La Banque Centrale de Tunisie vient de publier son rapport annuel sur la supervision bancaire pour l’année 2015, où elle fait notamment le point sur l’évolution du dispositif réglementaire, opérationnel ainsi qu’une présentation de l’évolution de la structure du secteur bancaire bancaire tunisien.
L’activité bancaire a évolué en 2015 dans un environnement marqué par la poursuite du processus de réformes bancaires amorcé depuis 2011 et ce, en dépit de la conjoncture économique difficile impactée par les 2 attentats du Bardo et de Sousse.
Trois réformes phares ont marqué le secteur bancaire en 2015 à savoir la conduite par la Banque Centrale de Tunisie des travaux d’élaboration du projet de loi relative aux banques et aux établissements financiers, le démarrage des plans de restructuration des trois banques publiques avec la recapitalisation de la STB et de la BH en Septembre 2015 et la mise en place en Aout 2015 du plan d’actions quinquennal de la supervision bancaire pour la période 2015-2020.
La refonte de la loi bancaire qui intervient après une décennie depuis le dernier amendement de 2006 a été conduite, concomitamment avec l’amendement de la loi portant statuts de la BCT, sur une période d’une année et demie et a bénéficié d’une large consultation auprès des différentes parties prenantes.
L’objectif recherché à travers cette refonte étant de mettre en place une loi de régulation inspirée des meilleurs standards internationaux capable de préserver la stabilité financière avec comme but ultime la protection des déposants et la consolidation de la confiance du public dans le secteur bancaire.
En se basant sur des principes directeurs ayant concerné notamment la prise en compte des leçons tirées de la dernière crise financière internationale ainsi que la capitalisation du retour d’expérience depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2001-65, la refonte de la loi bancaire s’est articulée autour de 7 principaux axes portant sur la réorganisation du marché bancaire, la révision des conditions d’accès et d’exercice de l’activité bancaire, le renforcement de la gouvernance bancaire, le renforcement du pouvoir de la BCT en tant qu’autorité de supervision , la révision du dispositif des sanctions, la mise en place d’un cadre spécifique pour le traitement des banques en difficulté mettant à la disposition des intervenants dans la gestion des difficultés bancaires de nouveaux outils et des pouvoirs renforcés et l’institution du fonds de garantie des dépôts bancaires en tant que filet de sécurité.
Parallèlement au renforcement du cadre légal de l’activité bancaire, l’année 2015 constitue l’année charnière et décisive dans le déclenchement du processus de restructuration et de développement des trois banques publiques et ce, à travers la recapitalisation de grande envergure de la STB pour un montant de 757 MD, souscrit pour la majorité par l’Etat et celle de la BH pour 110 MD. Cette recapitalisation a permis une nette amélioration du ratio de solvabilité moyen du secteur bancaire, passant de 9,4% à fin 2014 à 12 % à fin 2015 contre un minimum réglementaire de 10% ainsi que du ratio tiers 1 qui est passé de 7,6 % à fin 2014 à 9,3% à fin 2015 contre un minimum réglementaire de 7% .
Des avancées considérables ont été également réalisées au niveau de la gouvernance des trois banques publiques à travers la séparation entre les fonctions de Directeur Général et de Président du Conseil d’Administration et la nomination de nouveaux responsables dans ces postes et le changement de la moitié des membres du conseil d’administration représentant l’Etat.
La réalisation de ces prérequis, à côté des autres axes de développement relatifs à la stratégie commerciale, à la résolution des créances non performantes, aux ressources humaines et aux dispositifs de gestion des risques et de contrôle interne, permettra de garantir à ces banques les conditions de compétitivité et de pérennité nécessaires pour leur permettre de continuer à financer les secteurs stratégiques et à soutenir les opérateurs économiques conformément aux orientations stratégiques de l’intervention de l’Etat dans le secteur bancaire décidées depuis 2014.
La dynamique de réformes lancée depuis quelques années ne pourrait se poursuivre en l’absence d’une vision stratégique de l’autorité de supervision définissant sur un horizon à moyen terme les objectifs à atteindre et la trajectoire à suivre.
En effet et s’inscrivant dans une démarche de transition d’une approche de conformité vers une approche basée sur les risques, la BCT s’est dotée en 2015 d’un plan d’actions quinquennal pour la supervision bancaire couvrant la période 2015-2020 qui vise à assurer la convergence vers le cadre prudentiel de Bâle 2 et Bâle 3 moyennant l’engagement de réformes sur le plan réglementaire et opérationnel et à garantir les conditions d’une surveillance efficace du secteur bancaire à travers le développement des processus et des outils de surveillance aussi bien permanente que sur place. Ce plan qui a fait l’objet d’une communication auprès du secteur bancaire permettra aux banques et aux établissements financiers d’avoir une visibilité sur l’évolution réglementaire future leur permettant d’asseoir une politique de fonds propres adéquate.
Les réformes jusque-là réalisées dans le cadre du plan d’actions quinquennal avec la nouvelle loi bancaire en tant que socle pour bâtir toutes les autres réformes, la mise en place en Janvier 2015 d’un nouveau ratio de liquidité conforme au Liquidity Coverage Ratio « LCR » bâlois, l’introduction à partir de décembre 2016 d’exigences en fonds propres au titre du risque opérationnel et la mise en place de principes directeurs pour l’implémentation de systèmes de notation des contreparties dans les banques et établissements financiers se poursuivront par l’élaboration des textes d’application de la loi bancaire qui s’étalera jusqu’à 2017, la poursuite du renforcement du cadre opérationnel de la supervision bancaire par la mise en place du nouveau reporting prudentiel et comptable et la formalisation des processus de surveillance ainsi que la poursuite du processus de convergence vers les normes Bâle 2 et Bâle 3.
Il demeure entendu que seule une adhésion franche et inconditionnelle des banques et des établissements financiers à ces réformes serait à même de garantir leur réussite.
Chedly Ayari