Il est journaliste de métier. Mais depuis quelques mois, il a endossé le costume de diplomate: il est devenu ambassadeur … de France à Tunis. Il, c’est Olivier Poivre d’Arvor accueillant jeudi 5 janvier, en sa résidence les représentants de la presse tunisienne.
Il était très à l’aise de se retrouver, quelque part, parmi ses confrères, «je sais que les journalistes sont à la fois le témoin et le baromètre de l’espace critique indispensable à la santé démocratique d’un pays», soulignera le diplomate français. Et d’enchaîner: «Bien évidemment, cette consolidation de la démocratie, cette préservation de la liberté d’expression vous y êtes, plus que quiconque, très attachés; vous l’utilisez très librement, et de façon responsable, c’est très important. Je voudrais saluer cette responsabilité pour vos journaux, radios, télévisions, sites électroniques, pour cet ensemble de la presse tunisienne que je partage et consomme avec bonheur».
Oui, le monde de la presse, c’est aussi le sien, et il connaît ses joies, ses problèmes, ses défis. Alors, inutile de lui dire que la vie des médias et des journalistes, en Tunisie mais aussi ailleurs, est difficile. Il le sait : «… dans cette période de recomposition du paysage (sociopolitique) et des médias, se pose naturellement le problème du marché publicitaire avec différents défis», dira-t-il en substance.
En tant que journaliste de métier, le désormais diplomate promet d’agir de façon concrète. «… L’ambassade de France en Tunisie est disposée à mettre en place un fonds qui aura pour objet de soutenir la presse francophone –on est en train de réfléchir sur la formule à adopter-, pour vous permettre de rencontrer, très librement, vos confrères français et européens, à travers des voyages de formation et/ou d’étude. Si c’est en France que vous souhaitez vous y rendre, le problème de visa ne se posera pas».
Le fonds sera également destiné à réaliser des enquêtes communes avec des médias français, des coproductions, pourquoi pas, précisera M. Poivre d’Arvor. «Bref, tout ce que vous désirez faire en la matière et qui coûte de l’argent, nous sommes prêts à vous aider, non pas pour vous demander d’être sympathiques avec nous, loin de là, au contraire, soyez critiques». Le but du fonds c’est de «… vous permettre d’être vivants et libres».
Liberté d’expression, dites-vous? Mais nous devons savoir que celle-ci doit être double, il faut bien entendre. En effet, si l’ambassadeur de France a insisté sur cette notion de «liberté de la presse» en Tunisie, nous estimons qu’il invite, indirectement, les journalistes tunisiens à accepter que leurs confrères européens et d’ailleurs puissent, eux aussi, être libres sur ce qu’ils écrivent ou expriment sur les événements en Tunisie.
Relations entre la France et la Tunisie
L’année 2016 a été marquée par des moments politiques forts et importants qui permettent de mettre en place des moyens de financements importants pour accompagner la Tunisie, soulignera l’ambassadeur.
«La Tunisie, il faut quand même le rappeler, est à la mode depuis Hannibal, mais plus particulièrement depuis 2011», note le diplomate français. Et d’ajouter: «Quand on parle aujourd’hui de la Tunisie, on parle d’exception, d’un pays incroyable, ouvert sur tous les horizons –géopolitiques-, un pays qui est capable faire son propre chemin. Certes l’image de la Tunisie pâtit –comme la France du reste-, du terrorisme, mais elle reste un pays qui a pris son destin en main».
Sur les relations entre la Tunisie et la France, il estime que les deux pays, sur le plan politique, les échanges sont au beau fixe. Les faits lui donnent raison quand on compte le nombre de visites officielles qui ont eu lieu entre les deux pays. François Hollande aura visité la Tunisie trois fois, soit plus que tout autre chef d’Etat français. Manuel Valls, l’histoire retiendra qu’il aura effectué sa dernière visite officielle en Tunisie. C’était à l’occasion de la Conférence internationale sur l’investissement «Tunisia 2020».
Idem sur les plans économiques, malgré tous les problèmes, aucune entreprise française n’a quitté le site Tunisie. C’est important de le signaler, probité intellectuelle exige.
Concernant la Tunisia 2020, la proposition de la France (AFD) de mettre sur la table 1,200 milliard d’euros (don, aide et prêt) a fait monter les enchères en faveur de la Tunisie, puisque le Qatar, ayant vu cela, a immédiatement promis 1,250 milliard de dollars (rire)…
«Pour 2017, je souhaite que la France soit davantage à l’écoute des besoins de la Tunisie dans une relation que je qualifierais d’interconnectée –dans les moments heureux ou dans les moments douloureux (drame de la discothèque d’Istanbul). Qu’on le veuille ou pas, cette interconnexion est là, à travers les 700.000 tunisiens qui vivent en France, ou les 30.000 français ou Franco-tunisiens qui vivent ici en Tunisie, le français, l’arabe, les échanges éducatifs, économiques, etc.»
Ces messages et bien d’autres ont semblé avoir marqué les esprits –même les plus critiques-, au point qu’aucun journaliste n’a pu poser une question, en tout cas en public) à l’ambassadeur de France, bien qu’il l’ait ouvertement demandé.
Tallal BAHOURY