Pas d’appel au secours désespéré aux frères et pays amis, ni de discours accusateur à leur adresse, malheureusement parfois adopté par certains membres du gouvernement. Dans son speech à la Conférence internationale sur l’investissement “Tunisia 2020“, Wided Bouchamaoui a su éviter ces deux écueils, et adresser le message qu’il faut aux participants, tunisiens d’abord, ensuite étrangers, à cette manifestation sur laquelle le nouveau gouvernement de Youssef Chahed compte tant pour relancer la machine économique et permettre ainsi à la Tunisie de dépasser ses difficultés économiques, financières et sociales.
«… la Tunisie peut se prévaloir de sa consécration du Prix Nobel de la Paix… et de ses immenses progrès en matière de lutte contre le terrorisme».
Probablement consciente que les envolées lyriques sur le thème de «la seule démocratie de la région», qui commence à lasser les Tunisiens et peut-être aussi les étrangers, la présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) a rappelé, mais sans trop s’y attarder, qu’«il y a six ans, à quelques jours près, et à quelques centaines de mètres d’ici, les Tunisiens ont scandé d’une seule voix pour réclamer plus de liberté, plus de justice et plus de dignité». Et d’ajouter qu’«en dépit des difficultés de l’étape, des pressions de toutes parts, des douleurs et parfois même des drames du processus, la transition politique aura conservé les fondements de l’Etat, les valeurs ancestrales de la société et offert la liberté aux Tunisiennes et aux Tunisiens». Et que «la Tunisie peut se prévaloir de sa consécration du Prix Nobel de la Paix, de sa pratique de l’exercice démocratique au quotidien et de ses immenses progrès en matière de lutte contre le terrorisme».
Mais, souligne la présidente de l’UTICA, «ce bilan -certes flatteur pour une démocratie naissante- ne nous réjouit pas» (…) tant que persiste le chômage des jeunes, s’accentue le déséquilibre régional, prolifère l’économie parallèle et se ternit l’image d’un pays qui a tout pour réussir».
«Cette action de sauvetage est d’abord de la responsabilité des Tunisiens, des acteurs avec le soutien des pays frères et amis et des bailleurs de fonds régionaux et internationaux».
Surtout, Mme Bouchamaoui a su ne pas tomber dans le travers –le plus grave- de donner des Tunisiens l’image d’un peuple d’assistés qui attend des autres qu’ils viennent régler ses problèmes et fassent le travail requis à cet effet à sa place. Cette action de sauvetage est d’abord de la responsabilité des Tunisiens, des acteurs avec le soutien –plus que nécessaire- des pays frères et amis et des bailleurs de fonds régionaux et internationaux.
A tout seigneur tout honneur, la présidente de l’UTICA commence par le gouvernement «avec lequel nous entretenons un contact quotidien» et à qui «nous n’avons jamais cessé de répéter que seule la reprise de la croissance est garante de la stabilité».
«Le temps des débats ne pourra s’éterniser indéfiniment et que la démocratie a autant besoin d’idées que de richesses pour s’épanouir»
Vient ensuite «la classe politique de toutes sensibilités», à qui elle dit que «le temps des débats ne pourra s’éterniser indéfiniment et que la démocratie a autant besoin d’idées que de richesses pour s’épanouir».
Mme Bouchamaoui ne minore pas le rôle des siens, les opérateurs économiques «sans distinction aucune entre tunisiens et étrangers», qu’elle appelle à saisir «cet immense potentiel du site Tunisie mais aussi les gisements de son environnement géographique immédiat».
Tout en soulignant que le secteur privé «que j’ai l’honneur de représenter n’a jamais baissé les bras» et qu’«il le démontre tous les jours sur le terrain bon gré mal gré», elle réitère que sa «confiance au potentiel du site Tunisie est infaillible et sa détermination est inébranlable pour mener à terme la réussite de la transition économique, qui vous l’imaginez bien, conditionne, sans nul doute, le succès de cette expérience démocratique inédite».
«L’ennemi commun est le chômage et l’exclusion, le sous-développement et le terrorisme».
Les partenaires sociaux –une référence claire à l’UGTT- avec qui «nous avons traversé, main dans la main, les épreuves les plus dures», ne sont pas oubliés, qui sont invités à «ne pas se tromper d’ennemi»; car «l’ennemi commun est le chômage et l’exclusion, le sous-développement et le terrorisme».
Last but not least, les «amis de ce pays trois fois millénaire», les vrais amis du monde libre, la Tunisie leur lance un appel d’espoir, de tolérance et de paix». Un appel –élégant- à ne pas laisser tomber ce pays.
«L’audace, le courage, la détermination, l’action et la pédagogie, crédos de cette démarche de mobilisation de toutes les énergies à laquelle nous appelons de toute urgence».
A tous les Tunisiens, elle lance un appel à créer «les conditions de la confiance, de la transparence, de la visibilité, du respect de la loi par tous et de la valorisation du travail», et à adopter «l’audace, le courage, la détermination, l’action et la pédagogie» comme «crédos de cette démarche de mobilisation de toutes les énergies à laquelle nous appelons de toute urgence».
La présidente de l’UTICA est convaincue que l’œuvre de sauvetage qu’elle appelle de ses vœux est «encore à notre portée» car le pays a des atouts: «une société civile éveillée, une jeunesse formée, éduquée et assoiffée de libérer ses énergies, une femme garante de la pérennité du modèle social, un secteur privé dynamique et aguerri à la compétition internationale, une position géographique stratégique et enviable, et désormais une référence historique connue et reconnue de par le monde entier».
Moncef Mahroug