L’Assemblée des représentants du peuple (APR) a adopté, dans la soirée du lundi 21 novembre, le projet de budget du ministère des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l’Homme au titre de l’année 2017 avec 88 voix pour, 4 contre et 4 abstentions.
Le budget du ministère est estimé à 3,429 millions dinars (soit 3,304 MDT pour les dépenses de fonctionnement et 125.000 dinars pour le développement).
Les interventions des députés ont porté notamment sur la nécessité d’amender le décret régissant les associations, le contrôle du financement étranger des composantes de la société civile (associations et partis), le rôle réel du ministère dont la mission interfère avec les services de la présidence du gouvernement et sa responsabilité dans la consolidation de l’économie solidaire.
Le député Ameur Ariadh (Ennahdha) et Mabrouk Lahrizi (Mouvement Tunisie Volonté) ont exprimé leur soutien au développement des associations en Tunisie après la révolution, estimant qu’ils constituent un indice de la vitalité de la société tunisienne et sa volonté de prendre part aux affaires publiques.
Multiplication du nombre d’associations…
Néanmoins, Lahrizi s’est interrogé sur les raisons de la phobie à l’égard de la multiplication du nombre des associations et les “limitations du financement interne de certaines d’entre sans déterminer des critères du financement étranger qui constitue une grande problématique et une source de déferlement des capitaux inconnus en l’absence d’outils de contrôle efficaces”.
De son côté, Lamia Melayeh (Nidaa Tounes) s’est prononcée pour “l’identification de la situation des associations en Tunisie et de leurs sources de financement, notamment le financement étranger ainsi que l’élaboration d’une liste d’associations hors la loi”.
La députée Mahbouba Ben Dhifallah (Ennahdah) a mis “en garde contre l’existence d’associations à caractère confessionnel qui provoquent la sédition et la division du peuple en l’absence de contrôle”.
Salem Laabiadh (Mouvement du Peuple) a estimé que “le décret régissant les associations est à l’origine de l’affluence des jeunes tunisiens dans les zones de tension et des formations terroristes à cause de l’absence d’outils de contrôle sur les activités et le financement des associations”. Selon lui, “certaines associations ont bénéficié de financement substantiel par le biais des institutions étatiques qui ont traité avec elles avec opportunisme”.
Soulevant la question de la loi des partis, Zouheir Maghzaoui (Mouvement du Peuple) a estimé qu’elle “doit être impérativement révisée, notamment pour ce qui est du financement, après le déferlement de l’argent politique inconnu lors des dernières élections”, appelant le ministère de tutelle “à soumettre le plus tôt possible à l’assemblée des représentants du peuple une nouvelle vision de cette loi”.
Samah Bouhaouel (Mouvement Machrouu Tounes) a soulevé “l’ambiguïté qui marque le champ d’action et les outils de travail du ministère” et s’est interrogée sur “les raisons du retard des projets de loi parachevant les instances constitutionnelles”.
Répondant aux interventions des députés, Mehdi Ben Gharbia, ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l’Homme, précise que le contrôle des associations relève des attributions du secrétariat général de la présidence du gouvernement, le rôle de son département consistant à trouver les mécanismes de communication entre les deux parties.
“Le ministère a pris l’initiative de lancer des consultations pour amender le décret régissant les associations tendant à conserver un caractère de liberté du décret tout en limitant les entraves à la constitution des associations et mettant en place des outils de contrôle favorisant la transparence, au niveau des activités et du financement”, a-t-il ajouté.
Pour le ministre, “l’acceptation ou non du financement étranger doit faire l’objet d’un débat et de concertations qui se fera en associant tous les protagonistes pour consolider la société civile qui a joué un grand rôle dans la préservation du processus de transition démocratique en Tunisie”.
Manque de moyens…
Mehdi Ben Gharbi a reconnu que son département “n’a pas les moyens matériels suffisants pour contrôler le nombre considérable d’associations exerçant en Tunisie”, soulignant que “157 associations ont été classées comme organisations terroristes”, alors que 84 avertissements ont été adressés à des associations, des demandes de dissolution de 74 autres associations ont été transmises à la justice, 77 ont été suspendues et 3 associations ont été dissoutes. Deux autres associations ont été dissoutes en raison de leur financement étranger, a-t-il précisé.
Financement des partis politiques
Au sujet de la loi sur les partis, le ministre a souligné que “la question du financement public doit être tranchée dans un débat qui aboutira à une vision commune de la vie partisane en Tunisie”.
Il a rappelé que les tâches du ministère consistent à traduire dans les faits la Constitution de la deuxième république en instaurant les instances constitutionnelles, facilitant la relation entre ces instances et le gouvernement, organisant le cadre légal de la vie publique en Tunisie et consacrant les droits et libertés en collaboration avec les ministères concernés, selon une approche respectant la constitution et les conventions internationales.
“Le ministère exposera dans les deux prochaines semaines le projet de loi de l’instance de lutte contre la corruption et la bonne gouvernance qui permettra à celle-ci de disposer de tous les outils de lutte contre la corruption, un des engagements pris par le gouvernement d’union nationale”, a-t-il annoncé.
Il a révélé d’autre part que son département a avancé dans la préparation du projet de loi de l’instance du développement durable.
Lutte contre la torture…
Au sujet de l’instance de lutte contre la torture, Ben Gharbia a indiqué que le gouvernement “a mis en place le siège et les équipements et mobilisé une avance de 200 mille dinars, précisant que le budget incomplet est dû au retard de mise en place des textes réglementaires de l’instance.
Révision des décrets-lois 115 et 116…
Le ministre a rappelé, d’autre part, que le département de tutelle œuvre, dans le cadre de la réglementation de la vie publique en Tunisie, à revoir les décrets 115 et 116 régissant la presse, la diffusion et l’audio-visuel, les législations portant sur les libertés, outre la lutte contre le terrorisme, en cherchant une plateforme infiltrant l’espace virtuel, afin de diffuser le discours de tolérance pour contre carrer le discours de la violence et soutenir l’effort sécuritaire et des renseignements. Un montant de 1 million de dinars a été alloué à ce programme.
Economie solidaire…
Soulevant la question de l’économie solidaire, notamment le dossier de Jemna, Mehdi Ben Gharbia s’est déclaré favorable pour tirer profit des expériences comparables, à condition de respecter la loi, affirmant que des associations peuvent avoir un caractère lucratif et employer des personnes tout en étant assurées.
Répondant à une question sur l’Instance Vérité et Dignité, le ministre a souligné qu’elle est indépendante, que le gouvernement soutient le processus de la justice transitionnelle et a mis à sa disposition l’espace Alyssa pour accueillir les audiences publiques et écouter le témoignage des victimes des violations, souhaitant qu’elles “constituent une occasion pour une réconciliation des Tunisiens avec leur histoire”.
Les droits de l’Homme enseignés à l’école…
Il a par ailleurs confirmé que son département envisage d’inclure les droits de l’Homme comme matière d’enseignement en éducation civile et que cette question sera débattue avec le ministre de l’éducation.
Et les personnes fichées…
Concernant des personnes fichées, Mehdi Ben Gharbia a indiqué que son département a été chargé de traiter ce dossier cas par cas et a organisé des séances d’audition de ces personnes durant un mois. Le ministère a vérifié ces dossiers aussi avec le département de l’intérieur, a-t-il fait savoir, et qu’une nouvelle séance d’audition est prévue cette semaine avant de transmettre un rapport à la présidence du gouvernement sur les priorités au travail de ces personnes.