Depuis sa soumission, le 15 octobre dernier, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le projet de loi de finances 2017 ne cesse de susciter débats et polémiques de tous genres.
Abstraction faite du tollé qu’elle a provoqué auprès des catégories socioprofessionnelles ciblées (salariés, chefs d’entreprise, professions libérales…), deux observateurs avertis, un expert et un universitaire, se sont relayés pour en dénoncer les incohérences et pour proposer des issues de sortie.
Globalement, ces experts estiment que cette loi de finances pêche par le fait qu’elle pénalise les bons contribuables et deux moteurs déterminants de la croissance, la consommation et l’investissement.
En voici les plus pertinentes.
Walid Ben Salah, expert-comptable, estime, lors d’un débat organisé par l’Economiste Maghrébin, que «la LF 2017, au lieu de s‘attaquer aux vrais problèmes de malversation, de contrebande, d’évasion fiscale et de blanchiment de l’argent, il prévoit d’augmenter la pression fiscale sur les bons contribuables, à travers l’instauration de nouveaux impôts et taxes, l’élargissement de certaines assiettes et le relèvement de plusieurs taux, occultant ainsi la règle d’or des 3T: Trop de taux tue l’impôt».
Pour remédier à cette incohérence, l’expert souhaite qu’une véritable volonté politique se manifeste pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale.
Concrètement, il propose «l’allocation de budgets conséquents permettant de moderniser l’administration fiscale et douanière, de procéder à une refonte des systèmes d’information et de contrôle interne, d’étoffer et d’améliorer les ressources humaines et logistiques, de recouvrer les créances… Autant de mesures qui doivent constituer des préalables à la réalisation de cette volonté».
L’universitaire Ridha Chkoundali relève, pour sa part, dans une interview accordée le 20 novembre 2016 au quotidien Essabah, trois incohérences majeures :
Les revendications de l’UGTT peuvent être satisfaites si…
La première consiste en l’absence d’harmonie entre la loi de finances 2017 et le budget général de l’Etat. En effet, si le Budget de l’Etat prévoit une augmentation -fort généreuse- de son montant (+12,2%), soit 3,3 milliards de dinars, la LF2017 suggère des mesures d’austérité (report des augmentations salariales et de promotion, gel des recrutements dans la fonction publique …).
La deuxième consiste en la pénalisation de deux moteurs de la croissance: la consommation privée et l’investissement privé. Cette pénalisation est perceptible à travers le gel des salaires et la taxation des bénéfices des entreprises.
La troisième a trait à l’augmentation dans le cadre de la LF2017 des dépenses budgétaires dédiées aux moyens de services, voire les avantages administratifs accordés aux cadres et hauts cadres du pays (voitures et logements de fonction, bons de carburants et autres…). Pour l’universitaire, ces dépenses, estimées à 900 MDT, peuvent, pour peu qu’elles soient réduites ou reportées pour une année, résoudre à elles seules le conflit entre le gouvernement et l’UGTT et autoriser les augmentations salariales conformément à leurs échéances initiales, c’est-à-dire en 2017.
Il estime également qu’une partie du budget de développement, estimé pour 2017 à 6,500 milliards de dinars, peut être utilisée à la même fin, et ce au regard de la faible capacité d’absorption de l’économie tunisienne. Selon lui, les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolte du 14 janvier 2011 n’ont jamais dépassé -au titre des réalisations du développement- le seuil de 4,8 milliards de dinars. Conséquence: il y a encore de la marge.
La dernière incohérence relevée par Ridha Chkoundali porte sur l’absence d’harmonie entre les objectifs retenus par la LF2017 et ceux du Plan de développement stratégique 2016-2020. Pour lui, tout semble indiquer que le budget de 2017 relève d’une approche comptable destinée à satisfaire le FMI, et souffre, donc, de l’absence de la vision économique claire développée dans le cadre du 13ème plan (2016-2020).
In fine, ces analyses et propositions montrent, de manière éloquente, que la situation n’est pas aussi dramatique qu’on le dit. Il y a encore de la marge de manœuvre pour faire passer cette LF2017 sans heurts et dans des conditions acceptables pour toutes les parties.