«Ya Jalloul, ya Boussal3a, yal3an bouk fi ha al Tal3a» (Oh Jalloul, au front dégarni, que ton père soit maudit pour ce que tu as fait). Ce slogan est décrié par les élèves d’une école primaire devant le ministère de l’Education nationale! Cauchemardesque!
C’est à nous rendre nostalgiques d’une autre époque. Après tout, il y avait un Etat, les institutions étaient honorées, les valeurs -même si nous réalisons qu’elles étaient factices- étaient respectées et les règles hiérarchiques étaient appliquées.
La culture démocratique, censée nous permettre de nous épanouir dans la liberté et la tolérance, est devenue une malédiction dans un pays où ceux qui dispensent le savoir font le chantage au suicide n’ayant pas cure de la répercussion de leurs actes sur leurs élèves, ou encore insultent le ministre de l’Education nationale sur la place publique.
Quels beaux exemples offrent-ils à leurs élèves! Pauvre Ahmed Chawki qui pensait vraiment ce qu’il disait dans son célèbre vers: « قم للمعلم وفِّه التبجيلا كاد المعلم أن يكون رسولا ». (Lève-toi devant ton maître et exprime lui ta profonde estime, ton maître aurait pu être un prophète).
En guise de prophéties, nous assistons aux plus catastrophiques aujourd’hui: perte de valeurs, de repères dans l’absence d’un Etat infiltré de toutes parts et d’un leadership, en partie vendu et corrompu, plus soucieux de lui-même que de la destinée du pays.
Confie l’éducation à un parti «… non républicain»?
Et c’est dans un contexte aussi désolant que nous voyons aujourd’hui des élèves s’adonner à un droit constitutionnalisé (sic) celui de la grève, boycotter les examens et descendre dans les rues. Parmi eux, il y en a qui ont assuré que certains directeurs et même enseignants les ont encouragés à déclencher la grève pour se débarrasser d’un ministre lequel, semble-t-il, est devenue trop gênant pour eux.
Les inquiets préféreraient, peut-être, que le ministère de l’Education revienne à un parti auquel ne sied pas le modèle sociétal républicain et moderniste et qui aurait déjà préparé un candidat. D’autres, syndicalistes, semble-t-il, ne peuvent se résoudre à voir leur pouvoir colossal se rétrécir alors que l’Etat commence à reprendre tout doucement ses droits.
Les victimes? Ce sont les élèves proies de la manipulation et la perversion morale et idéologique de personnes censées leur apprendre les valeurs et les initier au statut de citoyens honnêtes et respectueux de la loi et des institutions!
Et pourtant, le ministère a cédé! Les élèves qui avaient revendiqué l’option de la note supérieure pour ceux qui ont passé deux devoirs de synthèses ont eu une réponse positive à leur demande. Quant à ceux qui n’ont passé qu’un seul devoir, cela se gérerait entre professeurs et élèves. Entre temps, les professeurs auraient opposé un niet définitif pour ce qui est de refaire les devoirs et ceci sur ordre des syndicats, de source digne de foi au ministère de l’Education.
Réformer pour améliorer…
Pour Sana Fathalla, inspectrice au ministère de l’Education nationale, tous ces mouvements contestataires au sein des établissements scolaires ne seront pas aussi innocents que cela: «La réforme est bénéfique pour améliorer la qualité de notre enseignement. Il est vrai que nous aurions pu attendre encore une année avant de la lancer mais toujours est-il qu’elle ne lèse pas nos collégiens et nos lycéens. Il faut préciser que les devoirs de synthèse sont étalés sur la période allant du 12 décembre au 5 janvier. Les élèves ont donc largement le temps de s’y préparer et, généralement, c’est un examen par jour, rares sont les fois où ils passent 2 examens le même jour».
Malek, lycéenne, estime que c’est trop pour elle: «Trop de devoirs. Plus d’une trentaine en 5 semaines. Nous sommes le pur produit de l’école de base. On aurait peut-être pu poursuivre nos études suivant l’ancien système auquel nous sommes familiarisés. La réforme aurait pu démarrer avec les premières classes pour nous épargner un réapprentissage de bout en bout de notre manière d’étudier. On nous demande de comprendre et d’assimiler les connaissances et de les traiter à notre manière. Ensuite, on exige de nous d’apprendre par cœur nos cours et de rendre tels quels lors des examens, puis nos professeurs nous le reprochent. Nous n’y comprenons plus rien. En un mot, nous nous sentons perdus d’autant plus qu’il n’y a aucun soutien pédagogique dans les institutions scolaires dans notre pays».
Pour Malek, il est révoltant que le directeur de son lycée auquel elle a soumis une requête qui comprenait les revendications des élèves l’ait déchirée juste après qu’elle est sortie de son bureau. «Je le sais parce que mon ami qui venait juste d’entrer après moi l’a vu le faire. Pour moi, c’est un acte méprisant envers nous».
Des communiqués à connotation politique
A Gabès, les choses ne se passent pas de la même manière, le mouvement contestataire est plus organisé. Et pour preuve, un communiqué à connotation politique a été diffusé (voir copie) où il était question de rats de laboratoires (resic) et dans lequel on adoptait un langage qui «crachait» du venin hautement partisan et idéologique qui ne peut en aucun cas être le produit des élèves qui n’ont pas encore été souillés par la perversité de certains activistes politiques et encore moins au service de leurs intérêts.
Que la malveillance de certaines personnes malintentionnées ait dépassé le seuil des débats publics et des prises de position tout à fait intéressés par rapport au ministre pour entraîner des jeunes malléables et idéalistes dans des querelles de basse caste, c’est non seulement révoltant mais écœurant.
«Les décisions comprises dans une circulaires et prises par le ministre pour calmer les esprits et montrer que le ministère est réceptif aux doléances des élèves ont pris du retard dans leur diffusion, c’est ce qui expliquerait la montée de la colère. Ceci étant, et s’agissant de l’organisation des devoirs et de leur calendrier, cela dépendrait des professeurs qui pourraient s’entendre à ce propos avec leurs adeptes. C’est l’intérêt des élèves qui doit être pris en compte avant tout. En tant qu’inspectrice, j’estime que pour les devoirs de synthèse, 3 semaines représentent une période appropriée pour qu’ils puissent les passer dans de bonnes conditions».
Qui manipule qui? Et pourquoi Néji Jalloul est-il devenu aujourd’hui l’homme à abattre? Pourquoi son projet de réformes n’a-t-il pas soulevé autant de vagues lorsqu’il a été proposé aux partis politiques et aux syndicats?
Il y a eu peut-être de la précipitation dans le lancement de la réforme de l’éducation, mais en matière de réforme, y a-t-il un moment idéal? Et est-ce que c’est la réforme, classée la meilleure dans le monde arabe, qui pose problème, ou bien c’est le ministre de l’Education nationale en la personne de Néji Jalloul?
Amel Belhadj Ali
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