5 années difficiles sans phosphate et quasiment sans tourisme. 5 années presque sans investissements avec des troubles au niveau de la production. Et 5 années difficiles dans le secteur agricole malgré une bonne récolte d’huile d’olive, nous avons résisté.
“Si nous retrouvons un rythme de production et un retour moyen d’investissement, si nous réussissons à intéresser de grands noms d’investisseurs internationaux à notre pays, nous aurons la possibilité de transformer le cycle vicieux en un cycle vertueux“.
Aujourd’hui, si nous retrouvons un rythme de production et un retour moyen d’investissement, si nous réussissons à intéresser de grands noms d’investisseurs internationaux à notre pays, nous aurons la possibilité de transformer le cycle vicieux en un cycle vertueux. Il faut que les appréciations changent. Les Anglais parlent de “refering“, il s’agit en fait des références, c’est quand un investisseur est satisfait de ses réalisations en Tunisie et qu’il en parle à ses homologues.
Le rôle des médias est central dans le rétablissement de la confiance et la valorisation du site Tunisie. Qu’en pensez-vous?
Ça n’aide pas du tout de dire que tout ce que nous faisons est mauvais, que les Tunisiens ne veulent pas travailler, que l’instabilité règne, que la logistique est en mauvais état, etc. Il faut éviter les extrêmes, la vérité est toujours au milieu. Il faut capitaliser sur les acquis: une transition démocratique qui avance tant bien que mal, un chef de gouvernement âgé de 41 ans entouré d’un cabinet solidaire, des routes qui commencent à être nettoyées, des problèmes résolus pour des investisseurs étrangers et qui traînaient depuis plusieurs mois, c’est positif.
In fine, le plus important est de savoir que le site Tunisie est le site le plus compétitif de la rive Sud de la Méditerranée. Si nous avons des filières entières de composants automobiles et d’autres en aéronautique et en textile, cela veut dire que nous sommes extrêmement compétitifs. Il y a même des investisseurs qui sont partis et qui commencent à revenir petit à petit.
Il faut que les médias soient une partie prenante dans la valorisation de l’image du pays, critiquer, oui, mais pas gratuitement et pas aux dépens de notre patrie à tous.
Quelles sont les conditions de réussite pour le site Tunisie d’après vous?
Trois préalables: stabilité politique, sécuritaire et sociale. C’est magnifique si on pouvait avoir cela. La Tunisie peut être un grand capteur d’IDE. Puis il y a les investisseurs nationaux avec lesquels nous nous sommes réunis au tout début de notre mission et auxquels nous avons transmis un message clair: c’est à vous de prendre le flambeau de l’investissement.
Depuis, il y a eu beaucoup de retour et pas un jour ne passe dans mon ministère sans qu’il y ait des rencontres avec les nationaux. Bien que, eux-mêmes, soient bloqués par la complexité des réglementations, tels le déclassement des terrains et l’absence d’infrastructures de base, etc.
Nous traitons au cas par cas, et pendant la conférence nationale, il y aura des annonces d’investissement par le secteur privé tunisien.
Comment comptez-vous, en tant qu’Etat, récupérer les groupes d’investisseurs qui préfèrent s’adosser aux partis politiques pour régler leurs problèmes? Que faire appel aux institutions légitimes de l’Etat?
Notre gouvernement compte bien assurer ce rôle. Il est le seul vis-à-vis des investisseurs et son rôle est de préserver les intérêts du pays et a fortiori ceux des investisseurs et créateurs de richesses et d’emplois. Et là, je distingue entre affairistes et opérateurs privés. Aujourd’hui, nous recevons les capitaines d’industrie, nous écoutons leurs doléances, nous nous efforçons de résoudre leurs problèmes et d’écourter leurs attentes.
Notre ministère a pour principal rôle de mettre fin aux entraves rencontrées par les investisseurs. Pas un jour ne passe sans que j’appelle des collègues partout dans le cabinet du chef du gouvernement ou des secrétaires d’Etat pour débloquer une situation, pour avoir des réponses à tel ou tel problème, et c’est notre rôle. Il faut que le ministère de l’Investissement, de la Coopération et du Développement soit perçu comme un ministère qui est là pour recevoir, assurer le suivi des projets en cours et solutionner les problèmes rencontrés par les investisseurs.
Le deal est simple: nous encourageons les investissements, nous produisons des richesses, nous avons de la croissance, nous créons des emplois et le bassin de l’emploi dans notre pays est très fourni. Celui qui opère dans l’aéronautique peut disposer d’une main-d’œuvre, allant de l’ouvrier qualifié jusqu’à l’ingénieur spécialisé dans l’aéronautique. Très peu de pays dans la région peuvent offrir ces avantages à ce prix-là.
Arrêtons donc cette autodestruction, positivons, notre pays, notre peuple, nos travailleurs, nos investisseurs le méritent bien. Ce que la Tunisie a réalisé depuis l’indépendance, personne d’autre ne l’a fait. Il y a des opportunités réelles que nous devons saisir. La valeur de la monnaie a baissé donc nous sommes devenus plus compétitifs, nous préparons notre retour sur la scène internationale des investissements et nous avons le droit et le devoir d’applaudir cela.
Et avec la centrale syndicale, comment cela se passe dans la perspective de la préparation de la Conférence internationale sur l’investissement?
La centrale syndicale est patriote et j’ai confiance en ses qualités d’appréciation de la réalité des choses dans le pays, chiffres à l’appui. J’ai aussi confiance en la perspicacité et la clairvoyance de ses experts. Je pense que c’est notre alliée et elle est consciente de la délicatesse de la situation.
L’UGTT fera ce qu’il faut pour préserver le pays. La Tunisie est une exception et tout le monde en est conscient. La Tunisie mérite qu’on la soutienne, mais il faut que la volonté politique internationale y soit. Il est temps que le monde comprenne que sauver la Tunisie est se sauver soi-même.
En ce qui nous concerne, nous nous attelons corps et âme à la réédification de notre pays et nous en sommes capables. Préserver la Tunisie, c’est aussi préserver les frontières sud de l’Europe.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali