La science économique le reconnaît comme le Père fondateur. Il y a 240 ans, Adam Smith publiait son maître ouvrage “La richesse des nations“ (le titre exact de l’ouvrage était “La nature et les causes de la richesse des nations“). On ne peut clôturer l’année 2016 sans un clin d’œil à cet évènement fondateur qui a donné lieu à une matière qu’on a fini par élever au rang de filière scientifique.
L’évolution de la pensée économique lui attribue le statut de chef de file de l’école classique. Celle-ci, tout en posant un cadre global de réflexion, n’en présentait pas moins certaines lacunes. Quelles furent ses principaux apports?
Le marché, le prix d’équilibre, la main invisible…
A l’évidence, c’est Adam Smith qui a officialisé le recours au marché comme cadre de valorisation des biens et services. Le marché obéit au libre jeu de l’offre et de la demande, donc un système quasi autonome animé par une “main invisible“ qui le conduit vers un prix d’équilibre. Bien entendu tout ce schéma est sous-tendu par la loi de la valeur travail.
Tout ceci s’articulait autour d’un modèle de concurrence pure et parfaite, où l’on supposait que l’information était partagée de tous, équitablement et avec une juste division du travail.
L’école néoclassique et la nécessité de régulation et l’outil mathématique
En réaction au modèle figé d’Adam Smith, les néoclassiques qui lui succédèrent ont eu recours à l’outil mathématique. Ils ont pu démontrer ce qui était difficile à valider scientifiquement. L’exemple type étant que le salaire doit être le plus bas possible, et le modèle mathématique a démontré que le salaire étant la productivité marginale du travail devait être en effet minimisé afin de faire performer la fonction de production. Et ceci s’appliquait de manière inverse pour le capital.
De là est venue une première réaction, à savoir le corporatisme, et sont nés, dans son sillage, les syndicalismes ouvrier et patronal. Mais une autre réaction s’est manifestée contestant violemment l’essence même de cette théorie.
Le Marxisme puis le GOSPLAN
La théorie économique négligeait la question de la répartition. Celui-ci ouvrit un boulevard théorique important au Marxisme. Hélas, le modèle de démocratie populaire, qui lui a servi de cadre historique, en optant pour la neutralisation du marché et la gestion administrée de la distribution via GOSPLAN, a subi un échec historique qui lui a valu d’être définitivement déclassée.
La faille principale du modèle de concurrence pure et parfaite
Etablissant une perspective d’équilibre figé, ce modèle fut démenti par les faits historiques. Le marché a montré qu’il ne pouvait de lui-même se réguler. De plus, autant il validait les cycles, autant il ne faisait pas mention des crises.
En effet, nulle part la crise ne justifie de manière technique. Nous prenons la responsabilité d’affirmer que les crises ne font pas partie du paysage scientifique. Rappelons qu’il a fallu attendre Joseph Stiglitz, pour corriger scientifiquement le modèle en rappelant qu’il existe une asymétrie en matière d’accès à l’information.
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Tout ceci pour nous amener à parler du rôle de l’Etat. Mais d’abord, évoquons deux digressions qui ont un caractère de dissidence académique.
Le monétarisme et la financiarisation de l’économie
L’apparition de l’école monétariste a été une dissidence dogmatique. Elle n’était assise sur aucun référentiel scientifique. Elle ne partait pas d’un référentiel de loi de valeur. Et elle stipulait que la quantité de monnaie en circulation devait réguler la production et la répartition de richesses.
De plus, elle a ouvert la voie à la financiarisation de l’économie. Or la financiarisation a totalement déstabilisé la pensée économique en introduisant de manière sournoise le retour sur investissement (Return On Equity) comme loi de la valeur. Détachée de la nature de l’économie réelle, celle-ci a fini, dans un accès de fuite en avant théorique, par favoriser la globalisation du marché et la prédation économique. On connaît l’ampleur des impacts des crises financières qui en arrivent à ce que le marché vienne à détruire de la valeur au lieu de se satisfaire de sa fonction essentielle qui consiste à en créer.
Le rôle de l’Etat
On réserve le meilleur pour la fin. Toutes ces constructions théoriques ont évincé l’Etat, ne lui réservant qu’un rôle mineur dans le système. John Maynard Keynes le fit entrer par la petite porte en lui octroyant le rôle de relancer l’économie via le budget. Mais, disent ses détracteurs, c’est une façon de socialiser les pertes et de protéger la privatisation des profits.
Au bout du compte, la seule réplique au tout marché, c’est-à-dire le marché global, ou à l’Etat strict agent régulateur. Finalement, l’économie sociale et solidaire, en mettant le marché sous la supervision de l’Etat, n’est-elle pas la réplique à la dérive de l’économie de marché? Le mutualisme, comme riposte au capitalisme, est-ce une solution efficace? Nous examinerons la question lors d’une table ronde à venir.
Bonne et heureuse année à tous.