S’il n’admet pas encore officiellement que Nidaa Tounes est déjà mort et enterré, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, agit comme si c’était déjà le cas.
En effet, on ne peut pas expliquer autrement les manœuvres entreprises depuis quelques semaines par le Palais en vue de susciter la naissance d’une nouvelle entité politique destinée à remplir le vide que laisserait la disparition suite à sa dislocation du parti présidentiel. Vide bien sûr inadmissible, insupportable et inacceptable pour Caïd Essebsi, car son principal résultat serait de le priver d’un «véhicule» et d’un bouclier politique et, par conséquent, de l’affaiblir ainsi que le chef du gouvernement dans leur relation avec Ennahdha.
Pour éviter cela, le locataire du Palais de Carthage aurait-il l’intention de réunir au sein de cette nouvelle formation des composantes politiques venant d’horizons divers? Donc, de faire un «remake» de Nidaa Tounes. Le cas échéant, la réussite d’une initiative est loin d’être garantie, pour deux raisons au moins.
D’abord, ainsi que l’expérience de l’actuel parti présidentiel agonisant l’a démontré, il n’est guère aisé de fédérer des familles politiques d’origines diverses et, parfois, aux antipodes les unes des autres. Surtout si, encore une fois comme dans le cas de Nidaa Tounes, aucun travail en profondeur n’est entrepris afin de créer des valeurs et une culture communes transcendant celles originelles des diverses composantes du nouvel ensemble à créer.
Et à supposer que le chef de l’Etat et ses conseilleurs aient aujourd’hui en tête d’entreprendre un tel travail de synthèse, ils n’en auront guère le temps et le loisir. Car les échéances politiques arrivent à grands pas: les élections municipales c’est, a priori, dans un an au maximum, et les législatives et présidentielles deux ans plus tard, en 2019. C’est-à-dire qu’à peine sortis du premier scrutin, les partis politiques entameront dans la foulée leurs préparatifs pour les deux autres. Ce que seule une formation politique accomplie, bien structurée et sur ses jambes pourra faire.
Ensuite, va se poser encore une fois le problème de la place et du rôle du fils du président, Hafedh Caïd Essebsi, dans la nouvelle entité politique. En l’absence de la moindre indication contraire, on imagine que HCE va être «implanté» au sein du nouveau parti ou front politique dont la construction serait envisagée. Ce qui revient à l’exposer aux mêmes problèmes auxquels Nidaa Tounes s’est trouvé confronté et qui vont tôt ou tard causer sa perte. Car rare seraient les personnalités politiques à accepter qu’on s’entête en haut lieu à vouloir réserver à «M. Fils» le traitement de faveur auquel il a eu droit au sein de l’actuel parti présidentiel et à faire de lui le chef incontesté, sans passer par l’épreuve probatoire des urnes.
Bref, la même cause finira par produire le même effet, et le nouveau parti ou front se retrouvera dans un an ou un peu plus dans la même situation que Nidaa Tounes aujourd’hui. Au bord de l’implosion.
Moncef Mahroug