Parmi les articles les plus redoutés par les réfractaires au fisc, figure en bonne place l’article qui donne, dans le cadre du projet de la loi de finances 2017, aux recettes fiscales l’exclusivité d’enregistrer les actes de vente et d’achat de biens immobiliers.
Officiellement, une telle disposition va permettre à l’administration fiscale de contrôler le secteur de l’immobilier et d’avoir à l’œil les transactions qui s’y effectuent.
Pour mémoire, de nombreuses déclarations de soupçons de corruption ont été diffusées par la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF). Cette institution, relevant de la BCT (Banque centrale de Tunisie), a, entre autres pour mission, de diffuser des déclarations de soupçons (DS) à l’endroit des personnes assujetties à ces DS dont «celles qui préparent ou réalisent des opérations ou transactions financières portant sur l’achat ou la vente de biens immobiliers ou de fonds de commerce…».
Immobilier et blanchiment de l’argent
Seulement, au regard de la lenteur de la justice tunisienne, ces DS de la CTAF transmises à la justice depuis 2011 n’ont pas fait l’objet de suivi. C’est ce qui explique cette décision de l’administration fiscale d’assumer ses responsabilités et de contrôler directement le secteur de l’immobilier qui serait privilégié par des les blanchisseurs d’argent. Ces malfrats exploitent des lacunes légales pour blanchir de l’argent sale.
En Tunisie, lorsque qu’un citoyen verse plus de 10.000 dinars sur un compte, il doit fournir, en principe, des indications précises sur l’origine de son argent. Mais lorsque quelqu’un acquiert un bien immobilier avec de grosses sommes payées en argent liquide, il n’a rien à prouver.
C’est ce qui expliquerait la prolifération des appartements standing avec piscine dont le prix peut facilement atteindre le million de dinars, une somme modique pour les blanchisseurs d’argent.
Cet article de la LF 2017 tombe à point nommé en ce sens où il intervient après la récente décision du gouvernement d’autoriser les Algériens et les Libyens à acquérir des biens immobiliers en Tunisie. C’est pourquoi, dans la perspective d’empêcher l’exploitation de cette nouvelle piste pour blanchir sans aucun contrôle l’argent sale dans l’immobilier, il peut constituer un outil dissuasif.
C’est hélas une lapalissade: le versement de sommes exorbitantes et la spéculation sont choses courantes dans le secteur de l’immobilier en Tunisie. D’où l’enjeu d’aller plus loin que cet article et de reconnaître, dans des lois encore plus claires, que le blanchiment d’argent dans ce secteur relève du domaine de la criminalité économique et présente le désavantage de se modifier sans cesse.
Les criminels sont toujours en quête de nouvelles occasions et niches pour s’y faufiler. Cet engouement pour l’immobilier s’explique pour sa rentabilité certaine.
L’immobilier, un placement sûr et rentable
Ainsi, contrairement au marché financier, l’immobilier représente un marché sûr. Pour les experts, le marché immobilier représente, pour les blanchisseurs, d’importants avantages: sécurité de l’investissement, instrument de spéculation, absence de prix-cadre objectif, flux d’argent élevés «normaux», investissement lucratif par l’obtention de revenus «blancs» (loyers), indications officielles lacunaires sur les propriétaires…
Quant aux milieux immobiliers locaux, entendre par-là les promoteurs immobiliers, il s’agit de toute évidence d’une aubaine qui va leur permettre de vendre au prix fort et en devises leur excédent d’appartements. Il s’agit également d’un bon signe pour la relance des mégaprojets touristico-immobiliers comme “Tunis sport city“ (Berges du lac nord de Tunis) du magnat émiratii Boukhater, et de la future ville “Port financier de Tunis“ du holding Sama Dubai, à Raoued.
Espérons simplement que les devises à acquérir transiteront par le canal de la BCT.
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