Entrée dans l’histoire –et, pour certains, qui ne veulent plus en entendre parler, tombée aux oubliettes-, depuis l’élection de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), en novembre 2014, l’Assemblée nationale constituante (ANC) refait surface deux ans après. Elle le fait à travers l’initiative d’une bonne douzaine de ses députés qui se sont regroupés pour créer une Association des députés constituants (ADC).
Se présentant comme les «fondateurs de la IIème République» décidés à œuvrer à «la protection de la Constitution, l’application de ses dispositions et la sauvegarde du régime républicain», les membres de l’ADC se sont pour cela fixé quatre objectifs: «soutenir les institutions de l’Etat dans l’application de la Constitution et le respect de ses dispositions», «consulter et faire participer les députés constituants dans les activités législatives et constitutionnelles», «sauvegarder le patrimoine de l’Assemblée nationale constituante», et «renforcer la solidarité entre les députés constituants et protéger leurs droits moraux et matériels».
Sur les 13 fondateurs de cette association, 4 appartiennent au mouvement Ennahdha. Il s’agit en l’occurrence de Souad Abderrahim, l’ancien député et ministre de la Femme (présidente), Néjib Mrad (secrétaire général adjoint), Monia Gasri (…) et Kamel Ben Amara, membres.
Les 9 autres sont membres de formations politiques ayant fait partie de la Troïka ou en étaient proches. C’est le cas de Abdelwaheb Maatar (Congrès Pour la République (CPR), vice-président, de Larbi Abid et Mohamed Habib Harguem (Collectif …., Ettakatol), membres tous les deux. L’Alliance démocratique est, elle aussi, représentée par deux de ses membres: Chokri Kastalli (secrétaire général) et Najla Bouriel (trésorière adjointe).
Les autres responsables et membres de l’ADC viennent de la «Transition démocratique» (Abderrazak Khallouli, trésorier) Tarek Bouaziz (membre), et Moez Kamoun (membre). Le dernier membre, et pas des moindres, n’appartient actuellement à aucune formation politique après avoir fait partie du Parti Démocratique Progressiste (PDP), à savoir Mohamed Nejim Gharsalli, ancien ministre de l’Intérieur et actuel ambassadeur de Tunisie à Rabat.
Au vu du libellé de la mission qu’ils se sont donnés, les membres de l’ADC n’entendent pas se cantonner dans un rôle de gardien de la mémoire et du passé. Bien au contraire, ils entendent visiblement s’impliquer dans la bataille –qui commence à peine- ayant pour enjeu la Constitution.
On le sait, certaines forces politiques poussent depuis –voire bien avant- l’adoption de la nouvelle Constitution à sa réforme en vue de faire sortir la Tunisie du régime semi-parlementaire que les Constituants lui ont choisi pour la ramener sous un régime présidentiel, voire présidentialiste. Le chef de file de ce mouvement n’est autre que le président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui, guère disposé à se satisfaire du rôle secondaire –en comparaison avec le chef du gouvernement- que la nouvelle Constitution lui a taillé, fait tout depuis son entrée en fonction pour élargir ses prérogatives.
Ennahdha, qui ne l’entend pas de cette oreille, ne semble guère disposée à laisser transgresser les dispositions de la Constitution et encore moins à donner sa bénédiction à sa réforme. Certes, le président du parti islamiste n’a à ce jour jamais fait la moindre déclaration à ce sujet, probablement pour ne pas brouiller ses relations avec Béji Caïd Essebsi en le heurtant de front. Mais des députés de son parti s’en sont chargés en appelant le nouveau chef du gouvernement Youssef Chahed, lors de son passage devant l’ARP le 26 août dernier, à tout faire pour protéger la Constitution et éviter le retour du pays sous un régime présidentiel.
La création de l’ADC marque peut-être une escalade dans l’opposition aux manœuvres du président de la République en vue de gommer la Constitution de janvier 2014.
Moncef Mahroug