Retenue comme un des grands acquis du soulèvement du 14 janvier 2011, la discrimination positive, qui consiste à favoriser, de manière temporaire, le développement de l’arrière-pays, victime depuis 60 ans d’indépendance de discriminations systématiques, ne semble plus d’actualité… cinq ans après le déclenchement de la révolte, un certain 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, avec l’immolation du jeune Mohamed Bouazizi.
Trois indices récents militent en faveur cette tendance.
Tout d’abord, cette déclaration de Mohamed Fadhel Abdelkéfi qui a en charge trois départements stratégiques: le Développement, l’Investissement et la Coopération internationale. Ce dernier a indiqué, dans une récente interview accordée au magazine L’Economiste Maghrébin, qu'”il y a beaucoup de contre-vérités qui ont été dites sur la discrimination positive… Il y a trop de populisme qui tourne autour de cette question”. Pour lui, “l’idéal et le plus logique, économiquement parlant, est d’encourager l’investissement sur n’importe quelle parcelle du pays, sans distinction aucune”.
Conséquence: aucun traitement privilégié pour les régions de l’intérieur.
Le budget 2017 sert plus le littoral que l’arrière-pays
Vient ensuite la loi de finances 2017 qui a prévu des enveloppes budgétaires lesquelles, selon Mongi Rahoui, député du Front populaire, ne peuvent profiter qu’aux communautés du littoral.
A titre indicatif, les incitations instituées pour encourager les Tunisiens à acquérir un premier logement vont bénéficier aux habitants des quatre grandes villes littorales où opère l’écrasante majorité des promoteurs immobiliers et où l’offre de logements neufs est abondante, en l’occurrence le Grand Tunis, de Sousse, Sfax et Bizerte.
Et même l’enveloppe de 250 MDT dédiée à l’emploi “contrat de la dignité” ne profiterait qu’aux jeunes installés dans les régions où les entreprises économiques sont nombreuses, ce qui est loin d’être le cas dans les régions de l’ouest.
Idem pour l’enveloppe de 250 MDT destinée aux entreprises industrielles, elle bénéficierait en priorité aux unités implantées dans les régions les plus industrialisées lesquelles sont localisées sur le littoral.
Assistance sociale à l’ouest et investissement lourd à l’est
Le troisième élément consiste en la rémanence de certaines pratiques qu’on croyait enterrées avec la dictature de Ben Ali. Il s’agit du retour des caravanes caritatives et sanitaires dans les régions de l’ouest du pays. Des palliatifs sans lendemain pour des populations sous-médicalisées apparemment pour l’éternité.
Ainsi, au lieu d’encourager des médecins spécialistes à exercer dans les régions et au lieu d’accélérer la construction des hôpitaux dans des villes comme Kairouan, Gafsa, Béja, Gabès…, le ministère de la Santé s’amuse à encourager des jumelages entre les centres hospitalo-universitaires (CHU) -cas du jumelage entre le CHU de Monastir et l’hôpital de Gafsa. En vertu de ces jumelages, des médecins spécialistes du littoral se déplacent dans l’ouest du pays pour pratiquer des actes médicaux pointus (ophtalmologie et autres actes chirurgicaux…).
Moralité: l’ensemble de ces initiatives conjoncturelles consacrent la persistance de l’assistance sociale dans l’ouest du pays et l’investissement lourd sur le littoral.
Des corrections à l’horizon
Espérons que les promesses faites lors de la récente Conférence internationale sur l’investissement “Tunisia 2020” pour la réalisation d’importants projets structurants dans l’ouest du pays seront tenues et surtout concrétisées.
Pour le ministre du Développement, “70% des fonds levés, à l’occasion de Tunisia 2020 iront aux régions de l’intérieur”. Il y va de la stabilité du pays d’autant plus que les insurrections sociales non encadrées dans l’arrière-pays commencent à prendre une tendance structurelle.
L’espoir est permis car la discrimination positive est inscrite dans la nouvelle Constitution et dissuade, du moins au niveau du texte, tout retour en arrière.
En effet, selon l’article 12 de la Constitution, “l’Etat a pour objectif de réaliser la justice sociale, le développement durable, l’équilibre entre les régions et une exploitation rationnelle des richesses nationales en se référant aux indicateurs de développement et en se basant sur le principe de discrimination positive”.
En exécution de cet article de la Constitution, le gouvernement a retenu 14 gouvernorats devant bénéficier de la discrimination positive, à savoir Béja, Gabès, Gafsa, Jendouba, Kairouan, Kasserine, Kébili, Le Kef, Médenine, Sidi Bouzid, Siliana, Tataouine, Zaghouan et Tozeur.