Depuis quelques semaines, une nouvelle polémique/controverse a surgi su la place tunisienne; elle concerne le retour éventuel des terroristes tunisiens des zones de tensions.
Essentiellement, deux camps s’affrontent sur la question, à savoir ceux qui n’en veulent pas, puisque cela constitue “un véritable danger pour la sécurité nationale et régionale” et ceux qui défendent le droit de tout Tunisien de retourner dans son pays conformément à la Constitution.
Il faut rappeler que la présidence de la République a annoncé l’adoption d’une “stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme”. Signée le 7 novembre 2017 par le chef de l’Etat au cours d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, cette stratégie s’articule autour de quatre: prévention, protection, suivi et riposte.
Le 29 décembre, l’état d’avancement de l’exécution de cette stratégie, financée en partie par des organisations hollandaises, et les plans pratiques mis en place par le gouvernement pour traiter le dossier des Tunisiens de retour des foyers de tension a été au centre d’un entretien entre Caïd Essebsi et Youssef Chahed.
C’est dans cette optique que l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), organisme relevant de la présidence de la République, a été chargé d’élaborer une étude sur le phénomène des terroristes tunisiens à l’étranger, dont l’objectif est d’évaluer le degré de cette menace terroriste, en étudiant les profils, les motivations, les discours, les comportements et le processus d’embrigadement et d’enrôlement.
Une étude sur le terrorisme plus tôt que prévu…
Selon le directeur général de l’ITES, Hatem Ben Salem, cette étude devait être prête en septembre 2017, mais les circonstances en ont décidé autrement, elle sera préparée avant cette date. Sa cible: les terroristes tunisiens rentrés au pays, ceux qui sont dans les prisons tunisiennes et leurs entourages (familles, amis, etc.), a-t-il précisé.
Toujours selon Ben Salem, l’étude est un travail de compréhension et d’explication pour préparer la Tunisie à l’avenir, invitant au passage le gouvernement à décider très rapidement de réunir des experts afin de mettre en place une stratégie de prévention et de lutte et une stratégie, a postériori, pour essayer de juguler la question des Tunisiens terroristes à l’étranger.
Il estime qu'”on ne peut pas lutter contre cette menace en prenant des décisions ad hoc ou des décisions au fur et à mesure. Il faut préparer une stratégie multidimensionnelle afin de traiter cette question dans sa globalité”. La question ne doit pas être abordée une mentalité laxiste, humaniste et compréhensive, mais plutôt de se préparer avec rigueur pour que ce retour, qui est inéluctable, puisse être organisé de façon à garantir la sécurité nationale.
Ben Salem, tout en indiquant, par ailleurs, que des centaines de Tunisiens croupissent dans les prisons syriennes et irakiennes, affirme que l’ITES est en train d’étudier la possibilité de coopérer avec des experts tunisiens dans les zones de tension afin de les interroger.
Ne pas négliger les canaux officiels…
Pour le directeur général de l’ITES, il est impossible de traiter ce phénomène sans une véritable coopération avec les pays où sont retranchés ces terroristes. Cette coopération doit être officielle. L’efficacité de notre action dépend beaucoup de la qualité de notre rapport avec ces Etats.
“Ces terroristes, qui sont une menace pour la sécurité nationale de la Tunisie, ne sont pas partis par hasard, faut-il le rappeler, on a organisé leur départ”, insiste Ben Salem, c’est pour cette raison que “l’Etat doit prendre ses responsabilités pour identifier les responsables de leur recrutement”.
Dans ces conditions, il estime qu’une révision de la Constitution ou du cadre juridique étant complexe…, l’Etat doit trouver un cadre adéquat pour le traitement de ce dossier. “Si retour il y a, on doit considérer ces gens-là comme des criminels, des terroristes dans le sens de la loi tunisienne antiterroriste”, martèle-t-il.
Compte tenu de leur nombre, de la difficulté de collecter les preuves de leur inculpation, et vu que notre système judiciaire n’a pas les moyens de juger ces personnes et que notre système pénitentiaire est incapable de gérer ce phénomène, l’urgence de cette stratégie se fait sentir jour après jour. C’est pourquoi, les ministères de la Justice et de l’Intérieur sont représentés dans la commission chargée de l’élaboration de cette étude.
De retour en Tunisie, les personnes impliquées dans des actes terroristes tombent sous le coup de la loi antiterroriste. En effet, la loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, stipule dans l’article 31 qu’”est coupable d’infraction terroriste et puni de un à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de cinq mille à vingt mille dinars, quiconque, par quelque moyen que ce soit, commet, intentionnellement, à l’intérieur ou à l’extérieur de la République, l’apologie, d’une manière publique et expresse, d’une infraction terroriste, de ses auteurs, d’une organisation, d’une entente, de ses membres, de ses activités ou de ses opinions et idées liées à ces infractions terroristes”.
Quant à l’article 32 de la même loi, elle indique qu'”est coupable d’infraction terroriste et puni de six à douze ans d’emprisonnement et d’une amende de vingt mille à cinquante mille dinars, quiconque adhère, volontairement, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de la République, à quelque titre que ce soit, dans une organisation ou entente terroriste en rapport avec des infractions terroristes, ou reçoit un entraînement à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de la République, à quelque titre que ce soit en vue de commettre, l’une des infractions terroristes prévues par la présente loi. La peine encourue est de dix à vingt ans d’emprisonnement et d’une amende de cinquante mille à cent mille dinars pour les personnes qui ont formé les organisations et les ententes précitées”.
Pour sa part, le porte-parole de la direction générale des prisons et de la rééducation, Kais Soltani, a expliqué que les personnes impliquées dans des affaires de terrorisme qui ont été jugées ou placées en garde à vue sont traitées selon le degré de leur dangerosité. Ce degré est fixé par la direction générale des prisons après un contrôle rapproché de ces personnes dans les centres de détention et en se basant sur les rapports de la Justice et du ministère public.
Les chefs des groupes terroristes qualifiés de “dangereux” sont généralement isolés, indique-t-il. En ce qui concerne les autres, 5% seulement d’entre eux sont détenus avec les prisonniers impliqués dans des affaires de droit commun.